À l’heure où l’Afrique, comme le reste du monde, est confrontée à trois défis majeurs : la croissance démographique, le changement climatique et la crise sanitaire due à la pandémie de la Covid-19, des voix s’alarment quant à leurs impacts sur l’approvisionnement en eau potable, déjà très instable. À l’occasion de la semaine mondiale de l’eau, Afrik 21 présente les contours de ces grands enjeux de l’accès à l’eau potable sur le continent africain.
En Afrique, la croissance démographique amplifie les défis liés à l’approvisionnement en eau potable. À l’occasion de la journée mondiale de l’eau, Afrik 21 décrypte les enjeux de la gestion de l’eau pour un continent qui compte aujourd’hui 1,3 milliard d’habitants, soit 17 % de la population mondiale, ce qui en fait le deuxième continent le plus peuplé au monde après l’Asie. Selon les prévisions de l’Organisation des Nations unies (ONU), la population africaine devrait presque doubler à l’horizon 2050. Elle totalisera vraisemblablement près de 4,5 milliards de personnes d’ici 2100, soit 40 % de l’humanité. Si aujourd’hui un Africain sur quatre ne dispose pas d’une source sûre d’eau potable, la situation risque donc d’empirer encore dans les années à venir, si rien n’est fait.
Ainsi présentée, la situation paraît sans issue, mais il est important de relever les initiatives lancées pour améliorer la desserte en eau potable sur le continent. Au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 206 millions d’habitants en 2020), le gouvernement central a lancé en 2016 le Projet d’approvisionnement durable en eau et d’assainissement rural. Il se décline en trois phases.
Le volet eau de ce Projet permettra la construction d’adductions d’eau potable (AEP) dans les zones semi-urbaines du Nigeria. Elles fonctionneront grâce à des installations d’off-grids solaires. En outre, des pompes à motricité humaines seront construites. Les travaux lancés en 2019 devraient s’achever en 2025.
Des usines d’eau potable
Ce pays d’Afrique de l’Ouest finance également la réhabilitation des usines d’eau potable. En 2019, l’État de Bauchi au Nigeria a lancé les travaux de réhabilitation du barrage de Gubi qui affiche une capacité de rétention de 38,4 millions de m3, ainsi que de la station de potabilisation de Gubi qui l’exploite. L’usine d’eau potable modernisée fournira 90 000 m3 d’eau par jour aux populations. Le gouvernement local de Bauchi prévoit aussi de construire un réservoir de 7 000 m3 à Warinji Hills.
Une grande usine d’eau potable est également en construction à Bita, une localité située à 40 km au sud-est de Luanda en Angola. L’installation affichera une capacité de 260 000 m3 par jour, soit l’une des plus grandes usines d’eau potable du continent africain. L’entreprise Empresa Publica de Aguas de Luanda (Epal), qui assure le service public de l’eau potable dans la capitale a confié le marché à Suez en juin 2020. Selon le groupe français, cette importante station de Bita répondra aux besoins en eau potable de la population de Luanda, en forte croissance, qui a atteint 7,5 millions d’habitants, tout en soutenant son développement économique. Suez construira également une prise d’eau dans la rivière Kwanza qui passe près de la capitale Luanda avant de se jeter dans l’océan Atlantique, ainsi qu’une conduite qui acheminera l’eau brute jusqu’à l’usine. Le groupe dispose de 39 mois pour l’exécution de son contrat. Après la mise en service de la station d’eau potable de Bita, il devra apporter un soutien opérationnel sur une période de 9 mois.
Outre l’exploitation de la nappe phréatique et des rivières, le dessalement contribue également à améliorer l’accès à l’eau potable en Afrique. Il s’agit d’un processus par lequel l’eau saumâtre ou salée est transformée en eau douce.
Si les différents projets réalisés ont permis de sécuriser l’accès à l’eau potable de certaines couches de la population africaine et donc de réduire l’inégale répartition de cette ressource, les choses pourraient vite changer à cause du changement climatique.
Le stress hydrique
Phénomène planétaire, le réchauffement de la planète se manifeste dans certains pays d’Afrique par une sécheresse accrue. Cette dernière entraîne l’évaporation de l’eau et modifie le régime des précipitations, ce qui rend les efforts de collecte de la ressource en eau encore plus difficile, et engendre une situation de stress hydrique. L’enjeu aujourd’hui, pour les États africains, est de progresser vers un approvisionnement à 100 % des populations en eau potable. Aussi, certains pays côtiers mettent-ils l’accent sur le dessalement.
Le procédé est appliqué dans les stations de dessalement qui traitent de l’eau pompée en mer ou dans les lacs salés. Il existe actuellement deux techniques de dessalement. La plus utilisée par les usines en Afrique est l’osmose inverse qui repose sur le principe d’une séparation sel-eau faisant appel à une membrane semi-perméable. La seconde méthode de dessalement est l’électrolyse, moins adaptée pour le traitement de l’eau de mer.
En Afrique du Nord, par exemple, les disponibilités en eau douce par habitant ont baissé de plus de 30 % durant les 20 dernières années. Et en Afrique subsaharienne, 400 personnes ne disposent pas d’une source sûre d’approvisionnement en eau potable. La Namibie, l’un des pays les plus arides situés au sud du Sahara dispose d’un large accès à la mer, et compte exploiter ce potentiel, en développant notamment le projet de dessalement de Walvis Bay, dans le cadre d’un partenariat avec son voisin botswanais. L’eau produite par cette station sera partagée entre les deux pays. La part botswanaise devrait être pompée vers la capitale Gaborone via une canalisation qui partira de l’usine de dessalement de Walvis Bay, soit au moins 1 490 km de distance.
Au-delà de ce projet qui est encore à un stade embryonnaire, des petites unités de dessalement sont construites dans plusieurs localités de ce pays d’Afrique Australe pour l’approvisionnement des populations. Ces installations sont réputées énergivores et de plus en plus de fournisseurs cherchent à les combiner à de petites centrales d’énergie solaire.
La réutilisation des eaux usées
La municipalité de Walvis Bay envisage également de recycler les eaux usées en eau potable pour répondre à la croissance démographique de cette ville portuaire de plus de 52 000 habitants. Actuellement, la municipalité dépend de deux sources principales pour l’approvisionnement en eau de sa population. Ce système permet d’injecter l’eau traitée directement dans le réseau d’eau potable.
La réutilisation des eaux traitées en eau potable, qui ne fait pas l’unanimité dans cette ville portuaire, est déjà appliquée dans la capitale namibienne Windhoek depuis 50 ans. Ce système permet d’injecter l’eau traitée directement dans le réseau d’eau potable. À l’heure actuelle, la Namibie reste le seul pays en Afrique qui potabilise les eaux usées. D’autres pays pourraient bientôt lui emboîter le pas.
Ailleurs sur le continent, la réutilisation est surtout utilisée pour l’irrigation afin de préserver les nappes et les eaux de surface pour les réserver à la production d’eau potable.
Une autre piste envisagée pour améliorer l’accès en eau potable en Afrique passe par la collecte des eaux de pluie. Théoriquement, la quantité de pluie qui tombe sur le continent équivaudrait à elle seule aux besoins de 9 milliards de personnes, soit une fois et demie la population mondiale actuelle, selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Pour l’instant, en Afrique, ces eaux pluviales sont uniquement stockées pour l’irrigation. À Tadla, une région située au centre du Maroc, l’Office régional de mise en valeur agricole (ORMVA) a récemment lancé les travaux d’aménagement d’un bassin de rétention des eaux pluviales. La ressource servira à irriguer 20 000 hectares de terres agricoles à Tadla.
Même si la Covid-19 a paradoxalement permis d’accélérer les projets d’eau potable dans les régions d’Afrique, surtout au sud du Sahara, le défi à relever reste important.
Inès Magoum
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