La crise sanitaire engendrée par le Covid-19 éclipse une catastrophe naturelle en cours depuis le début de 2020 en Afrique de l’Est. À cause de fortes pluies, le lac Victoria laisse de nombreuses familles sans abris en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie.
La longue et éprouvante saison sèche qui a touché l’Afrique de l’Est il y a quelques mois a laissé place à des pluies diluviennes qui font déborder le lac Victoria. Avec une superficie de 68 100 km2, cette étendue d’eau douce qui fait vivre 45 millions de personnes s’est muer a un véritable monstre qui inonde tout sur son passage : plages, habitations et plantations.
Selon le gouvernement du comté de Kisumu au Kenya, plus de 13 300 personnes ont déjà été déplacées à cause des inondations. La même situation est également signalée dans les villes et villages bordant le lac Victoria comme Mwanza en Tanzanie ou encore Kampala en Ouganda. Les îles peuplées de pêcheurs et leurs familles ont été aussi inondées. Selon les autorités kenyanes, sur les 147 plages du lac Victoria, 135 plages ont disparu sous les eaux.
Tous les Grands Lacs débordent !
« Les gens ont construit tout autour du lac Victoria parce que le niveau avait baissé auparavant. Ils ont empiété sur la zone de protection. Idéalement, le lac est censé être entouré d’une zone de protection de 300 m. Des familles se sont installées tout autour et l’eau revient pour reprendre sa place », indique Callist Tindimugaya, le commissaire chargé de la planification et de la régulation des ressources en eau au ministère ougandais de l’Eau et de l’Environnement.
Selon ce spécialiste, cette situation est due au fait que le lac Victoria est peu profond. Ses eaux proviennent principalement de la rivière Kagera qui traverse l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi. Une partie des eaux du lac Victoria provient des petits cours d’eau qui coulent au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. Avec la baisse des précipitations, le lac Victoria pourrait prendre plusieurs semaines pour retrouver son niveau habituel.
La situation du barrage d’Owens Falls
Le lac Victoria se déverse directement dans le réservoir du barrage d’Owens Falls qui dispose d’une centrale hydroélectrique capable de produire 180 MW. Actuellement, le barrage déborde, comme le lac. Et les vents qui se mêlent à de fortes pluies amènent les encombrants qui impactent l’évacuation de la crue. La seule option retenue par Eskom Ouganda, l’opérateur du barrage est d’ouvrir les vannes pour faciliter l’évacuation de l’eau. « Nous avons autorisé la libération de 2 000 m3 d’eau par seconde par rapport aux 1 000 précédents en février, afin que le niveau de l’eau ne cause pas de problèmes au barrage, explique Callist Tindimugaya. Nous avons un certain nombre d’îles flottantes qui se sont déplacées à cause de l’augmentation du niveau de l’eau. L’eau qui arrive à grande vitesse des rivières comme la Kagera fait flotter les terres et le vent les pousse vers le seul débouché que représente le barrage (évacuateur de crue) ».
Mais l’eau libérée depuis les vannes de la centrale hydroélectrique inonde les populations situées en aval. Une configuration particulièrement compliquée à gérer pour le gouvernement ougandais qui conseille aux personnes vivant autour du barrage de fuir vers la ville de Jinja à 95 km de Kampala, la capitale de l’Ouganda.
Jean Marie Takouleu