C’est une forte interpellation, que celle suscitée par la carte interactive des feux réalisée par l’Agence spatiale américaine (Nasa). Au moment où les sept plus grandes puissances du monde (G7) expriment leurs préoccupations sur les incendies qui se développent dans la forêt amazonienne en Amérique du Sud, en y accordant une aide d’urgence de 22 millions d’euros, une carte de la Nasa, réalisée le 26 août 2019, attire l’attention sur l’Afrique. Elle montre clairement que le centre et le sud-est de l’Afrique sont beaucoup plus touchés par les incendies de forêt qu’en Amazonie.
Les points rouges symbolisant les foyers d’incendie sont plus massifs et denses que partout ailleurs, laissant paraitre l’image d’un continent en feu. Ces foyers d’incendie sont repérés notamment en Angola, en Zambie, en République démocratique du Congo, en Tanzanie, au Mozambique et à Madagascar.
Selon Djimanga Diédhiou, inspecteur régional des eaux et forêts de Sédhiou au sud-ouest du Sénégal, les auteurs de ces feux de brousse sont les charbonniers, les récolteurs de miel, les chasseurs, les contrebandiers qui cherchent à échapper aux patrouilles de la douane, la culture sur brûlis, le renouvèlement des pâturages, l’imprudence des fumeurs et des campeurs. Les feux sont aussi provoqués volontairement par des bandits ou des voleurs de bétails juste après leurs forfaits, surtout en zones de frontières avec la Guinée-Bissau et la Gambie. L’inspecteur souligne que « l’absence de collaboration des populations locales complique l’identification des pyromanes ».
Le manque de moyens fait aussi défaut
Outre les saisons sèches longues et sévères, et les dangereuses méthodes culturales (agriculture sur brûlis), les feux de brousse prospèrent en Afrique à cause du manque de moyens. C’est le cas à Bounkiling, une localité de la moyenne-Casamance au sud-ouest du Sénégal, où des comités sont équipés d’outils rudimentaires, tels que des brouettes, des pelles, des râteaux, et autres, pour éteindre les feux de brousse. La région ne dispose que d’une seule unité d’intervention en cas d’incendie. Et celle-ci ne possède qu’une petite citerne qui l’aide à prendre en charge les demandes.
Cette faiblesse des moyens et le sous-équipement des agents ne facilitent pas la lutte contre les incendies de forêt en Afrique subsaharienne. Comme l’Amérique du Sud a bénéficié de l’aide du G7, le continent africain a besoin lui aussi de moyens tels que des canadairs. Il s’agit d’avions bombardiers d’eau (ABE), très efficaces dans la lutte contre les feux de forêt.
D’ailleurs, l’agence spatiale européenne (ESA) considère que 70 % des terres brûlées dans le monde sont situées en Afrique subsaharienne. Elle poursuit en notant que les incendies africains représenteraient 25 à 35 % des émissions africaines de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Un incendie de forêt produit des gaz à effet de serre et libère en même temps le CO2 stocké auparavant par les arbres. Ce faisant, il contribue au réchauffement climatique dont le continent africain est la première victime. En outre, il prive localement les populations des nombreux services écosystémiques que rend la forêt, au premier rang desquels se situe la retenue des eaux.
Boris Ngounou