Actuellement, la Gambie est confrontée à un déficit d’approvisionnement en électricité. Seule 56,2 % de la population dispose d’un accès à cette énergie, mais comme toujours un retard considérable s’observe dans le monde rural dont 13 % seulement bénéficie de l’électricité. Selon la Banque africaine de développement (BAD), le pays dispose d’une puissance installée de 102 MW, mais près de 11 MW manquent pour répondre à la demande de pointe.
Comment remédier au déficit énergétique ?
La priorité de la feuille de route gambienne 2019-2025 concerne l’investissement dans les transports et la distribution énergétique afin de ramener les pertes d’énergies de 22 % en 2020 à 17 % en 2025. Il s’agit également de baisser les coûts de l’électricité en passant de 0,26 $/kWh en 2020 à 0,18 $/kWh en 2025 et d’atteindre le seuil de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays à l’horizon 2030.
Face à ce déficit énergétique gambien de 11 MW, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) — qui regroupe la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau et le Sénégal entend livrer 14 MW d’énergie hydraulique d’ici la fin de l’année.
Mais les projets ne s’arrêtent pas là. La Gambie devrait bénéficier de 50 MW issus de la centrale hydraulique de Souapiti en Guinée Conakry, ainsi que 34 MW de producteurs indépendants d’électricités. Ainsi, en prenant en compte la puissance installée actuellement (102 MW), l’apport de 14 MW de l’OMVG, et ces derniers chiffres, la Gambie devrait disposer de 200 MW d’électricité en 2025.
La position stratégique de la Gambie
La centrale de Souapiti est une fierté guinéenne, dotée d’une puissance de 450 MW. Lors de son inauguration provisoire en juin dernier, l’ancien président Alpha Condé exprimait toute sa satisfaction d’apporter de l’électricité aux pays voisins, notamment au Sénégal. Car de Guinée, l’électricité passerait par la Guinée Bissau, le Sénégal et la Gambie avant de revenir au Sénégal et alimenter Dakar.
Par ce nouveau tracé des lignes électriques, la Gambie devient une porte stratégique, le passage le plus rapide entre le château d’eau guinéen (future puissance hydroélectrique d’Afrique de l’Ouest) et l’agglomération dakaroise, forte de plus de 3 millions d’habitants (près d’un cinquième de la population sénégalaise).
Soma, le point focal du développement gambien à l’échelle régional
La place stratégique gambienne s’illustre par la présence d’une nouvelle station électrique mise en œuvre à Soma à la fin du mois d’octobre. À elle seule, la station modifie considérablement les capacités d’électrification de la Gambie et consolide par la même occasion l’avenir énergétique du pays. D’une valeur de $ 700 millions, la station de Soma est construite dans le cadre de l’OMVG pour recevoir l’énergie d’une ligne électrique de 225 kV. Une ligne électrique d’une puissance importante capable de supporter de gros volumes d’électricité, à moindres coûts, venus des centrales hydrauliques de Guinée — Kaleta (240 MW) et Souapiti (450 MW), notamment.
Une centrale solaire de 150 MWc
La ville de Soma se distingue aussi par le projet de parc solaire d’une puissance de 150 MWc qui devrait disposer de batteries de stockage d’une capacité de 100 à 150 MWh. La valeur estimée d’un tel projet avoisine au minimum les $ 130 millions. La construction de la centrale devrait être réalisée en deux phases : la première désigne la mise en œuvre d’une puissance de 80 MW, tandis que la seconde y ajoute 70 MW.
Cette réalisation s’inscrit dans le cadre des projets à moyen terme (2023-2029) du Système d’échange d’énergie électrique (EEEOA) de la CEDEAO. Le terrain qui recevra la centrale solaire s’étend sur 225 hectares et se situe à proximité de la sous-station électrique de Soma. Cette proximité révèle l’objectif de cette centrale solaire : électrification la Gambie et surtout… exporter l’énergie nécessaire à la stabilité du réseau régional.
Ainsi, à Soma, la Gambie se fait une place dans la géopolitique ouest-africaine.
Par Jean Gecit,
Docteur en Histoire des énergies renouvelables