« L’économie, c’est de l’énergie transformée », martèle souvent le financier français Charles Gave, évoquant la crise énergétique qui touche le monde depuis le début de la guerre en Ukraine, et les trains de sanctions engagés contre la Russie. L’Afrique fait partie des continents les plus affectés par cette crise énergétique qui se traduit très concrètement par les délestages qui touchent actuellement les plus grandes économies du continent, notamment l’Afrique du Sud et le Nigeria. Cette crise contribue aussi au ralentissement du processus de l’électrification de l’Afrique.
Actuellement, 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité selon la Banque africaine de développement (BAD). Au-delà du contexte mondial, l’accès à l’électricité est freiné par plusieurs facteurs, notamment l’insuffisance de financements alloués au continent.
L’Afrique a besoin de 28 milliards de dollars par an
Selon un rapport du cabinet BloombergNEF publié à l’occasion de la 27e Conférence des parties des Nations unies sur le changement climatique (COP27) en Égypte, les investissements dans les énergies renouvelables dans le monde ont grimpé de 9 % sur un an pour atteindre leur plus haut niveau historique en 2021. Pendant ce temps, ils ont chuté de 35 % en Afrique, qui ne représente que 0,6 % des 434 milliards de dollars investis dans les énergies renouvelables à travers la planète.
Pour combler le fossé actuel et accélérer l’électrification de l’Afrique, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’il faudrait investir 28 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Ce montant comprend environ 13 milliards de dollars pour les mini-réseaux, 7,5 milliards de dollars pour le réseau et 6,5 milliards de dollars pour les investissements hors réseau. « Les engagements financiers actuels sont loin d’être suffisants, avec des lacunes importantes dans des pays tels que le Tchad, l’Éthiopie et le Nigeria, qui sont tous des pôles de croissance démographique majeurs », remarque Benson Ireri, responsable Afrique — Accès à l’énergie au World Resources Institute (WRI).
Les obstacles à l’accès à l’électricité
Pour ce professeur à la T. H. Chan School of Public Health de l’université de Harvard, « des engagements financiers importants sont nécessaires pour combler ce fossé. Cependant, des défis persistent, notamment l’instabilité politique, l’incertitude macroéconomique (en raison de l’inflation et des taux de change), les questions politiques et réglementaires, les faiblesses institutionnelles et le manque de transparence. Tous ces éléments créent un climat d’investissement moins favorable, ainsi que des défaillances du marché et un manque d’aide pour canaliser les financements là où ils sont le plus nécessaires ».
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Face à cette situation, le Forum économique mondial (FEM) préconise une approche systématique vers un cadre financier bien intégré afin d’aider les pays africains à réussir dans l’accélération de leurs projets et solutions en matière d’énergie propre. Cette approche intègrerait une structure organisationnelle, une structure pour la mise en œuvre du Mécanisme d’investissement dans les énergies renouvelables (REIF) proposé par le cabinet britannique Deloitte, des instruments de financement, des modèles d’affaires, une assistance technique, le ciblage par secteur et la gestion des risques.
La mise en place des PPP
Outre le financement des solutions décentralisées pour l’électrification des zones rurales, certains partenaires au développement préconisent la mise en place de partenariats public-privé (PPP) qui ont jusqu’ici permis la construction de la plupart des grandes centrales à énergies renouvelables ces dernières années en Afrique. C’est le cas du parc éolien du Lac Turkana, le plus grand parc éolien d’Afrique de l’Est avec une puissance de 310 MW, construit par consortium de plusieurs investisseurs réunis au sein de l’entreprise à finalité spécifique de Lake Turkana Wind Power (LTWP).
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La plupart des centrales à énergies propres mises en service ces dernières années en Égypte ont été construites dans le cadre de PPP. C’est le cas du complexe de Benban, une mosaïque de centrales solaires d’une capacité de 1 650 MWc, mis en service en 2019 et construit par une myriade d’investisseurs. Il en est de même pour les parcs éoliens qui sont construits à tour de bras actuellement dans le golfe de Suez. Les PPP ont également le vent en poupe en Afrique du Sud, notamment à travers le Programme d’approvisionnement des producteurs indépendants d’énergie renouvelable (REIPPPP) lancé par le gouvernement sud-africain pour attirer les investissements privés dans les énergies propres.
L’accès à la cuisson propre
L’Afrique reste également à la traîne en matière d’accès à la cuisson propre. Un segment pourtant très négligé, et pourtant capital pour les foyers au même titre que l’électricité. Selon la Banque mondiale, 900 millions de Subsahariens manquent d’énergie propre et moderne pour cuisiner. Une situation qui favorise la déforestation et entraine la perte de 35 milliards de dollars par an en dépense pour le bois, le charbon de bois et le kérosène.
Toutefois, les partenaires au développement commencent à s’intéresser à ce service essentiel. C’est le cas de l’Union européenne (UE) qui a engagé récemment 12,5 millions d’euros dans le cadre de la Facilité de cuisson moderne pour l’Afrique (MCFA) afin de soutenir la distribution de 170 000 fourneaux propres et abordables, bénéficiant à au moins 870 000 personnes en Zambie.
Jean Marie Takouleu