Les déchets sont devenus une véritable plaie pour l’environnement. Qu’elles soient solides ou liquides, ces ordures participent partout à la destruction des écosystèmes et mettent des vies en danger. L’urgence aujourd’hui est à la gestion durable et intégrée des déchets pour dépolluer le continent.
En Afrique, l’environnement reçoit chaque jour de plus en plus en plus de déchets, sous l’effet d’une production locale en hausse et d’une importation sauvage qui s’accroit elle aussi, surtout depuis que les portes de l’Asie de ferment une à une à l’importation des ordures. Le rapport de la Banque mondiale « What a waste », qui date de 2018, prédit un accroissement de la production de déchets en Afrique subsaharienne multipliée par trois d’ici à 2050. D’ores et déjà, les déchets ménagers, organiques, plastiques, électroniques, médicaux, industriels, quel que soit leur niveau de dangerosité, sont déversés de façon anarchique dans la nature. Des décharges sauvages apparaissent un peu partout, y compris au beau milieu des centres urbains, défigurant les villes, causant la pollution de l’eau et des sols et apportant la maladie. Ailleurs, comme en Éthiopie, au Congo, au Burkina Faso, en Mozambique, au Mali ou au Niger, même les décharges aménagées débordent également d’ordures alentour.
Déchets solides : le plastique tient le haut du pavé
L’un des fléaux qui causent le plus de dommage à l’environnement est le plastique. Selon l’ONG internationale Greenpeace, 99 % des plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles, émetteurs de dioxyde de carbone (CO2). Ces plastiques, une fois usagés, jonchent les rues du continent africain et, en aval, les mers et les océans. Les déchets plastiques, « principalement ceux à usage unique » participent également au réchauffement climatique, puisqu’ils émettent des gaz à effet de serre tels que le méthane ou l’éthylène, comme l’a révélé une étude publiée en 2018 dans la revue scientifique Plos One.
Alors même que 34 pays africains sur 54 ont adopté une loi interdisant les sachets plastiques à usage unique, le paysage urbain continue d’être pollué presque partout sur le continent par ces déchets constitués pour la plupart de sachets jetables, d’emballages, et de sachets d’eau. Cette situation est également causée par le trafic illégal de déchets qui se développe sur le continent. Il y’a quelques semaines encore, l’entreprise allemande Hapag-Lloyd tentait d’introduire 25 tonnes de déchets plastiques au Sénégal, alors même que ce pays d’Afrique de l’Ouest produit déjà 200 000 tonnes de déchets plastiques par an.
Si certains s’interrogent encore sur la meilleure manière de gérer ces déchets en Afrique, pour les protecteurs de l’environnement, la solution se trouve en la matière même. L’une des solutions préconisées pour réduire la prolifération des déchets plastiques, qui polluent les terres et les océans, se situe dans le développement massif du recyclage. De nombreux projets sont développés en ce sens sur le continent, notamment le projet « ReflexNG » qui vise la collecte et le recyclage des déchets plastiques à Lagos au Nigeria.
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Au Bénin, une bonne quantité des déchets plastiques est transformée en matériaux de construction, moins chers, plus légers et plus respectueux de l’environnement tels que les briques ou encore les tuiles… C’est notamment le cas à Sèmè-Kpodji, une ville du sud-est du Bénin, où une usine de tri et de transformation des déchets plastiques sortira bientôt de terre. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) appuie le projet.
Au Togo voisin, c’est le Franco-Togolais Edem d’Almeida, dont la société Africa Global Recycling existe depuis bientôt neuf ans, qui recycle plus d’une quarantaine de matières différentes à partir des déchets de la capitale, Lomé.
La pratique du recyclage se généralise également dans d’autres pays d’Afrique, notamment en Égypte où huit sociétés privées se sont unies autour d’une charte pour le recyclage du plastique. L’objectif à terme est le développement d’une économie circulaire autour du plastique. Parmi ces entreprises figure PepsiCo Égypte qui a récemment lancé sa plateforme « Recyclez pour l’avenir ». Elle contribuera à améliorer le recyclage dans le pays d’Afrique du Nord. Nestlé Égypte a également pris part à la signature de la nouvelle charte. La filiale de la multinationale suisse Nestlé a lancé en octobre 2020 une initiative qui aboutira à la création d’une plateforme numérique. L’application permettra de suivre les activités de recyclage en Égypte. Nestlé souhaite rendre recyclables ou réutilisables 100 % de ses emballages plastiques d’ici à 2025.
Autre grande plaie d’Afrique, juste après le plastique : les déchets électroniques. Selon l’étude baptisée Global E-waste Monitor 2020, publiée en juillet 2020 par le Global E-waste Statistics Partnership, seuls 13 pays africains sur les 43 étudiés détiennent une politique nationale de régulation et de gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), alors même que le continent en a généré près de 2,9 millions de tonnes en 2019.
Fin mai 2021, le gouvernement ghanéen a lancé le Programme africain de gestion de la santé environnementale et de la pollution (AEHPMP) pour lutter contre la pollution par le mercure et les déchets électroniques. Un centre de collecte et de tri des déchets électroniques entrera également en service au Ghana au mois de juin 2021.
D’autres pays font également des efforts pour le recyclage des déchets électroniques en Afrique, notamment la Zambie où la filiale zambienne du groupe télécom indien Airtel s’appuiera sur le savoir-faire de l’électronicien suédois Ericsson pour collecter et recycler durablement les déchets électroniques. Mais qu’en est-il des autres types de déchets ?
La valorisation énergétique des déchets
Les déchets organiques, quant à eux, sont transformés en fertilisants et également valorisés en électricité, comme ce sera bientôt le cas dans l’usine de Kloto dans la région des Plateaux au Togo. Le projet de valorisation énergétique des déchets via le biogaz est mis en œuvre par Biothermica Technologies, une société basée à Montréal au Canada pour un coût de 250 millions de francs CFA (plus de 381 000 euros). L’électricité peut également être produite à partir de l’incinération des déchets.
Au Ghana, McDavid Green Solutions (MDGS), une entreprise basée en Floride, aux États-Unis, va incinérer les déchets pour produire de l’électricité à Dawa, dans le Grand Accra. Jospong Group of Companies (JGC), partenaire du gouvernement ghanéen finance le projet à hauteur de 70 millions de dollars.
Un projet similaire est réalisé au Mali par Energy Solution Systèmes. Piloté par la mairie de Bamako, le projet de valorisation énergétique des déchets solides permettra, dans un premier temps, d’injecter 40 MW d’électricité dans le réseau de la compagnie publique Énergie du Mali (EDM). La capitale malienne Bamako produit à elle seule environ 17 000 tonnes de déchets plastiques chaque année.
Pour améliorer son alimentation en électricité, l’Afrique du Sud mise également sur des centrales de valorisation énergétique des déchets plastiques à partir de la technologie de la pyrolyse. Porté par Kibo Energy, en partenariat avec la société sud-africaine Industrial Green Solutions (IGES), le projet vise la production de plus de 50 MW d’électricité qui seront vendus aux industriels, renforçant leur autonomie vis-à-vis de l’entreprise publique sud-africaine Eskom, dont le surendettement inquiète.
Quand le numérique améliore la gestion des déchets solides
Le circuit des déchets solides, de la collecte au traitement est souvent tortueux dans la plupart des pays en Afrique. Afin de faciliter le travail des sociétés de gestion de déchets, de jeunes entrepreneurs développent différents types d’applications. En Tunisie, la solution « Houmati » de la start-up 2BK Innovation permet aux entreprises de communiquer directement avec chaque Tunisien et de signaler les horaires de collecte des déchets. L’application « CleanApp Ghana » au Ghana propose les mêmes fonctionnalités.
Dans certains pays, la sensibilisation est plus ciblée comme en Égypte où l’application « Vatrina » incite les populations et les entreprises à réduire les déchets liés localement au secteur de la mode et à migrer progressivement vers une « mode durable ». Lancée par un groupe d’étudiants égyptiens, « Vatrina » propose trois options durables, notamment le remodelage des vêtements des clients, la vente de vêtements d’occasion et les dons.
La fondation béninoise Gnidéhoué veut également optimiser la gestion responsable des déchets ménagers et électroniques au Bénin. En avril 2021, la fondation a lancé le concours d’innovations baptisé « Ecolo4Dev ». Les trois premières équipent bénéficieront d’un accompagnement technique pour la mise sur pied de leurs solutions.
La préservation des ressources en eau
S’il est vrai que l’Afrique progresse en matière de protection de l’environnement, le continent ne pourra pas aller bien loin sans un changement radical des mentalités des populations et des industries, qui sont les plus grands pollueurs.
La pollution par les industries en Afrique se fait aussi par le biais des eaux usées. Au Mozambique, les entreprises minières Clean Tech Mining et Gem Resources, exploitant l’or à Manica, ont été suspendues par les autorités locales pour avoir déversé de grandes quantités de boues polluées dans la rivière Rovué. Le cours d’eau se jette dans le réservoir du barrage Chicamba qui fournit l’eau et l’électricité à la province de Manica. Avec ces deux cas, le nombre total d’entreprises minières dont les activités ont été suspendues pour avoir porté atteinte à l’environnement à Manica depuis 2017 est passé à six.
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Shell est également responsable de pollutions en Afrique, notamment dans les villages de Goi, d’Ikot Ada Udo et d’Oruma, dans le delta du Niger, au sud-ouest du Nigeria. La compagnie pétrolière anglo-néerlandaise a été condamnée en appel par la justice hollandaise.
Le 30 novembre 2020, dans une autre affaire, la justice du Nigeria a confirmé la condamnation de Shell en 2010, un demi-siècle après une marée noire qui a durement touché l’État de River. La filiale nigériane de la compagnie anglo-néerlandaise devrait payer jusqu’à 400 millions de dollars en guise d’indemnisation pour la communauté Ejama-Ebubu, principale victime de la catastrophe écologique.
Ces scandales environnementaux, qui se multiplient dans le cadre de l’exploitation des énergies fossiles et des minerais en Afrique, sont à l’origine de la destruction de la ressource en eau, milieu de vie des animaux. Petit à petit les industriels se heurtent au renforcement des contraintes légales, de part et d’autre de la Méditerranée, en Afrique et en Europe,
Néanmoins, en Afrique, très peu d’industries pensent encore à réutiliser leurs déchets comme c’est le cas dans le port de Tema, à 25 km à l’est de la capitale ghanéenne Accra. En février 2021, Marine Bunkers Limited (MBL), un fournisseur de services de transport maritime, de commerce et de logistique en Afrique de l’Ouest a acquis l’unité industrielle d’Ecoslops, baptisée « Mini-P2R ». Cette unité réduira les déversements illégaux (maritimes ou terrestres) à partir du port de Tema, contribuant ainsi à la préservation de la ressource. « Mini-P2R » divisera également par trois l’émission de gaz à effet de serre (GES) par tonne de carburant produit, contrairement à un cycle de production pétrolier conventionnel.
En attendant une prise conscience collective pour réduire les rejets, il convient de mieux traiter les eaux usées. Ce procédé est effectif en Afrique du Nord, où les eaux usées ménagères traitées sont de plus en plus réutilisées dans l’agriculture, contribuant au développement socioéconomique et environnemental. La réutilisation des eaux usées traitées limite également le prélèvement des ressources naturelles.
SUEZ, géant français de l’environnement maîtrise différentes technologies avancées de traitement tertiaire (ultrafiltration, ultraviolets, osmose inverse…) pour obtenir une qualité d’eau recyclée parfaitement adaptée à chaque usage.
L’entreprise assure notamment l’exploitation et la maintenance de la station de traitement des eaux usées de Gabal El Asfar au Caire en Égypte. Au Maroc, SUEZ met en œuvre le Reuse à partir de la station d’épuration de Médiouna, située dans la région de Casablanca-Settat et mise en service en 2017.
Les pays comme le Ghana, le Kenya, le Nigeria, l’Afrique du Sud ou encore l’Angola emboîtent peu à peu le pas en matière de traitement des eaux usées. Une démarche nécessaire pour éviter la fragilisation extrême des écosystèmes.
Inès Magoum
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