AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable

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AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable ©Ilko Iliev/Shutterstock

Alors que les ressources en eau subissent diverses pressions, notamment climatiques et humaines, c’est le développement de quasiment tous les secteurs d’activités qui en pâti en Afrique. De l’agriculture à l’énergie en passant par la santé. Une situation qui rappelle la place cruciale de l’eau dans le développement durable. À l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’eau qui se tient du 22 au 24 mars 2023 à New York aux États-Unis d’Amérique, AFRIK 21 décrit la place de l’eau dans le processus de développement durable en cinq points.

Un bien précieux. C’est ainsi qu’on qualifie l’eau aujourd’hui. La ressource, qui fait partie intégrante de l’écosystème est souterraine et de surface. À cela s’ajoutent les mers et les océans qui recouvrent plus de 70 % de la surface de la Terre selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue).

Avec 17 grands fleuves et 160 lacs qui l’irriguent, l’Afrique se classe parmi les continents les plus nantis en ressources en eau renouvelables, soit plus de 5 400 milliards de m3 par an. Paradoxalement, à peine 4 % de ces réserves sont exploitées selon l’Organisation des Nations unies (ONU) et le manque d’infrastructures pour l’exploitation de cette eau brute impacte particulièrement les populations qui voient leurs activités tourner au ralenti.

L’agriculture sollicite jusqu’à 90 % de l’eau douce Afrique

L’un des secteurs qui sollicitent le plus d’eau en Afrique est l’agriculture. « Pour permettre leur croissance végétative et leur développement, les plantes ont besoin d’eau appropriée en qualité et en quantité, à portée de leurs racines et au bon moment. La plus grande partie de l’eau absorbée par une plante sert à transporter les nutriments dissous du sol jusqu’aux organes aériens des plantes, d’où elle est libérée dans l’atmosphère par transpiration », indique l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les besoins varient alors selon les plantes et les conditions climatiques locales.

AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable ©P.SH/Shutterstock

Irrigation des cultures©P.SH/Shutterstock

Pour satisfaire leurs besoins en eau, les cultures irriguées bénéficient à la fois de l’apport en eaux pluviales et en eau d’irrigation. Cette dernière est davantage utilisée dans certains pays en raison du changement climatique qui a réduit la pluviométrie, exacerbant de fait la pression sur les ressources d’eau douce pour renforcer la résilience des agriculteurs face à la sécheresse et réduire l’insécurité alimentaire. Ce qui fait qu’aujourd’hui le secteur sollicite 70 % de l’eau douce des lacs, des rivières et des nappes phréatiques à l’échelle planétaire. Dans les pays à faible revenu, notamment en Afrique, cette sollicitation va jusqu’à 90 % selon la Banque mondiale.

En Namibie par exemple, le gouvernement exploite l’eau du barrage de Neckartal, mis en service en 2020 pour l’irrigation de quelque 5 000 hectares de plantations de raisins, de luzerne (une plante fourragère, très riche en protéines utilisées dans l’alimentation du bétail, Ndlr) et de dattes dans la région de ǁKaras, connue pour son climat aride. La capacité de rétention actuelle de l’ouvrage est de 857 millions de m3 d’eau.

Si l’eau est au cœur du développement durable aujourd’hui en Afrique, c’est aussi grâce au rôle central qu’elle joue dans la production de l’électricité, notamment à travers la construction des barrages.

La production de l’électricité dans le cycle de l’eau

Ainsi, le barrage Neckartal, qui fournit de l’eau pour l’irrigation des cultures en Namibie, permet également de produire 3,5 MW à partir d’une centrale hydroélectrique équipée de deux turbines Francis installées près du barrage de Neckartal. L’électricité est injectée dans le réseau de l’entreprise publique NamPower.

L’eau d’un fleuve peut être retenue en grande quantité par un barrage. Lors de l’ouverture des vannes, l’eau s’écoule dans des tuyaux pour rejoindre la centrale. Ainsi, le mouvement de l’eau fait tourner une turbine, qui entraîne à son tour un alternateur qui produit de l’électricité. Ce procédé permettra au futur barrage hydroélectrique du Grand Inga, qui sera construit à l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC), sur le fleuve Congo de produire 44 000 mégawatts au moment de sa mise en service. Le président RD-congolais Félix Antoine Tshisekedi, lors de la cérémonie d’ouverture par visioconférence, de la « Conférence panafricaine sur le Grand Inga » le 22 juin 2020, présentait alors les enjeux du projet qui devrait permettre de « satisfaire une part importante — jusqu’à 40 % — de la demande en électricité de l’Afrique à un prix compétitif et de manière pérenne… ».

En Afrique de l’Est, l’Éthiopie construit le grand barrage de la renaissance éthiopienne (Gerd), qui sera équipé de 13 turbines Francis capables de produire 5 150 MW, soit une capacité de production annuelle de 15,76 TWh. Les turbines seront installées dans deux centrales électriques construites sur les deux rives du Nil Bleu. La première unité de la centrale hydroélectrique, de 375 MW a été inaugurée en février 2022.

AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable © ©Eng Seleshi Bekele

Barrage de la renaissance en Ethiopie©Eng Seleshi Bekele

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la quantité d’eau utilisée dans ce secteur pourrait augmenter pour atteindre les 85 % d’ici à 2035 sur l’ensemble de la planète, puisque la consommation d’énergie dans le monde devrait augmenter de 35 % à cette échéance du fait de la croissance démographique et économique.

Autant la croissance démographique demandera de renforcer l’alimentation en électricité, autant les populations auront davantage besoin de ressources en eau douce pour la consommation, ainsi que d’autres êtres vivants.

L’eau, essentielle à l’organisme des êtres vivants

Selon les scientifiques, l’eau représenterait entre 60 et 65 % du poids d’un être humain, soit 0,05 m3 pour un individu de 70 kg, avec des différences liées au sexe, à l’âge et à la masse grasse. En amont de sa consommation, la ressource est traitée ou pas, selon qu’il s’agisse de l’eau issue de la nappe phréatique, des rivières, des lacs, des mers ou des océans. Le chemin s’avère pourtant encore long pour les pays africains dont l’absence d’infrastructures pour l’eau potable impacte particulièrement les populations rurales.

En moyenne 418 millions de personnes sur les 1,3 milliard que compte l’Afrique ne disposent toujours pas d’un service d’eau potable, même de base, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Ce constat est consigné dans un rapport du Programme commun de surveillance de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène, élaboré en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Outre le manque d’infrastructures, cette situation se justifie par l’inégale répartition des ressources, les financements insuffisants en passant par le changement climatique qui défie désormais tous les pronostics.

AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable ©Roengrit Kongmuang/Shutterstock

Des conduites d’eau potable©Roengrit Kongmuang/Shutterstock

Agir plus sérieusement et efficacement, telle est la recommandation de l’Unicef pour espérer atteindre le 6e objectif de développement durable (ODD6) qui préconise l’accès universel à l’eau et à l’assainissement d’ici à 2030 en Afrique. Aussi, « il faudra multiplier par 12 les taux de progrès actuels en matière d’eau potable gérée de manière sûre ». Les animaux ne sont pas en reste.

La ressource représenterait 60 % du poids des mammifères et une déshydratation de 15 % serait mortelle. Au Botswana par exemple, plus de 100 éléphants ont été retrouvés morts en 2019 dans le parc national de Chobe, au nord du pays à cause de la soif et de la famine.

L’eau pour résoudre la crise de l’assainissement

En Afrique, les maladies diarrhéiques constituent la troisième cause de maladies et de décès des enfants de moins de 5 ans. Une proportion considérable de ces décès peut être évitée avec de l’eau potable sûre, une hygiène et un assainissement adéquats, indiquait l’OMS dans un rapport en novembre 2022.

AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable ©Anton_Ivanov/Shutterstock

Une femme qui se rend dans des toilettes publiques au Ghana ©Anton_Ivanov/Shutterstock

Pour l’Unicef, il faut il faudra pour cela multiplier par 20 les taux de progrès actuels en matière d’assainissement géré de manière sûre et par 42 pour les services d’hygiène de base, sachant qu’actuellement, sur les 1,3 milliard que compte l’Afrique, 779 millions de personnes des services d’assainissement de base (dont 208 millions qui pratiquent encore la défécation en plein air) et 839 millions de personnes de services d’hygiène de base.

Il faudra également multiplier les projets résilients, sachant que les maladies hydriques ont représenté 40 % des urgences sanitaires liées au climat au cours des deux dernières années selon l’OMS.

La gestion de l’eau, un enjeu pour la biodiversité

Le maintien de la biodiversité qui est tout aussi essentiel pour le développement durable du continent africain est lui aussi tributaire de la gestion des ressources en eau. Ces réserves d’eau douce constituent des havres de vie pour la faune et la flore locale.

AFRIQUE : entre ressource et source de vie, l’eau au cœur du développement durable ©Curioso.Photography/Shutterstock

L’Afrique, qui occupe près de 20,2 % de la surface terrestre totale, est dotée d’écosystèmes variés, y compris des déserts et terres arides possédant une flore et une faune exceptionnelles. La 17e session de la conférence des ministres africains sur l’environnement, qui s’est tenue le 30 septembre 2019 a mentionné des savanes possédant la plus grande diversité d’ongulés au monde (catégorie de mammifères possédant un ou plusieurs sabots à l’extrémité de leurs membres), des forêts tropicales, des forêts de mangroves dans le sud de la Mauritanie, dans le delta du Saloum au Sénégal, dans des régions du Soudan et dans des pays d’Afrique centrale, des forêts tropicales sèches et humides, des écosystèmes insulaires et côtiers, des terres humides aux abords des plans d’eau douce tels que rivières, lacs et estuaires, des systèmes et agrosystèmes urbains et semi-urbains.

Des trésors de biodiversité qui n’existeraient et ne vivraient pas sans la présence de « l’eau », dont la gestion est encore balbutiante dans plusieurs régions de l’Afrique.

Inès Magoum

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