L’Afrique dispose d’abondantes quantités d’eau. Mais la présence de deux grands déserts, le Sahara et le Kalahari, situés respectivement dans les régions nord et sud, fait du continent le deuxième endroit le plus sec au monde. De nombreuses organisations œuvrent à l’amélioration de l’accès à l’eau, aux quatre coins du continent. Parmi elles figurent l’Association africaine de l’eau (AAE), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), la Lake Victoria South Water Works Development Agency (LVSWWDA) et l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN).
À l’occasion de la journée mondiale de l’eau, Afrik 21 recense les cinq organisations qui œuvrent à l’amélioration de l’accès à l’eau en Afrique. Au premier rang de ces organisations, l’Association africaine de l’eau (AAE). Autrefois appelée Union africaine des distributeurs d’eau (UADE), elle devient l’AAE en 2003. Son siège est situé en Côte d’Ivoire, mais elle affiche pourtant la particularité de fédérer les organismes de très nombreux pays africains, répartis sur tout le continent, chargés du service public de la production ou de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement. En Afrique, cette association intervient aussi bien dans la présentation des solutions technologiques que dans le renforcement des capacités des sociétés d’eau et d’assainissement. Au Bénin et en Côte d’Ivoire notamment, l’AAE collabore avec deux institutions américaines dans le cadre du « projet eau, assainissement et hygiènes des municipalités en Afrique de l’Ouest » (MuniWASH). L’AAE y apporte son expertise sur le volet renforcement des capacités des autorités et des prestataires sectoriels à travers l’augmentation et la durabilité des investissements du secteur privé dans les services d’eau et d’assainissement. Le projet MuniWASH, lancé en décembre 2020 bénéficie à 16 communes, dont huit dans chaque pays concerné.
L’AAE agit également sur le sol africain à travers des congrès et autres évènements internationaux majeurs dans le secteur de l’eau. La 20e édition du Congrès international et l’exposition (CIE), qu’elle a organisée du 24 au 27 février 2020 à Kampala, en Ouganda, a justement permis aux acteurs de l’eau, africains et étrangers, de réfléchir ensemble aux voies nouvelles pour accélérer l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement pour tous en Afrique, à l’heure où le changement climatique se fait persistant. Au terme des présentations et discussions qui ont duré quatre jours, des recommandations clés ont été synthétisées par onze « innovateurs », partenaires du projet AfriAlliance. Les services publics sont désormais invités à former des partenariats d’innovation. Les plateformes de partage des connaissances en ligne doivent être encouragées pour faciliter la diffusion des derniers outils de gestion des risques liés à l’eau et au changement climatique. En outre, les services publics et les organisations non gouvernementales (ONG) sont invités à utiliser le Fonds africain pour le changement climatique (ACCF), une source de financement intéressante pour les innovateurs. Enfin les organisations doivent collecter de manière cohérente des données qui aideront à combler les lacunes et à soutenir les décisions en matière de gestion de l’eau.
L’autre rendez-vous incontournable au cours duquel l’AAE défend les intérêts de l’Afrique est le Forum mondial de l’eau. L’association aura l’honneur de produire un livre blanc qui sera remis au comité d’organisation, le Conseil mondial de l’eau, lors de cet événement habituellement triennal qui se tiendra finalement du 21 au 27 mars 2022 à Dakar au Sénégal sous le thème « Valoriser l’eau ». Comme l’AAE, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) créée en 1975 intervient dans le secteur de l’eau sur le continent, notamment à travers son bras financier, la Banque d’investissement et de développement (BIDC).
Le financement des systèmes d’adductions d’eau potable (AEP)
En octobre 2020, l’institution financière de la Cedeao a accordé un prêt de 7,8 millions d’euros au gouvernement du Burkina Faso pour la réalisation de 27 systèmes d’adduction d’eau potable (AEP) dans les régions de la Boucle du Mouhoun et des Hauts-Bassins. Les AEP permettront d’approvisionner près de 100 000 personnes dans les deux régions concernées. La BIDC fait aussi partie des partenaires qui appuient la Côte d’Ivoire dans la mise en œuvre du programme « Eau pour tous », lancé en 2017.
La Cedeao soutient également un projet d’approvisionnement en eau potable au Bénin. En 2019, elle a accordé un prêt avoisinant les 21 milliards de francs CFA (32 millions d’euros) au pays d’Afrique de l’Ouest, à travers la BIDC pour la construction de 37 adductions d’eau potable dans plusieurs communes rurales. Une partie de ces fonds serviront à agrandir sept AEP. L’ensemble des travaux pilotés par le gouvernement béninois devraient être achevés avant la fin de 2021.
Avec le changement climatique, à l’origine de la sècheresse dans certaines parties de l’Afrique, la nécessité de s’approvisionner en eau s’est aussi accrue dans le secteur de l’agriculture, d’où la naissance de certaines initiatives. La Cedeao intervient par exemple dans le Projet d’appui régional à l’initiative irrigation au Sahel (Pariis), lancé en novembre 2018. Pariis vise à améliorer la capacité des parties prenantes à développer et à gérer l’irrigation, ainsi qu’à accroître les superficies irriguées en suivant une approche régionale basée sur les solutions pour les cinq types de systèmes d’irrigation identifiés par la Déclaration de Dakar.
Ces systèmes sont l’Aménagement de basfonds et décrue contrôlée, la petite irrigation individuelle privée, l’irrigation communautaire, la grande irrigation publique et enfin l’irrigation à travers le partenariat public-privé (PPP). En Afrique Australe, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), créée en 1992 multiplie également les initiatives pour relever de défi de la gestion des ressources en eau. Le stress hydrique atteint des proportions inédites dans certains pays de la sous-région.
Le Resilient Waters Program
La SADC met notamment en œuvre le programme quinquennal pour la gestion des ressources en eau transfrontalières d’Afrique Australe, baptisé Resilient Waters Program. Il vise à renforcer la résilience des ressources en eau et à harmoniser leur gestion pour les communautés qui dépendent de ces différents bassins fluviaux. Le programme lancé en 2019 améliorera aussi l’accès à l’eau potable dans une sous-région où plusieurs pays doivent partager un même bassin fluvial. C’est le cas du bassin du fleuve du Limpopo, situé plus au sud du continent africain. Le projet d’approvisionnement transfrontalier en eau potable Calueque-Oshakati (Angola et en Namibie) a également été piloté par la SADC, à travers la Commission technique permanente mixte Angola-Namibie sur le Bassin du fleuve Cunene (PJTC).
La mise en valeur du Bassin du fleuve Niger
L’amélioration de l’approvisionnement en eau en Afrique passera également par la valorisation du Bassin du fleuve Niger, qui prend sa source en Afrique de l’ouest, avant de se jeter dans l’océan atlantique au niveau du Nigeria, c’est-à-dire aux abords de l’Afrique centrale. L’Autorité du Bassin du Niger (ABN), créée en 1980 œuvre en ce sens. Au quotidien, l’ANB veille à la sauvegarde du fleuve Niger en tant qu’entité vitale du pays, à la protection de ses berges et bassins versants contre l’érosion et l’ensablement, ainsi qu’à la préservation de ses écosystèmes terrestres et aquatiques à travers plusieurs projets. L’ABN coordonne par exemple le Programme intégré de développement et d’adaptation aux changements climatiques dans le Bassin du Niger (PIDACC/BN). Lancé le 4 février 2020 à Bamako, la capitale du Mali, le programme bénéficiera à plus d’un million de personnes au Tchad. Le pays d’Afrique central fait partie du bassin du fleuve Bénoué, le principal affluent du fleuve Niger.
Le programme se déroulera également dans l’ensemble des pays de l’ABN (le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigéria). Sur le volet eau, l’ABN réhabilitera et construira 124 retenues d’eau pour l’irrigation des plantations. Le bassin du Niger, étant une grande zone d’élevage de ruminants (bœufs, chèvres et moutons), le PIDACC/BN permettra aussi la réhabilitation et la construction de 105 retenues d’eau pour l’élevage. Dans la marche vers l’accès à l’eau potable, l’Afrique de l’Est n’est pas en reste. L’Agence de développement des ouvrages hydrauliques du lac Victoria Sud (LVSWWDA), qui dépend du ministère kenyan de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Irrigation couvre sept autres comtés au Kenya (Bomet, Homa Bay, Kericho, Kisumu, Kisii, Migori, Nyamira et Siaya), soit plus de 8,8 millions habitants.
La dépollution du lac Victoria
Le lac Victoria connaît actuellement des niveaux de pollution importants en raison de l’insuffisance des infrastructures d’assainissement. Cette situation a des répercussions sur l’approvisionnement en eau potable des populations, dont celles du comté de Kisumu à l’ouest du Kenya. Dans ce comté spécifique, l’organisation kenyane LVSWWDA met en œuvre le Projet d’eau et d’assainissement du lac Victoria (LVWATSAN). Il permettra l’extension du réseau de distribution d’eau et d’assainissement à Kisumu, y compris dans les quartiers informels, et de développer l’approvisionnement en eau des villes satellites, notamment Ahero et Maseno. Ce qui contribuera à couvrir les besoins de la population ciblée, au moins jusqu’en 2030 à Kisumu. Le projet mis en œuvre par LVSWWDA au Kenya comporte également un volet de surveillance de la qualité de l’eau du lac Victoria. L’objectif visé est la protection de cette ressource en eau commune (régionale), ainsi que le renforcement de l’efficacité dans le traitement de l’eau.
Qu’il s’agisse de l’AAE, de la Cedeao, de la SADC, de l’ABN ou de la LVSWWDA ; leurs interventions dans le secteur de l’eau en Afrique font aujourd’hui toute la différence et maintiennent l’espoir de pouvoir réaliser l’objectif 6 du programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’Organisation des Nations Unies.
Inès Magoum
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