En Afrique le financement dédié au secteur de l’eau et de l’assainissement demeure insuffisant et la gouvernance des ressources en eau s’avère limitée. Toute chose qui rend plus difficile, voire impossible, l’atteinte du sixième objectif de développement durable (ODD6), et garantir l'accès de tous à l'eau et à l'assainissement d'ici à 2030.
L’accès de tous les Africains à l’eau et à l’assainissement à l’horizon 2030, reste un objectif marqué par de grandes incertitudes, tant les indicateurs sont au rouge. À l’échelle de la planète, c’est en Afrique que se trouvent la moitié des personnes qui boivent une eau provenant de sources non protégées. Les données publiées en 2019 par le département des affaires économiques et sociales de l’Organisation des Nations unies (ONU) établissent qu’en Afrique subsaharienne, seulement 24% de la population a accès à une source sûre d’eau potable et que les installations sanitaires de base (non partagées avec d’autres foyers) sont réservées à 28% de la population.
D’après le World Vision international (WVI), en 2018, près de huit ménages africains sur dix consommaient de l’eau contaminée par des matières fécales et près de la moitié des sources d’eau en étaient également affectées. L’organisation note également que le phénomène est généralement lié à la pauvreté. Les riches étant deux fois plus en mesure de se procurer une eau potable que les pauvres. Les populations vivant en ville ont également plus de chance d’avoir accès à l’eau potable que celles vivant dans des zones rurales.
Pour inverser la situation, les pouvoirs publics et surtout les bailleurs de fonds internationaux allouent régulièrement, divers types de financements destinés au secteur de l’eau et de l’assainissement en Afrique.
Des financements insuffisants
D’après la Banque mondiale, le financement en capital nécessaire pour étendre les services de l’eau et de l’assainissement à tous, tels que définis dans les cibles 6.1 et 6.2 des objectifs de développement durable (ODD), s’élève à 114 milliards de dollars par an entre 2015 et 2030. Or sur les 114 milliards nécessaires par an à travers le monde, l’Afrique subsaharienne représente 31% des besoins.
Sur la base de ces estimations, on situe ainsi à 38 milliards d’euros par an, le financement annuel nécessaire à l’accès en eau et à l’assainissement pour tous en Afrique d’ici à 2030.
Bien qu’il soit difficile d’estimer le niveau des dépenses actuelles liées à l’accès à l’eau et à l’assainissement en Afrique, la Banque mondiale considère que ces dépenses sont trois fois inférieures aux investissements annuels nécessaires. Sur cette base, le niveau des dépenses actuelles liées à l’accès en eau et à l’assainissement en Afrique se situerait à 12,6 milliards d’euros par an.
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L’essentiel de ces investissements en capital est financé par l’aide publique au développement (APD), les redevances payées par les usagers et les budgets publics. D’après la Coalition Eau, un collectif regroupant les principales ONG (organisation non gouvernementale) françaises mobilisées pour la promotion d’un accès à l’eau et à l’assainissement pérenne pour tous, les engagements de l’aide publique pour l’eau et l’assainissement en Afrique subsaharienne sont passés de 1,54 milliard de d’euros à 2,72 milliards de d’euros de 2015 à 2017. Or en 2017, l’Afrique subsaharienne a reçu la plus grande part (32%) des engagements d’aide à l’eau et à l’assainissement de toutes les régions ciblées par les ODD (près de 3 milliards de dollars), contre 20% en 2015.
Une mauvaise gestion des ressources en eau
L’atteinte des ODD sur l’eau et l’assainissement de l’Afrique bute aussi sur une gouvernance limitée des ressources en eau. En Afrique centrale par exemple, le taux de prélèvement des ressources en eau est estimé à 0,14%, alors que la moyenne continentale est de 5,5%, selon le Global Water Partnership (GWP). D’après cette organisation mondiale qui fournit des connaissances et renforce les capacités pour une gestion durable des ressources en eau, ce faible taux d’utilisation des ressources en eau s’explique par l’absence de documents de politique de l’eau dans la moitié des pays, la persistance des tensions et d’un climat d’insécurité dans certaines les régions arides, ce qui compromet la gestion des eaux transfrontalières.
Sur le plan technique, le GWP relève l’inexistence de services hydrologiques dans certains pays, les services hydrologiques existants dans la majorité des pays sont non opérationnels, l’absence ou insuffisance de systèmes intégrés d’information sur l’eau, l’inadaptation, insuffisance et vétusté des réseaux hydrologiques.
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Pour éclaircir le tableau sombre de la gouvernance des ressources en eau en Afrique, plusieurs acteurs du domaine s’accordent sur la nécessité de mettre en œuvre une stratégie de gestion intégrée des ressources en eau (Gire). La GIRE étant un cadre stratégique très important dans le processus couplé de l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et de la stratégie de développement durable telle que préconisée lors du Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) de Johannesburg en 2002. Il incombe aux gouvernements d’intégrer cette stratégie dans leurs politiques. Kofi Anan (ancien secrétaire général de Nations unies, de 1997 à 2006, Ndlr) affirmait lors du SMDD, que les OMD devraient être atteints dans chacun des États membres, par les efforts des gouvernements et de la population.
Un projet Gire en Côte d’Ivoire
L’accès à l’eau est indispensable non seulement pour les besoins physiologiques de l’homme, mais aussi pour les domaines de l’assainissement et même de l’agriculture, dont est tributaire 61% de la population d’Afrique subsaharienne, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). En pareil contexte, la Côte d’Ivoire a lancé en 2000 la première phase du projet d’appui institutionnel pour la mise en œuvre de la Gire au niveau du bassin pilote du Bandama amont au nord du pays.
Le bassin du fleuve Bandama étant un bassin versant non transfrontalier de la Côte d’Ivoire, occupant une superficie de 97 500 km2. Le fleuve de Bandama, long de 1050 km, prend sa source au nord du pays et se jette dans l’océan Atlantique au niveau du système lagunaire du Grand Lahou. Cela dit, le projet Gire du gouvernement ivoirien s’applique à l’échelle du bassin versant amont du Bandama, plus précisément en amont du Lac de Kossou, zone qui regroupe un ensemble de barrages pour l’alimentation en eau, à destination de la consommation humaine, des activités agricoles et des activités industrielles.
Le projet qui s’achève en principe cette année, et qui est financé par l’Agence de l’eau de Loire-Bretagne (AELB) en France, repose sur trois composantes principales. Appuyer le processus d’élaboration participative d’un document de type « Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux » – SAGE, en s’appuyant sur une gouvernance ad-hoc, assurer le retour d’expériences du projet (identification des améliorations juridiques, institutionnelles, financières souhaitables pour la généralisation des pratiques testées). Il s’agira également de capitaliser de façon transversale, l’expérience du projet vers le niveau national, à travers des ateliers et des formations interministérielles au niveau du bassin pilote et à Abidjan, la capitale économique de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Boris Ngounou
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