Pour répondre aux besoins quotidiens en eau des populations de la planète, les eaux souterraines seraient la meilleure alternative. Car, selon l’organisation non gouvernementale (ONG) WaterAid, la ressource est disponible, notamment en Afrique où se trouve l’un des plus grands réservoirs d’aquifères au monde, situé au Sahara septentrional, avec une superficie de plus d’un million de km2. À l’occasion Conférence de l’ONU sur l’eau qui se tient du 22 au 24 mars 2023 à New York aux États Unis d’Amérique, AFRIK 21 fait un zoom sur les régions les plus dotées du continent africain, ainsi que les initiatives d’exploitation durable pour une réponse efficace face stress hydrique.
Selon un rapport d’étude publié en 2022 par l’Institut d’études géologiques britannique (BGS) et l’organisation non gouvernementale (ONG) WaterAid, les eaux souterraines pourraient permettre à la plupart des pays africains au sud du Sahara de survivre à au moins 5 ans de sécheresse, voire 50 ans pour certains en fournissant jusqu’à 130 litres d’eau potable par habitant et par jour, soit une quantité nécessaire pour boire, cuisiner et se laver. C’est que le Sahara septentrional dispose de l’un des plus grands systèmes d’aquifères au monde, avec une superficie d’un million de km2 partagés entre la Tunisie, l’Algérie et une partie de la Lybie.
Le rapport de BGS et WaterAid conclu également que l’Éthiopie, Madagascar et le Kenya disposent de suffisamment d’eaux souterraines, non seulement pour la survie des populations, mais aussi pour leur épanouissement, bien que disposant d’une faible capacité de recharge par les eaux pluviales et de surface. Parmi ces ressources naturelles, figure l’aquifère du bassin de Lotikipi, situé dans le nord-ouest du Kenya. Découverte en 2013 par la société française Radar Technologies International dans le cadre d’un projet du gouvernement kenyan, la réserve de Lotikipi contient 200 milliards de m3 d’eau salée et couvre une superficie de 4 164 km2.
L’Afrique de l’Ouest n’est pas en reste, avec de vastes zones du Mali, du Niger et du Nigeria regorgeant des réserves d’eaux souterraines. Il s’agit du système d’aquifère d’Iullemeden (SAI) qui couvre une superficie de 500 000 km2. À noter que 10 des 40 aquifères plus importants identifiés sur le continent sont situés en Afrique de l’Ouest selon le Partenariat mondial de l’eau (GWP). Mais ces réserves ne pourront atténuer les effets du stress hydrique que si elles sont correctement gérées et si les États investissent dans des installations garantissant leur distribution à ceux qui en ont le plus besoin. Ce qui est loin d’être le cas. Sur les 1,3 milliard d’habitants que compte le continent, 418 millions ne disposent toujours pas d’un service d’eau potable, même de base selon le Fonds des Nations unies pour m’enfance (Unicef).
L’aquifère du Sahara septentrional
Actuellement, le système d’aquifère du Sahara septentrional est exploité par près de 8 800 points d’eau, forages et sources dont 6 500 en Algérie, 1 200 en Tunisie et 1 100 en Libye. Cette exploitation atteint 2,2 milliards m3 par an, soit 1,33 milliard de m3 en Algérie, 0,55 milliard de m3 en Tunisie et 0,33 milliard en Libye.
Selon le GWP, l’agriculture est la plus grande consommatrice de cette ressource dans les trois pays d’Afrique du Nord avec environ 11 000 m3 par hectare. Et cette capacité pourrait atteindre les 16 800 m3 par hectare, augmentant les prélèvements d’eau de l’aquifère, déjà trois fois supérieure à son taux naturel de renouvellement d’après le GWP.
Cette situation fait qu’aujourd’hui la Tunisie, l’Algérie et la Lybie sont confrontées à des enjeux de taille. Entre l’épuisement et la perte de pression des eaux souterraines, la salinisation, la dégradation des sols et la baisse de la productivité agricole, l’augmentation de la demande énergétique pour le pompage de l’eau et la déminéralisation. « À cela s’ajoutent les connaissances et investissements insuffisants, qui aboutissent souvent à une mauvaise réglementation et gestion, à des contaminations et des pollutions, le tout avec des conséquences potentiellement dévastatrices », indique WaterAid.
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L’Afrique de l’Est rencontre les mêmes problèmes. Dans cette partie du continent, les aquifères sont surexploités pour pallier la raréfaction de l’eau. L’Afrique de l’Ouest exploite davantage ses aquifères pour l’approvisionnement en eau potable des populations, l’assainissement et l’hygiène. Ainsi, garantir la pérennité des eaux souterraines s’avère une évidence, quand on sait qu’elles constituent près de 99 % de toutes les réserves d’eau douce de la planète.
La gestion durable des aquifères
Plusieurs initiatives sont mises sur pied par les pays pour exploiter les eaux souterraines sans pour autant les épuiser. Au Kenya, l’aquifère du bassin de Lotikipi sera exploité dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) par la société espagnole Aqua Advise et Systel Engineering, une entreprise indienne. Les entreprises spécialisées dans le traitement de l’eau assureront le dessalement de l’eau pompée avant de la mettre à la disposition des populations. Selon les scientifiques, la gestion durable de cette réserve pourrait permettre de répondre aux besoins en eau des Kenyans pendant au moins 70 ans.
Le pays d’Afrique de l’Est bénéficiera également du Projet de résilience de la Corne de l’Afrique en matière d’eaux souterraines (HoAGWRP). Au-delà de l’amélioration des systèmes de surveillance et du renforcement des capacités des experts kenyans en matière de gestion des eaux souterraines, l’initiative régionale lancée en février 2023 permettra la réhabilitation de plus de 400 forages, ainsi que la réalisation de nouveaux forages pour desservir les comtés de Garissa, Mandera, Marsabit, Turkana et Wajir.
Le soutien des partenaires au développement
Le projet régional est également mis en œuvre en Somalie, en Éthiopie, au Soudan du Sud, à Djibouti et en Érythrée. Au Kenya, la Banque mondiale finance les travaux via un prêt de 15,5 milliards de shillings kenyans (plus de 124 millions de dollars).
Au Sénégal, le gouvernement veut aussi éviter l’épuisement de ses réserves d’eaux souterraines, notamment l’aquifère de Pout surexploité par les industries. Cet aquifère paléocène (une période comprise de -65 à -55 millions d’années, Ndlr) situé à l’ouest du pays constitue pourtant l’une des principales sources d’approvisionnement en eau potable de la capitale sénégalaise Dakar.
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Afin de préserver l’aquifère de Pout, la Direction générale de la protection et de la gestion de la ressource en eau (DGPRE) du ministère sénégalais de l’Eau et de l’Assainissement renforcera la gestion intégrée de la ressource par les acteurs locaux et optimisera les prélèvements pour les différents usages. Il s’agira aussi d’investir dans des solutions devant favoriser la recharge des nappes. L’Agence française de développement (AFD) soutient le projet avec une subvention de 6 millions d’euros.
La Millennium Challenge Corporation (MCC), une agence du gouvernement américain à l’étranger s’illustre également à travers le financement de la préservation des eaux souterraines en Afrique, notamment en Tunisie. Son Conseil d’administration a confirmé en juillet 2021 un financement de 35 millions de dollars en faveur du programme MCC-Tunisia. L’initiative est axée sur la valorisation des ressources en eau non conventionnelles, notamment l’eau de mer. Objectif : préserver les nappes phréatiques, qui constituent des provisions inestimables pour l’humanité.
Inès Magoum
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