Avec les pics de pollution qui sapent l’attractivité des villes en Afrique de l’Ouest, les sècheresses prolongées qui accentuent l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Est, les cyclones qui détruisent tout sur leur passage en Afrique australe, l’urgence climatique est bien réelle et n’est plus à démontrer. Le continent africain a donc entamé ces dernières années, comme la plupart des régions du monde, sa transition écologique. Une démarche qui consiste à basculer des énergies fossiles aux énergies propres, à limiter au maximum l’épuisement des ressources telles que l’eau ou encore à recycler les déchets particulièrement les matières plastiques.
Pour atteindre ces actions complexes et toucher les différentes couches de la société, que ce soit les enfants ou les adultes, les entreprises ou les États, les médias jouent un rôle de premier plan. Ils interviennent notamment dans la sensibilisation des lecteurs, des auditeurs, des téléspectateurs et des internautes à la cause écologique, en tenant compte des disparités socioéconomiques voire de la diversité culturelle. La médiatisation de la transition écologique s’opère à travers des analyses sur les catastrophes naturelles, des débats pour expliquer les enjeux des décisions internationales sur le climat, des portraits pour présenter les innovations et les nouvelles avancées vertes, des reportages pour raconter la perte de la biodiversité, et quelques enquêtes visant à dénoncer l’impact environnemental des industries polluantes.
Une couverture médiatique précaire de la transition écologique
En effet, ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que les médias africains ont véritablement commencé à s’intéresser à ces sujets, mais avec des démarches souvent controversées. C’est le cas de la majorité des Rédactions audiovisuelles qui pour des besoins pécuniaires sont contraintes de diffuser des contenus commerciaux allant à l’opposé de leur volonté de contribuer à la transition écologique. Concrètement, on termine un journal du soir par un récit sur les pics de pollution alarmants dans une région, mais ensuite on diffuse un spot publicitaire qui fait la promotion des combustibles fossiles. Pire encore, la publication du communiqué d’une entreprise dans un tabloïd hebdomadaire en vue du recrutement de jeunes gens pour déboiser des hectares de terres au profit de la culture du cacao.
Que dire de ceux-là qui prétendent contribuer à la mise en œuvre de l’ODD13 sur les changements climatiques sans pourtant faire la différence entre cyclone et érosion côtière, mix énergétique et mix électrique, émissions de CO2 et émissions de gaz à effet de serre(GES), urbanisation durable et urbanisme durable, pour ne citer que ces termes. Une présentatrice radiophonique est allée plus loin dans ce type de confusions en indiquant qu’une ville africaine était devenue une « Smart City » (territoire où les technologies facilitent le quotidien, Ndlr) parce qu’on y avait aménagé des dizaines d’espaces verts.
Des freins à la médiatisation de l’écologie
Tout cela traduit simplement une faible spécialisation dans la sphère médiatique en Afrique. De la même manière qu’il existe très peu de radios, de télés, de journaux écrits ou en ligne, consacrés exclusivement à l’environnement, il y a également très peu de journalistes dédiés à la même cause dans l’ensemble des médias généralistes existants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle AFRIK 21 a été créée dès 2018 pour imposer une vision panafricaine et bilingue du développement durable avec une équipe de jeunes professionnels dynamiques et ouverts sur le monde.
Pour revenir au traitement médiatique précaire de la transition écologique observé dans les médias classiques en Afrique, il est important de relever quelques obstacles d’origine externes. Notons par exemple la censure des pouvoirs publics qui empêchent parfois les caméras de télévision de filmer ces écoles de l’État, construites en plein marécage en violation de leurs propres législations environnementales. Il y a également la mainmise des multinationales notamment de grands groupes industriels qui font pression sur les éditorialistes afin que ces derniers évitent de titrer par exemple sur « le gaspillage alimentaire des grandes enseignes de distribution ».
Quelques solutions à envisager
Toutefois, il y a quelques pistes permettant aux médias africains de bien remplir leur rôle d’éducateur et de tribune en matière de résilience des peuples. Parmi elles figure l’augmentation des budgets pour la couverture des sujets sur l’environnement (catastrophes naturelles, entre autres). La spécialisation de quelques journalistes des médias généralistes pour qu’ils soient aptes à l’utilisation des termes techniques (le jargon de la transition écologique), dans le casting (choix des profils) de leurs panélistes et même dans la création de nouvelles rubriques pertinentes sur l’écologie.
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Les producteurs audiovisuels devraient également utiliser des équipements plus sophistiqués et réduire les timings de leurs programmes dans l’optique de les rendre plus intéressants et par la même occasion prêcher par l’exemple en termes de réduction de la consommation d’énergie. Aussi, la dissociation des équipes éditoriales et commerciales est primordiale pour éviter le « greenwashing » et la montée du climato-scepticisme. Mais tous ces éléments seront vains si les États ne renforcent pas la liberté de presse qui est essentielle pour une transition écologique réussie.
Benoit-Ivan Wansi