Malgré une faible utilisation des pesticides (comprise entre 2,1 et 6,8 % de l’utilisation mondiale), l’Afrique devient progressivement le dépotoir des pesticides interdits en Europe. C’est le cas des insecticides néonicotinoïdes, dont l’état des lieux de leur utilisation sur le continent, constitue l’objet d’un rapport publié le 12 novembre 2019 par le Réseau des académies des sciences africaines (Nasac).
Dans ce rapport, premier du genre, intitulé « L’utilisation et les effets des insecticides néonicotinoïdes sur l’agriculture africaine », des chercheurs issus de dix-sept pays africains craignent une utilisation abondante et abusive des insecticides analogues à la nicotine. Ces substances ont des conséquences délétères sur l’agriculture et la biodiversité.
En 2013, l’Union européenne avait interdit ces insecticides à cause de leur implication dans le déclin des abeilles et autres pollinisateurs. Alors qu’en Afrique, la multiplication de grandes exploitations intensives tournées vers les marchés domestiques ou d’exportations a ouvert la porte à la diffusion de ces substances de manière peu contrôlée. Selon le rapport de la Nasaac, ces substances constituent 14,4 % des pesticides utilisés sur les terres cultivées autour des ruchers dans les comtés de Kiambu et de Nairobi au Kenya.
Les effets néfastes des néonicotinoïdes se traduisent par la perte de colonies d’abeilles mellifères et la contamination des produits agricoles, des sols et des systèmes d’eau douce. La perte des abeilles entraine l’absence de pollinisation et de lutte antiparasitaire naturelle, qui constituent l’un des fondements de l’agriculture durable dont dépend la sécurité alimentaire future. « Les abeilles augmentent la productivité agricole et la qualité des cultures. Elles sont tout aussi importantes, sinon plus, dans le contexte africain que dans le reste du monde » a déclaré Enock Dankyi, chargé de cours au département de chimie de l’Université du Ghana.
Les scientifiques espèrent donc que leur rapport provoquera un changement de pratique et de réglementation concernant l’utilisation de ces types de pesticides dans l’agriculture africaine. Ils attendent des pouvoirs publics qu’une règlementation plus stricte des insecticides soit appliquée dans toute l’Afrique et que les bonnes pratiques agricoles en matière de protection des végétaux soient encouragées, afin de garantir une agriculture durable qui protège l’environnement, la santé humaine et la biodiversité. L’affaire et d’autant plus urgente qu’une étude récente vient de prouver que les risques persistent pour les abeilles longtemps après l’interdiction.
Boris Ngounou