La conception actuelle de la protection de l’environnement en Afrique n’est pas très loin de celle qui prévaut dans le reste du monde. L’idée que l’on se fait du concept « environnement » a vite évolué en Afrique, à la faveur des enjeux climatiques de l’heure. Les exigences d’antan ont été renforcées par de nouvelles obligations. Ici, protéger l’environnement implique des approches, des acteurs, et des moyens identiques à ceux utilisés en occident ou en Asie : écotourisme, agroécologie, économie circulaire, économie verte, énergies vertes, efficacité énergétique, ville durable, tout y est. Aujourd’hui la protection de l’environnement en Afrique intègre autant les questions de diversité biologique, de préservation de la ressource naturelle, que les moyens de réduction et d’adaptation au changement climatique.
Lutte contre les changements climatiques
L’atténuation et l’adaptation au changement climatique font ainsi partie des dernières approches développées dans le cadre de la protection de l’environnement à travers le monde. Le réchauffement climatique étant un phénomène aux conséquences globales, les dirigeants du monde ont compris la nécessité d’agir ensemble. C’est tout le sens à donner à la conférence des Parties (COP) à la Convention de l’ONU (Organisation des Nations unie) sur le climat, lancée en 1995 à Berlin en Allemagne. La COP21 de 2015 invite ses membres signataires à la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de minimiser l’impact humain sur le changement climatique. Elle fixe pour chaque pays ou région des objectifs chiffrés en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de réductions correspondantes à atteindre. Cet engagement chiffré passe par une série de mesures et d’engagements politiques, révisés et actualisés à l’occasion des réunions annuelles des pays signataires de la convention sur le climat, qui ont atteint l’effectif de 197 pays en 2018.
Et, dans cette bataille, l’Afrique est particulièrement interpellée. Outre la préservation des forêts (notamment la forêt du bassin du Congo, deuxième massif forestier au monde après la forêt d’Amazonie) pour réguler le climat, l’Afrique doit s’adapter au changement climatique et faire face aux catastrophes naturelles, malgré des moyens financiers limités. Constitué essentiellement de pays en voie de développement, le continent est aussi la première victime du dérèglement climatique, notamment à cause de l’aggravation du stress hydrique au nord et au sud de l’Afrique. Mais d’autres conséquences impliquent l’Afrique particulièrement. Dans une étude publiée en janvier 2021, l’organisation non gouvernementale (ONG) Germanwatch relève que le Mozambique, le Zimbabwe, le Malawi, le Soudan du Sud et le Niger comptent parmi les dix pays du monde les plus affectés par le changement climatique. Selon la même source, le Mozambique perdrait environ 362 millions d’euros par an à cause des crues provoquées par les cyclones. Durement touché par le cyclone Idai en 2019, le Zimbabwe a estimé la réparation des dégâts à 900 millions d’euros.
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La bataille de la biodiversité
La préservation de la biodiversité, constitue également l’une des évolutions les plus récentes en matière de protection de l’environnement en Afrique. La nécessité de préserver la biodiversité a surtout été renforcée en Afrique comme dans le reste du monde, par la publication en 2019 du rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, produit par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Les conclusions du rapport, fondées par des années de travail assidu des nombreux scientifiques qui y ont contribué, offriront une vue d’ensemble des conditions actuelles de la biodiversité mondiale. Selon le rapport, 75 % du milieu terrestre est « sévèrement altéré » à ce jour par les activités humaines (milieu marin 66 %). Et pourtant d’après les chercheurs, une biodiversité conditionne toutes les formes de vie sur terre, y compris la vie humaine.
Dès lors, la préservation de la diversité biologique apparaît comme une exigence dans divers domaines d’activité : l’agriculture, l’hydroélectricité, le transport, l’urbanisation et le bâtiment ainsi que la foresterie. Cette exigence est alimentée par la mise sur pied des produits certifiés « Bio », dont les procédés de fabrication et les chaînes d’approvisionnement prennent en compte la préservation de la biodiversité. C’est par exemple le cas avec Nestlé. L’entreprise agroalimentaire a développé un programme baptisé « Nestlé Cacao plan », qui lutte contre la déforestation dans les plantations de cacao en Afrique de l’Ouest.
La 4e édition du « One planet Summit » qui s’est tenue le 11 janvier 2021, a contribué au renforcement des préoccupations liées à biodiversité. Après avoir pris acte du fait que les perturbations climatiques bouleversent les milieux naturels et font peser une menace d’extinction sur de nombreuses espèces végétales et animales, le « One planet Summit » a mobilisé la communauté internationale sur quatre axes stratégiques, la protection des espaces marins et terrestres, la promotion de l’agro-écologie, le financement de la préservation et de la restauration de la biodiversité, la protection des forêts tropicales, des espèces et de la santé humaine. Ces priorités seront probablement encore renforcées à l’occasion de la 15e conférence des parties à la convention de l’ONU sur la biodiversité qui aura lieu du 11 au 24 octobre 2021 à Kunming, capitale de la province chinoise du Yunnan.
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Les fondamentaux
Avant la lutte contre le changement climatique et la destruction de la biodiversité, la protection de l’environnement en Afrique était essentiellement limitée aux thèmes basiques, notamment la lutte contre la pollution, la déforestation et le braconnage. C’est dans ce contexte que s’est développée la création d’aires protégées entre 1920 et 1990. A défaut de cadres juridiques contraignants en matière environnementale, les États africains poussés par la société civile et la communauté internationale vont se lancer dans la création des aires protégées, des territoires délimités et surveillés dans lesquels faune et flore sauvages s’épanouissent.
En Afrique centrale, les premières générations d’aires protégées voient le jour dès le début du XXe siècle, en pleine période coloniale. En 1930, l’ancienne Afrique Équatoriale Française (AEF) signe plusieurs décrets créant des aires protégées dans des régions de savanes ou de contact forêt-savane. Quelques-unes sont toutefois créées en région forestière, le but étant de maintenir la capacité de production de bois d’œuvre face à d’éventuelles surexploitations. C’est le cas avec les parcs du Kahuzi-Biega, de Kundelungu, de la Maïko et de la Salonga en République Démocratique du Congo (RDC, à l’époque le Zaïre).
Cette approche « écologique » de l’époque coloniale en Afrique est toutefois nuancée par les recherches l’historien de l’environnement Guillaume Blanc, qui analyse les ressorts et les conséquences d’une vision idéalisée de la nature africaine héritée de la période coloniale. Pour lui l’époque coloniale est synonyme de dégradations particulièrement fortes des écosystèmes. « La colonisation intensifie la chasse, notamment pour le commerce de l’ivoire. À la fin du XIXe siècle, ce sont environ 65 000 éléphants qui sont tués chaque année sur le continent. La forêt subit aussi des dégâts pour la mise en culture des terres. Entre 1850 et 1920, en Afrique et en Asie, ce sont 95 millions d’hectares de forêts qui sont défrichés, quatre fois plus que durant les 150 années précédentes » explique Guillaume Blanc. De plus, les réserves de chasse et les parcs nationaux limitent alors l’accès des populations locales. Or, tout l’enjeu aujourd’hui est justement de réussir à (ré) concilier la protection des écosystèmes et le développement socio-économique des populations. C’est tout le sens d’une protection de l’environnement inclusive.
Boris Ngounou