Les contraintes d’infrastructure de transports, l’absence de cadres règlementaires, la disponibilité limitée du financement ou parfois les coûts initiaux élevés de certains projets sont des obstacles notoires à la croissance verte notamment en Algérie, en Tunisie et en Égypte. Ces entraves figurent dans le rapport « Perspectives économiques en Afrique du Nord 2023 ». Au fil des 156 pages de ce document publié récemment par la Banque africaine de développement (BAD), l’on apprend également que l’instabilité politique et les problèmes de sécurité à Tripoli y ont freiné les réformes, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.
Ce qui a fait reculer l’indice de croissance verte de la Lybie à 29,8 en 2021 contre 33,2 en 2010 (sur 100), tandis que la Mauritanie la devance actuellement de 11,6 points. Ces statistiques compilées par l’Institut mondial de la croissance verte (GGGI) font des autorités marocaines les meilleurs élèves en la matière avec un résultat de 56,4 au regard de « progrès notables » réalisés par le secteur privé du royaume chérifien en matière d’investissements climatiques, selon la BAD. Par ailleurs, l’institution financière basée à Abidjan en Côte d’Ivoire note que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) commencent à être un préalable entre les institutionnels et les investisseurs de la sous-région.
La neutralité carbone
Pour illustration, le rapport évoque la Société financière internationale (SFI) qui a souscrit 100 millions de dollars dans une obligation verte émise par la Banque centrale populaire (BCP) après une certification délivrée par l’Initiative des obligations climatiques dont le but est de veiller justement aux normes environnementales. Au rang des recommandations aux pays nord-africains compilées par Eric Kehinde Ogunleye, Amadou Boly et Amah Marie-Aude Ezanin Koffi figurent principalement la réduction des émissions de CO2 générées par le secteur des transports et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
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Si la BAD insiste sur la transition énergétique, c’est que l’Afrique du Nord « a le potentiel de générer plus de 1 000 GW d’énergie renouvelable d’ici à 2030 pour couvrir plus du triple de la demande d’électricité de la région selon le rapport 2019 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ». À en croire les experts, cela sera possible à condition de donner la priorité aux technologies de stockage par batteries et les systèmes de pompage-turbinage susceptibles de déjouer l’intermittence imputée au solaire et à l’éolien.
La résilience climatique
Mais pour le groupe dirigé par Akinwumi Adesina, l’adaptation au changement climatique avec l’appui des organisations de la société civile (OSC) reste primordiale. « Les activités d’adaptation comprennent des pratiques agricoles durables et climato-intelligentes, une gestion et un recyclage durables de l’eau et des déchets, des logements écologiques, des infrastructures et des technologies résilientes, une irrigation efficace grâce à la conservation de l’eau (par exemple, par l’irrigation au goutte-à-goutte ou par aspersion) », précise le rapport supervisé par Kevin C. Urama, économiste en chef et vice-président de la BAD.
La biodiversité n’est pas en reste dans cette quête de la croissance verte. Ainsi, les pays ciblés sont appelés à trouver des solutions efficientes face aux phénomènes naturels et météorologiques qui fragilisent aussi bien la santé faunique et floristique que la survie humaine. C’est le cas des feux de forêt auxquels Tanger (Maroc), la Kabylie (Algérie) et Jendouba (Tunisie) commencent à s’habituer du fait des records de chaleurs. Pour y remédier, le rapport « Perspectives économiques de l’Afrique du Nord 2023 » évoque la gouvernance et la planification des écosystèmes, les systèmes d’alerte précoce, ainsi que l’agriculture de conservation et l’agroforesterie qui pourraient « séquestrer jusqu’à 9,3 gigatonnes de CO2 par an d’ici à 2050 », c’est l’équivalent de 2 milliards de voitures sur la route, selon la Banque mondiale.
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L’économie circulaire
Il y aussi l’économie circulaire qui devrait générer de nouveaux emplois notamment pour les jeunes maghrébins à travers la multiplication des usines de traitement et de recyclage des déchets à commencer par le plastique et le papier qui concourent à la mauvaise qualité de l’air particulièrement sur le territoire égyptien. À noter que Le Caire est classé ville la plus polluée au second semestre 2023 par la plateforme serbe Numbeo.
« Les gouvernements d’Afrique du Nord pourraient initier régulièrement des campagnes de sensibilisation de la population à l’assainissement en s’appuyant sur les écoles et les communautés locales. Il y a aussi la mise en œuvre de réglementations et de sanctions concrètes pour résorber la problématique des décharges sauvages », conclut la BAD.
Benoit-Ivan Wansi