Pionnier des constructions durables au service des populations notamment en Afrique, l’architecte burkinabé Francis Kéré vient de décrocher le prix Pritzker, la plus haute distinction de la profession jamais décernée à un Africain.
« Grâce à son engagement pour la justice sociale et à l’utilisation intelligente de matériaux locaux pour s’adapter et répondre au climat naturel, il travaille dans des pays marginalisés, où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l’architecture et les infrastructures sont absentes ». C’est ainsi que les organisateurs du prix Pritzker décrivent le travail de l’architecte Francis Kéré. Ce Burkinabè obtient ainsi la plus haute distinction de la profession.
Âgé de 57 ans, Francis Kéré est connu pour sa participation à la construction de nombreuses infrastructures notamment des écoles au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Togo, au Kenya et au Mozambique. Basé en Allemagne, c’est à lui que le Mali doit la rénovation du parc National de Bamako en 2010.
Lycée Schorge, à Koudougou au Burkina Faso.
« J’espère changer le paradigme, pousser les gens à rêver et à comprendre que ce n’est pas parce que l’on est riche qu’il faut gâcher des matériaux. Ce n’est pas parce que l’on est pauvre que l’on ne doit pas essayer de créer de la qualité. Tout le monde mérite de la qualité, du luxe et du confort », affirme le lauréat qui participe à la construction de la nouvelle Assemblée nationale du Burkina Faso, après sa destruction lors du soulèvement populaire de 2014. Il souhaite faire en un espace inclusif de la végétation locale.
Le couronnement de la durabilité
De son nom complet Diébédo Francis Kéré, le lauréat de l’édition 2022 du prix Prtizker a passé son enfance à Gando, une petite commune du Burkina Faso située dans la province du Boulgou, sans eau ni électricité. Ses œuvres l’ont hissé au firmament de l’architecture contemporaine, notamment son premier projet, une école primaire de son village. Toutes en brique, avec une épaisse couche de terre pour l’isolation et plusieurs ouvertures destinées à faire circuler l’air dans les salles de classe et ainsi se passer de la climatisation. D’ailleurs, le design de l’école lui vaut le prix Aga Khan d’architecture en 2004. La même année, il obtient son diplôme à Berlin en Allemagne. Il enchaîne alors des plans pour des hôpitaux, des bibliothèques et des centres communautaires en tenant compte des contraintes climatiques et matérielles locales (argile).
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Créé en 1979 à Chicago par l’américain Jay Pritzker et sa femme Cindy Pritzker, le prix Pritzker est considéré comme le « Prix Nobel d’architecture ». Cette distinction symbolique de 100 000 dollars récompense un architecte vivant, dont les œuvres impactent la vie des communautés, des peuples. Le prix a déjà honoré des architectes de diverses nationalités notamment l’américain Philip Johnson en 1979, le néerlandais Rem Khoolaas au jubilé de l’an 2000, et le japonais Toyo Ito en 2013. En 2021, le prix Pritzker a été décerné au duo français Jean-Philippe Vassal et Anne Lacaton, dont les œuvres selon le jury « combinent espaces généreux et budgets modestes tout en répondant aux urgences climatiques, en particulier dans le domaine de la construction écologique ». Une approche de plus en plus attendue sur le continent africain.
Un plan pour l’écoconstruction en Afrique
La construction écologique ou écoconstruction est la conception de logements avec des matériaux respectueux de l’environnement, notamment des matériaux naturels. Cette approche de construction qui n’est pas encore très viabilisée en Afrique passe par une isolation renforcée, la gestion de la chaleur ou du froid, le type de fenêtre et leur inclinaison ou l’éclairage à l’énergie propre. Plusieurs pays sur le continent à l’instar de l’Afrique du Sud encouragent ces dernières années les promoteurs immobiliers à la prise en compte des conditions climatiques (ensoleillement, vents), des questions d’aération et d’humidité, de l’écoulement des eaux et la collecte de l’eau de pluie, ainsi que le recours à des matériaux recyclés.
Or, de nombreux bâtiments sont encore construits en béton et en parpaings. De l’avis de certains experts, ces techniques de construction, très énergivores, ne sont pas forcément adaptées au climat tropical, car ils véhiculent très rapidement la chaleur et sont onéreux. L’association Climate Chance basée à Pris en France suggère au continent l’utilisation des matériaux locaux à l’instar de la terre crue et les végétaux (le typha, la paille) en raison de leur disponibilité, du confort thermique et de la régulation de l’humidité qu’ils confèrent.
Benoit-Ivan Wansi
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