Les engagements climatiques des banques en Afrique sont en nettes évolutions. Al-Hamndou Dorsouma, administrateur délégué et directeur du Département de la lutte contre le changement climatique et de la croissance verte à la Banque africaine de développement (BAD), a indiqué dans un communiqué publié le 30 juin 2021, que la contribution de la BAD aux investissements liés au changement climatique avait quadruplé entre 2016 et 2019 et devrait atteindre 40 % de l’investissement total de la banque à la fin 2021. « Nous sommes sur la bonne voie pour mobiliser le montant projeté de 25 milliards de dollars entre 2020 et 2025, destiné à soutenir les investissements pour lutter contre le changement climatique et favoriser la croissance verte », poursuit-il.
Plus largement, le Rapport commun sur le financement de la lutte contre le changement climatique, rendu public le 30 juin 2021, en précise les contours. Les investissements des grandes banques multilatérales de développement (BMD) ont atteint, l’année dernière, 66 milliards de dollars, contre 61,6 milliards en 2019. Le rapport indique que 58 % de ce montant (38 milliards de dollars) a été dépensé dans des économies à faibles revenus ou intermédiaires, en Afrique notamment. Alors qu’en novembre 2020, le Climate Funds indiquait que la mobilisation des financements internationaux vers les pays en développement atteignait près de 80 milliards de dollars en 2018, avec 25 % des fonds alloués à l’Afrique.
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Les flux de financements climatiques vers l’Afrique sont nettement plus engagés par les banques de développement que par les banques commerciales qui sont pourtant vulnérables au changement climatique. Un rapport publié en mars 2021 par l’agence américaine de notation Moody’s, relève que 49 banques actives dans 14 pays africains ont accordé 218 milliards dollars, soit 29 % des crédits octroyés, à des projets mis en œuvre dans des secteurs vulnérables au changement climatique (notamment les transports, les hydrocarbures et les industries minières). « La publication des risques climatiques qu’elles encourent et leur gestion ne sont pas encore très développées au sein des banques africaines. Nous prévoyons que les facteurs environnementaux entraîneront une détérioration de la qualité du crédit et de la profitabilité de ces banques si elles ne prennent pas des mesures pour une gestion prudente des risques climatiques et environnementaux », indique Moody’s.
Un Business plan pour le climat en Afrique
L’un des modèles de finance climatique encours d’exécution sur le continent, c’est celui lancé en 2015 par la Banque mondiale à l’occasion de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP21). Il s’agit du Business plan pour le climat en Afrique. Le programme propose et finance des actions concrètes pour aider les pays africains à s’adapter au changement climatique et à résister davantage aux chocs environnementaux, tout en réduisant leurs émissions de dioxyde de carbone.
L’une des réussites de ce programme reste le projet de compétitivité de la chaîne de valeur de la noix de cajou en Côte d’Ivoire, d’une valeur de 200 millions de dollars. Le projet a contribué à accroître les rendements, la qualité et la valeur ajoutée, bénéficiant à environ 225 000 petits exploitants agricoles et à d’autres bénéficiaires (notamment des commerçants et des jeunes ruraux) par le biais d’emplois directs. Par ailleurs, le Business plan pour le climat en Afrique a permis à 28 millions d’agriculteurs d’adopter des pratiques agricoles respectueuses du climat, ainsi que la mise en place des systèmes pastoraux améliorés dans 15 pays.
En augmentant ses investissements au fils des ans, le Business plan pour le climat en Afrique a vu son portefeuille multiplié par six, passant de moins d’un milliard de dollars en 2015 à plus de 6 milliards de dollars en juin 2020. Pour sa nouvelle phase qui s’étendra sur six ans (2020-2026) et contribuera à la réalisation des engagements concrets de la Banque mondiale, les domaines d’action mettent l’accent sur la nécessité d’aspects sectoriels, intersectoriels et localement habilitants pour garantir la préparation et les possibilités de lutte contre les risques climatiques et les impacts climatiques à long terme. La Banque mondiale entend par ailleurs investir plus de 5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour contribuer à la restauration des paysages dégradés, l’amélioration des rendements agricoles et le renforcement des moyens de subsistance dans 11 pays d’Afrique situés sur une bande de terre s’étendant du Sénégal à Djibouti (la Grande muraille verte).
Des communautés rurales servies à la fourchette
Pour garantir que ces flux de financement parviennent effectivement aux communautés locales, la banque a recours à des outils tels que le nouveau Programme de financement de l’action climatique menée localement (FLLoCA), dont l’objectif est de mettre en œuvre des actions de résilience climatique menées localement et de renforcer la capacité des gouvernements nationaux et locaux à gérer les risques climatiques. C’est le cas au Kenya, où l’institution financière a approuvé un crédit de 150 millions de dollars pour soutenir des projets de résilience climatique identifiés et menés localement dans toutes les circonscriptions rurales. « Les communautés des zones rurales, en particulier celles des régions arides et semi-arides qui ont été touchées par les impacts du changement climatique tels que les sécheresses et les inondations, les épidémies de maladies liées au climat, la faible productivité des terres agricoles et le déclin du bétail, seront les principales bénéficiaires du programme », affirme Nicholas Soikan, spécialiste principal du développement social à la Banque mondiale et chef de l’équipe du programme FLLoCA au Kenya.
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Dans une déclaration publiée à la veille de la 26e conférence des Nations unies sur le climat (COP26), le Fonds international de développement agricole (Fida) plaide pour l’augmentation significative les investissements destinés à financer la résilience des populations rurales au climat. L’organisation tire la sonnette d’alarme, notamment sur la situation des petits exploitants agricoles. Bien qu’ils produisent le tiers de la nourriture consommée mondialement, ils restent très mal desservis par le financement climatique, ne recevant que 1,7 % des flux mondiaux de financement, et ils ont rarement voix au chapitre dans les forums internationaux.
À l’heure actuelle, le financement de l’action climatique ne leur offre pas l’accompagnement dont ils ont besoin. Selon le Fida, il faudrait entre 140 et 300 milliards de dollars par an pour les aider à rendre leurs activités durables et résilientes face aux aléas climatiques, or entre 2017 et 2018, 20 milliards de dollars par an seulement ont été affectés à l’agriculture, à la foresterie et aux autres utilisations des terres.
Un besoin en finance climatique estimé à 200 Md$ par an d’ici 2070
Les fonds alloués par la BAD pour lutter contre le changement climatique en Afrique sont passés de 9 % des investissements globaux en 2016 à 35 % en 2019 et un nouveau Business plan pour le climat en Afrique a été dévoilé en 2020 par la Banque mondiale. Mais ces budgets demeurent insuffisants au regard des besoins du continent pour mettre en place des systèmes d’alerte précoces et des infrastructures résilientes.
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Dans un rapport publié en septembre 2020, le Centre mondial pour l’adaptation (GCA) estime que la lutte contre le changement climatique requiert actuellement entre 7 et 15 milliards de dollars chaque année en Afrique. Ce montant connaîtra une croissance annuelle de 7 % au moins. Si les paramètres climatiques actuels se maintiennent, les fonds nécessaires atteindront 35 milliards de dollars par an d’ici à 2050 et 200 milliards de dollars dans 50 ans.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), les effets du changement climatique coûtent la vie à au moins 1000 Africains chaque année et laissent 13 millions de blessés, sans-abri, affamés, sans eau ou sans infrastructure d’assainissement. La même source indique que les effets du changement climatique causent également plus de 520 millions de dollars de dommages directs aux économies depuis 2000.
Boris Ngounou