AFRIQUE : l’eau, au centre des enjeux environnementaux du continent

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AFRIQUE : l’eau, au centre des enjeux environnementaux du continent©InnaFelker/Shutterstock

L’eau est essentielle à l’équilibre de l’environnement. Liquide, elle contribue à la formation du relief, à l’apparition de la vie (végétale, animale et humaine) et elle reste indispensable à son maintien. Gazeuse, l’eau forme un écran dans l’atmosphère et protège la biosphère du rayonnement ultraviolet solaire. Malheureusement en Afrique, cette ressource est inégalement répartie et dégradée faute d’une gestion durable et intégrée. À cela s’ajoute le stress hydrique persistant causé par le changement climatique.

L’environnement regorge de différentes ressources en eau. Les eaux superficielles ou eaux de surface regroupent l’ensemble des masses d’eau courante ou stagnante en contact direct avec l’atmosphère. Il s’agit des fleuves, des rivières ou encore des lacs. Selon les statistiques publiées en 2019 par l’Association africaine de l’eau (AAE), trois lacs en Afrique concentrent 30 % des réserves d’eau douce mondiales. Le lac Tanganyika en Tanzanie couvre d’une superficie de 32 900 km² ; le lac Victoria avec 68 100 km² à l’intersection entre l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie ; et le lac Malawi qui s’étend sur 29 500 km². Ses rives se partagent entre le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie. Ces réserves d’eau constituent des havres de vie pour la faune et la flore locale, puis finissent par s’évaporer ou par rejoindre par ruissellement les eaux souterraines favorisant ainsi la recharge des nappes phréatiques.

À la différence des eaux de surface, les eaux souterraines sont invisibles à l’œil nu. Une grande partie de ces réserves d’eau douce se situe à plus de 50 mètres de profondeur, et notamment dans les zones sahariennes. Elles sont stockées dans des réservoirs naturels appelés nappes phréatiques. Selon l’AAE, le continent africain recèle 660 000 km3 de nappes souterraines, une provision d’eau potable inestimable pour l’humanité. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), seuls 4 % des réserves en eau sont exploitées en Afrique, et le manque d’infrastructures sanitaires engendre des pertes estimées à quelque 28,4 milliards de dollars par an, soit près de 5 % du produit intérieur brut (PIB) du continent.

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Enfin, reste à évoquer les mers et les océans. Selon, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), ils recouvrent plus de 70 % de la surface de la Terre. Les mers et les océans fournissent de la nourriture, régulent le climat et génèrent l’essentiel de l’oxygène que nous respirons. Ces vastes étendues d’eau sont également la fondation d’une grande partie de l’économie mondiale, soutenant des secteurs allant du tourisme à la pêche en passant par le transport maritime international.

Si l’environnement fournit d’énormes quantités d’eau, celles-ci subissent cependant de multiples pressions dont les causes sont à la fois d’origines humaines et climatiques : pollution par les déchets et divers effluents, évènements extrêmes de sècheresse, inondations et crues, déforestation et destruction des zones humides.

Quand les déchets dégradent la qualité des ressources en eau

En Afrique, la pollution marine atteint des proportions alarmantes. L’une des causes de ce phénomène est l’élimination anarchique des déchets solides (tels que les déchets plastiques, ménagers, électroniques, organiques, médicaux, les boues fécales, etc.). En Tunisie par exemple, la pollution plastique a entrainé la suspension de 23 plages en 2020. Ce type de déchets est également à l’origine de la destruction de la biodiversité aquatique. L’autre source de pollution de l’eau sur le continent sont les eaux usées. Ces effluents provenant des ménages et des industries altèrent la qualité de l’eau, la rendent impropre à la consommation humaine et dégradent la biodiversité qui y évolue.

AFRIQUE : l’eau, au centre des enjeux environnementaux du continent©Golf_chalermchai/Shutterstock

Une plage polluée par les déchets en Afrique©Golf_chalermchai/Shutterstock

En Tunisie, le lac de Bizerte, situé à la pointe nord de la Tunisie a été pollué pendant de nombreuses années par la société El Fouleedh, spécialisée dans la sidérurgie, la Société tunisienne des industries de raffinage (Stir) et la société Les Ciments de Bizerte. Le lac salé, d’une superficie de 120 km2 recevait alors d’énormes quantités d’effluents industriels lourdement polluées qui lui donnaient une coloration rougeâtre. Depuis 2016, un projet de dépollution du lac, qui communique avec la méditerranée, est en cours et s’achèvera d’ici à 2023.

Au centre de la Zambie, la mine de cuivre de Nchanga exploitée par Vedanta et sa filiale locale Konkola Copper Mines (KCM) répand de l’acide sulfurique et d’autres déchets toxiques qui non seulement affectent les rivières, mais imprègnent les nappes phréatiques. Le phénomène de pollution qui affecte également les principales sources de revenus des populations, que sont l’agriculture et la pêche. En 2015, plus de 2 500 Zambiens ont porté plainte contre Vedanta, basé à Londres et ont eu gain de cause en 2021. Malheureusement, cette indemnisation ne fait qu’atténuer un problème qui à la longue causera des dommages irréparables sur l’environnement et la santé des populations.

Il faut également évoquer le groupe pétrolier franco-britannique Perenco, dont l’hydrocarbure s’écoule dans les cours d’eau d’Étimboué, une presqu’ile d’environ 5 700 âmes, située à l’ouest du Gabon. Perenco extrait 95 000 barils de pétrole par jour dans cette zone, à travers des installations vétustes à l’origine des fuites. Cette marée noire a entrainé la disparition, ainsi que la désertion d’une grande partie de la population de poissons.

Les cas de pollution comme ceux évoqués plus haut sont légion en Afrique. Mais diverses initiatives en faveur de la préservation des différentes ressources en eau sont progressivement mises en place, comme le programme GloLitter Partnerships (GLP) qui soutient les pays africains dans la lutte contre la pollution des océans par les déchets plastiques. Le programme est mis en œuvre par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation maritime internationale (OMI).

AFRIQUE : l’eau, au centre des enjeux environnementaux du continent©Gorlov-KV/Shutterstock

Etendue d’eau polluée par les déchets industriels©Gorlov-KV/Shutterstock

Autres exemples : le Programme africain de gestion de la santé environnementale et de la pollution (AEHPMP) lancé récemment au Ghana pour réduire la pollution de l’eau et des sols par le mercure et les déchets électroniques ou encore les projets de réutilisation des eaux usées développés sur presque tout le continent, principalement en Afrique du Nord. Les eaux usées traitées sont renvoyées dans la nature, ou utilisées pour l’irrigation. Dans quelques rares cas comme en Namibie, ces effluents sont même recyclés en eau potable.

En Afrique, la crise de l’eau est également engendrée par la sècheresse. Le phénomène, lourdement aggravé localement par le changement climatique, est à l’origine du stress hydrique, qui touche principalement les zones arides. Cette diminution rapide des ressources en eau impacte principalement la production agricole, le secteur de l’élevage, ainsi que l’approvisionnement en eau potable.

Des stratégies pour faire face au stress hydrique

Pour améliorer la desserte en eau, les gouvernements se tournent vers des solutions alternatives. Outre la réutilisation des eaux usées traitées, le dessalement de l’eau saumâtre et de l’eau de mer permet de faire face au stress hydrique, causé par le changement climatique. En Égypte, au moins 14 usines de dessalement de l’eau de mer devraient être mises en service en 2022. Les stations d’osmose inverse, qui afficheront une capacité globale de 476 000 m3 par jour, sont en construction dans les gouvernorats de Marsa Matrouh, de la mer Rouge, du Sinaï-Nord, du Sinaï-Sud, de Port-Saïd, de Daqahliya, de Suez et d’Alexandrie. Les nouvelles installations porteront à 90, le nombre de stations de dessalement en service en Égypte, avec une capacité de production de 1,3 million de m3 par jour.

Le gouvernement égyptien table sur capacité de production de 6,3 millions de m3 par jour à l’horizon 2050. Pour les cinq prochaines années, Le Caire veut construire 47 usines d’osmose inverse avec un investissement de 2,8 milliards de dollars.

AFRIQUE : l’eau, au centre des enjeux environnementaux du continent©Alexandre Rotenberg/Shutterstock

Une usine dédiée au dessalement de l’eau de mer ©Alexandre Rotenberg/Shutterstock

En Afrique du Sud, Coega Development Corporation (CDC) va construire une usine de dessalement de l’eau de mer. L’installation, qui sera implantée dans la municipalité de Nelson Mandela Bay, affichera une capacité de 15 000 m3 par jour. Outre l’approvisionnement en eau potable à Nelson Mandela Bay, la future usine devrait booster l’économie de cette ville de 1,25 million d’habitants, en proie à la sècheresse.

En plus du dessalement, le Maroc envisage la construction de barrages comme plan de riposte face à son stress hydrique, dont le niveau est compris entre 1 000 et 1 700 m3 d’eau douce disponibles par an et par habitant. Ainsi le stockage de l’eau pourrait s’en trouver amélioré, même si cela pose des questions d’usage et ne résout pas la question de la ressource.

Lire aussi – AFRIQUE : l’urgence de la restauration des écosystèmes dégradés

Cependant, le programme prévoit aussi la préservation de la ressource et l’augmentation de l’approvisionnement en eau dans les zones rurales. Parmi les mesures d’urgence, l’on note également l’irrigation de 510 000 hectares de plantations. L’initiative devrait bénéficier à 160 000 agriculteurs. Les systèmes d’irrigation traditionnels seront rénovés et améliorés avec la technique du goutte-à-goutte par exemple, qui allie efficacité du rendement et préservation intelligente de la ressource, mais qui conduit souvent à un effet rebond. Le nouveau programme d’urgence contre la sécheresse au Maroc s’étendra durant la période allant de 2020 à 2027 pour un coût total de 12 milliards de dollars.

L’objectif à terme est la restauration des écosystèmes d’eau, aujourd’hui dégradés.

Inès Magoum

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