L’Europe et les États-Unis continuent d’exporter leurs déchets dangereux en Afrique, au mépris des traités internationaux qui régissent les mouvements dans ce domaine. La Garde civile espagnole a annoncé, le 29 juin 2020, l’interpellation sur les îles de Tenerife (Espagne) située au large de la côte ouest de l’Afrique, de 34 personnes suspectées d’exporter illégalement 2 500 de déchets électroniques vers le Nigeria et sept autres pays d’Afrique. Parmi les suspects dont la majorité est d’origine africaine, figure une Italienne âgée de 62 ans, qui était chargée de transmettre les documents nécessaires à la douane, en falsifiant les certificats pour faire croire que ces appareils fonctionnaient parfaitement.
La cargaison est constituée de véhicules à moteur, de pièces de rechange, d’articles ménagers et appareils électriques et électroniques usagés, obtenus auprès de particuliers ou d’entreprises qui s’en débarrassaient parce qu’ils étaient obsolètes ou inutilisables. Mais une fois arrivés sur le continent africain, ces déchets « sont souvent traités par des enfants, qui manipulent sans aucune protection les appareils à mains nues pour en extraire principalement de l’aluminium et du cuivre » confit la Garde civile espagnole, qui rappelle que ces déchets contiennent des substances dangereuses pour l’environnement et nocives pour la santé humaine s’ils ne sont pas traités correctement.
En un an, 138 transferts illégaux de déchets dangereux ont été effectués entre les îles Tenerife et des pays africains
L’enquête menée par la Garde civile a également établi qu’entre 2018 et 2019, 138 transferts illégaux de déchets dangereux avaient été effectués des îles Tenerife vers plusieurs pays africains dont le Sénégal, le Ghana, la Gambie, le Togo, le Bénin, la Guinée-Conakry, la Sierra Leone et, surtout le Nigeria, un pays devenu coutumier du fait.
Une étude financée par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et publiée fin avril 2018 révèle qu’au moins 16 900 tonnes de déchets électroniques ont été envoyées au Nigeria en 2015 et 2016, dont une partie en contrebande dans des voitures d’occasion. Les chercheurs estiment que 77 % des appareils électroniques expédiés provenaient de ports de l’Union européenne. Parmi eux, 20 % arrivaient d’Allemagne, 19,5 % du Royaume-Uni, 9,4 % de Belgique ou encore 8,2 % des Pays-Bas.
Ces exportations sont pourtant interdites par la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. Ce traité international entré en vigueur le 5 mai 1992, ne peut toutefois être respecté par les pays qui ne l’ont pas encore ratifié, à l’instar des États-Unis, du Canada, du Japon, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Corée du Sud, de la Russie, de l’Inde et du Brésil, qui sont pourtant de grands producteurs de déchets électroniques.
Boris Ngounou