L’agriculture est l’une, si non la principale cause du déclin de la biodiversité en Afrique. Largement pratiquée, elle occupe près de 50 % de la population africaine (jusqu’à 70 % en Afrique de l’Est), selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies (ONU). Suivant qu’elle soit artisanale ou industrielle, elle s’étend sur davantage de terres, défrichant des étendues de forêts et réduisant l’habitat naturel des animaux sauvages.
En Afrique de l’Ouest, la culture du cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana illustre parfaitement le sacrifice de la biodiversité sur l’hôtel de l’agriculture. Des analyses satellites, réalisées par l’organisation non gouvernementale (ONG) Mighty Earth, ont montré qu’entre novembre 2017 et en septembre 2018, dans la région cacaoyère du sud-ouest de la Côte d’Ivoire, presque 14 000 hectares de forêt ont été détruits, soit l’équivalent de 15 000 terrains de football. Cette déforestation qui est synonyme de perte d’habitat pour les éléphants de Côte d’Ivoire représente la deuxième cause de disparition de l’espèce, après le braconnage. Et les éléphants, espèce parapluie par exellence, ne sont pas les seules victimes. Car le déclin de la forêt ivoirienne qui ne couvre plus que 18 % du territoire national selon les chiffres officiels, affecte également les chimpanzés, les hippopotames nains, les écureuils volants, les pangolins, les léopards et de toute une myriade d’espèces animales et végétales évoluent uniquement dans les écosystèmes de la forêt tropicale.
De plus en plus conscient du rôle capital de la biodiversité pour l’homme et les écosystèmes, le secteur de l’agriculture tente d’innover. Et cela passe par l’adoption de pratiques conciliatrices entre agriculture et biodiversité. Il s’agit entre autres de l’irrigation contrôlée, de l’agroforesterie et de l’afroécologie, de l’interdiction des engrais chimiques, du contrôle des limites des plantations.
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Afruibana et l’agroécologie
À l’instar de Nestlé, dans la culture du cacao en Afrique de l’Ouest, plusieurs groupes agricoles et agroalimentaires opérant en Afrique introduisent petit à petit, des pratiques écologiques dans leurs chaines de valeur. En janvier 2021 l’association panafricaine de producteurs et exportateurs de fruits (Afruibana) a annoncé son adhésion à l’International Agroecological Movement of Africa (Iam Africa). Il s’agit d’une coalition d’acteurs privés et publics, opérant sur tous les segments de la chaîne de valeur agricole, qui se sont engagés à protéger la biodiversité et à développer les pratiques agricoles durables. Le jeune réseau a pour mission de développer durablement l’agroécologie africaine avec l’accompagnement technico-financier de l’Europe.
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L’agriculture compte parmi les principaux leviers de développement du continent où près de 70 % de la population vit encore en zone rurale. Aujourd’hui, 600 millions d’hectares de terres arables non cultivées se trouvent en Afrique, ce qui lui offre un potentiel de croissance considérable. La modernisation du secteur agricole africain, notamment au travers de l’agroécologie, le numérique et le social business apparaît dès lors comme une priorité, nécessaire à la conciliation entre performance économique et préservation de l’environnement. Un compromis vertueux vers lequel certains acteurs s’orientent, mais que, le continent penne à développer.
Selon le rapport annuel « le monde de l’agriculture biologique 2020 », produit par l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), l’Afrique dispose de la plus petite superficie en culture biologique au monde. Elle ne s’étend que sur 2 millions d’hectares, soit 0,2% de la superficie agricole totale du continent et environ 3% de la superficie de culture biologique au monde. Les premiers pays africains en matière de superficie de culture biologique sont la Tunisie (286 623 ha), la Tanzanie (278 467 ha) et l’Ethiopie (221 189 ha) tandis que les pays qui concentrent la plus grande part de terres bio sont Sao Tome et Principe (24,9%) et la Sierra Leone (4%). Même en imaginant que nombre de paysans traditionnels ont une pratique vertueuse non certifiée, en particulier parce qu’ils ne pourraient pas faire valoir économiquement une labellisation sur les marchés, il n’en reste pas moins que nombre d’acteurs importants de l’agrobusiness n’ont toujours pas pris la mesure de la nécessaire transition écologique.
Boris Ngounou