À l’occasion de la journée mondiale de l’eau, Afrik 21 revient sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable, devenue urgente en Afrique.
Outre la quantité réduite de ressource disponible, certains pays du continent sont confrontés à un stress hydrique important qui devrait encore s’aggraver, selon l’Organisation des Nations unies (ONU) et ainsi toucher 75 à 250 millions de personnes d’ici à 2030.
Pour éviter d’en arriver à une situation de pénurie totale d’eau potable, les gouvernements africains mettent sur pied différents projets. Ces initiatives, généralement peu nombreuses, faute de financement ou d’expertise adéquate, sont soutenues de manière complémentaire par les efforts de certaines start-up spécialisées dans le secteur de l’eau. Parmi les plus actives, figurent Water Access Rwanda, WaterKiosk Africa, Boreal, Mascara, et Grino Water Solutions. Les systèmes proposés par ces jeunes pousses vont de l’installation de simples kiosques de distribution d’eau potable au système de dessalement alimenté à l’énergie solaire.
Des dispositifs de filtrage d’eau
Au Rwanda, par exemple, 43 % de la population n’a pas accès à l’eau potable selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Cette situation oblige cette fraction de la population à s’approvisionner à partir du Nyabarongo, l’une des plus grandes rivières du pays d’Afrique de l’Est. Mais, l’eau puisée dans la rivière n’est pas potable, ce qui entraine nombre de maladies (choléra, typhoïde, polio ou encore diarrhées).
Pour pallier ce problème, la start-up Water Acces Rwanda installe depuis 2014 des dispositifs de filtrage d’eau (kiosques, filtres et pompes) dans les localités du pays. Les installations de la jeune pousse, fondée en 2014 par Christelle Kwizera, permettent à ce jour à 47 612 personnes au Rwanda d’accéder à l’eau potable via 86 mini-réseaux. « Un seul kiosque permet d’approvisionner une communauté de 2 000 habitants en eau potable et à un prix inférieur à celui d’autres vendeurs d’eau », explique Christelle Kwizera, la fondatrice de Water Access Rwanda en 2020. Les kiosques de Water Acces Rwanda devraient couvrir 30 districts du pays d’ici à 2022, soutenant ainsi le gouvernement rwandais dans sa politique visant à fournir de l’eau potable à l’ensemble de sa population d’ici à 2024.
Parmi les start-up africaines qui s’illustrent également dans le traitement de l’eau, figure WaterKiosk Africa. L’entreprise kenyane propose des solutions plus ciblées, notamment dans le domaine du dessalement.
Le couple dessalement/solaire, une alternative pour les pays au climat aride
La start-up kenyane WaterKiosk Africa intervient notamment dans le cadre du projet de construction de 40 systèmes de dessalement fonctionnant à l’énergie solaire au Kenya, lancé en mars 2020. Les systèmes permettront à terme d’éliminer le sel et d’autres minéraux de l’eau souterraine saumâtre dans 13 comtés du Kenya qui font face aux pénuries d’eau (Wajir, Garissa, Marsabit, Mandera, Mombasa, Naivasha, Turkana, Machakos, Makueni, Kajiado, Narok, Kwale et Taita Taveta). L’eau ainsi dessalée sera distribuée aux populations via des kiosques.
WaterKiosk Africa met en œuvre ce projet de 435 millions de shillings kényans (plus de 4 millions de dollars) en coopération avec plusieurs autres entreprises, dont la jeune entreprise allemande Boreal Light, également active dans le secteur de l’eau en Afrique. En novembre de la même année, la start-up basée à Berlin inaugurait un système de dessalement de l’eau à l’énergie solaire à Oog, une localité de la région du Sool en Somalie. Le système est équipé d’un forage qui pompe l’eau souterraine salée de Oog. La petite usine alimentée par un système solaire photovoltaïque intégré est capable de fournir 1,5 m3 d’eau par heure à la population à travers un kiosque. Une technologie smart qui pourrait bien intéresser d’autres pays à terme, y compris certains pays européens, impactés par la salinisation de leurs eaux souterraines, à force de pompage massif de la nappe phréatique pour arroser les cultures de maïs en plein soleil…
La start-up Boreal Light a récemment bouclé un tour de table qui a permis d’obtenir 7,5 millions de dollars pour étendre ses activités en Afrique. Le 14 mars 2021, la jeune entreprise a mis en service des systèmes de dessalement et de traitement des eaux usées dans plusieurs hôpitaux du comté de Mombasa au Kenya, dans le cadre d’un programme mis en œuvre en partenariat avec l’entreprise kenyane WaterKiosk et la Deutsche Investitions- und Entwicklungsgesellschaft (DEG), la filiale de l’Agence allemande de développement (KfW). Le programme aboutira à la construction de 23 systèmes de dessalement à l’énergie solaire au Kenya et cinq en Tanzanie.
Des systèmes conteneurisés de dessalement
Le marché du dessalement en Afrique est également investi par la start-up Grino Water Solutions, basée à Nuremberg en Allemagne et la par la jeune entreprise française Mascara nouvelles technologies.
Grino Water Solutions opère en Afrique de l’Ouest. En novembre 2020, la start-up a inauguré un système de dessalement à l’énergie solaire dans la ville côtière de Cape Coast, dans la province du Centre au Ghana. Il est capable de fournir 3 m3 d’eau potable par jour. Grino Water Solutions fournit également ses systèmes solaires conteneurisés en BtoB aux entreprises. Les ImpactSites du fournisseur d’off-grids Africa GreenTec AG dispose ainsi de cette solution depuis le début du mois de mars 2021.
Mascara est quant à elle présente dans plusieurs sous-régions du continent africain. La start-up propose un système de traitement de l’eau conteneurisée et donc facile à installer, qui fonctionne grâce un mini-grid solaire, accompagné d’un groupe électrogène de secours. Il a déjà été utilisé par l’entreprise TWS-Turnkey Water Solutions, qui a fourni une petite usine conteneurisée de dessalement de l’eau en Afrique du Sud dans la municipalité de Hessequa, située près de la ville du Cap.
Par ailleurs, Mascara collabore avec l’entreprise française Vergnet Hydro pour fournir ses installations dans huit pays africains. Il s’agit du Mozambique, du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Sénégal. « La société Mascara a développé une technologie industrielle de dessalement d’eau saumâtre (…) avec des coûts d’exploitation très faibles, de 100 à 130 francs CFA (0,15 à 0,20 euros) par m3, et des consommations spécifiques de l’ordre de 1,2 à 1,5 kWh par m3 », indiquait Vergnet Hydro en 2019 lors de la signature du contrat de partenariat.
Récemment, la jeune entreprise française a signé un partenariat avec sa compatriote Ecosun Innovation pour lancer Osmo-Watt. Il s’agit d’une nouvelle solution qui permet de fournir de l’eau potable grâce à un système conteneurisé facile à déployer pour les zones reculées et difficiles d’accès. Le système conteneurisé est composé d’une part de la technologie Osmosun proposée par Mascara qui permet le dessalement de l’eau de mer et saumâtre grâce à l’énergie solaire, et d’autre part de Mobil-Watt, un système solaire conteneurisé facile à déployer et imaginé par Ecosun Innovation. Selon Mascara, la mise en commun de ces deux technologies facilite l’installation et l’entretien de la solution, réduisant ainsi les coûts dans les zones reculées d’Afrique où le pouvoir d’achat est souvent très faible. Osmo-Watt peut permettre de produire entre 5 et 100 m3 d’eau potable par jour grâce à l’énergie solaire.
L’impact positif sur l’approvisionnement en eau potable
L’intervention des start-up Water Access Rwanda, WaterKiosk Africa, Boreal, Mascara, et Grino Water Solutions dans les différents pays évoqués a permis au continent africain de faire des progrès considérables en matière d’approvisionnement en eau potable, diminuant ainsi les maladies liées à l’eau (choléra, typhoïde, polio ou encore diarrhée). Les projets de ces start-up ont également favorisé la relance des activités économiques dans certains pays, dans les domaines liés à l’eau.
Au-delà des solutions proposées dans le traitement de l’eau saumâtre, ces start-up qui s’installent en Afrique sont également pourvoyeuses d’emplois pour de nombreux jeunes dans le secteur de l’eau. Cette réalité se vérifie aussi dans les pays d’Afrique du Nord où la pratique du dessalement de l’eau de mer notamment est davantage déployée par de grands groupes tels que le géant français de l’environnement, Suez, l’irlandais Ingersoll Rand’s Engineering Project Solutions, le français Schneider Electric, Fluence, etc. L’objectif dans cette sous-région reste également la préservation des ressources d’eau douce qui se raréfient dangereusement sous l’effet du changement climatique.
Inès Magoum