Si rien n’est fait, la forêt du bassin du Congo pourrait bientôt émettre beaucoup plus de CO2 qu’elle n’en capte. Selon les résultats d’une étude scientifique menée dans les forêts tropicales africaine et américaine, la mortalité excessive des arbres, provoquée par la sècheresse et l’action de l’homme, libère une quantité considérable de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Une quantité de gaz qui sera bientôt supérieure à celle absorbée par les forêts, mettant ainsi en péril, les accords de Paris sur le climat.
La forêt tropicale du bassin du Congo et celle de l’Amazonie, qui avec 50 % des capacités mondiales de séquestration de carbone, pourraient bientôt se transformer en sources de pollution atmosphérique. Les résultats d’une enquête inédite, réalisée par les chercheurs du Musée royal de l’Afrique centrale en Belgique et de l’Université de Leeds au Royaume-Uni, démontrent que la capacité des forêts tropicales à capter le CO2 dans l’atmosphère est en nette régression.
Pendant cinquante ans, l’équipe internationale de chercheurs (Grande-Bretagne, Belgique, France, Cameroun, Congo, Ghana…) a étudié la croissance et la mortalité de 300 000 arbres, répartis sur 565 forêts tropicales intactes en Afrique et en Amazonie. Durant son observation, l’équipe a fait le constat selon lequel, l’augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère favorise la croissance rapide des arbres. Mais ce phénomène qui parait pourtant avantageux pour la forêt, est annulé chaque année par la destruction des arbres à travers les incendies, la déforestation, les sècheresses et les pics de température. En extrapolant ces données sur les 20 prochaines années, l’étude publiée le 4 mars 2020 dans le journal scientifique Nature, estime que la capacité des forêts africaines à absorber le carbone va décliner de 14 % d’ici à 2030, et que celle de l’Amazonie chutera au niveau zéro avnant 2035.
Les tourbières du bassin du Congo : une bombe à CO2 ?
En 2017 dans la forêt du bassin du Congo, des chercheurs ont découvert des stocks inquiétants de CO2 contenus dans les tourbières. Ces sols sur lesquels pousse la forêt équatoriale contiennent en effet près de 30 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de ce que l’humanité produit en trois ans. Une découverte qui n’a pas manqué de susciter l’inquiétude des défenseurs de l’environnement. « Si nous voulons respecter les engagements de l’accord de Paris, il est impératif que les tourbières continuent de retenir le carbone en dehors de l’atmosphère. Donc attention aux constructions de routes, au développement de l’agriculture dans la zone, pour maintenir ces stocks de carbone. » a déclaré Matt Daggett, responsable du « projet forêt » chez Greenpeace. Pour lui, ces quantités de carbone sont tellement importantes que leur rejet suffirait à lui seul à compromettre les accords de Paris.
Et c’est à cette même mise en garde, qu’aboutissent les conclusions de l’étude évoquée plus haut. Il faut revoir à la baisse la quantité de carbone que l’humanité peut produire sans dépasser l’objectif d’une hausse de la température mondiale moyenne de 2 degrés, fixée par les accords de Paris en 2015. « En même temps qu’une protection accrue de la forêt tropicale, une réduction encore plus rapide que prévu des émissions humaines de gaz à effet de serre sera nécessaire pour éviter un changement climatique catastrophique », a alerté ainsi Anha Rammig, de l’Université technique de l’École des Sciences de la vie de Munich, en Allemagne.
Boris Ngounou