La parfaite conjugaison entre l’exploitation minière et la protection de l’environnement demeure encore un mirage dans la plupart des pays africains. L’industrie minière, principalement axé sur l’extraction de minéraux et de métaux tels que le fer, le cuivre, le cobalt, le nickel et le cadmium, dégrade les écosystèmes et contamine l’environnement. « Le pétrole, l’argent, le cuivre, ou l’or se trouvent dans des roches contenant des minerais sulfurés, lesquels dégagent de l’acide sulfurique lorsqu’ils sont broyés et exposés à l’air et à l’eau. Cette eau acide dissout d’autres métaux toxiques que recèle le minerai, comme le mercure, le plomb et le cadmium. S’il n’est pas contenu, le drainage minier acide (DMA) dégage des toxines dans l’écosystème qui détruisent toute trace de vie dans leur sillage » a relevé les travaux du Transnational Institute (TNI), un think tank engagé dans la « construction d’un monde juste, démocratique et durable ».
La poussière de cobalt en RDC
Des études menées en 2009 dans la province du Katanga au sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), par les chercheurs de l’Université de Leuven en Belgique et de l’Université de Lubumbashi en RDC, ont relevé l’impact environnemental de l’exploitation du cobalt, un composant crucial des batteries lithium-ion rechargeables pour smartphones et voitures électriques. Pour ces universitaires, le problème majeur est la poussière libérée pendant le processus d’extraction. Après avoir analysé les échantillons de sang et d’urine de 72 résidents du district minier de Kasulo, les chercheurs ont conclu que les enfants vivant dans le district minier recelaient 10 fois plus de cobalt dans leur urine que les autres.
Outre l’atmosphère, l’exploitation minière affecte les plantes et les sols. Selon Abraham Mwesigye, spécialiste de l’environnement au département de biologie forestière et de gestion des écosystèmes de l’Université Makerere en Ouganda, les riverains des zones minières produisent de la nourriture à partir de sols contaminés, utilisent de l’eau remplie de déchets toxiques miniers et beaucoup d’entre eux souffrent de maladies comme le cancer, les ulcères et autres complications gastriques. L’activité minière libère également des produits chimiques tels que le mercure dans les plantes, les rendant impropres à la consommation.
Les mines d’uranium au Niger, un cas particulier
L’exploitation du minerai d’uranium pose encore davantage de problèmes environnementaux et même de santé humaine en Afrique. L’activité consomme énormément d’eau. A Arlit, région désertique située dans le nord du Niger, les exploitants miniers affirment utiliser 7 à 10 millions de m3 d’eau par an pour le traitement du minerai. Ce sont donc les nappes fossiles qui sont vidées ou contaminées. Depuis un demi-siècle, l’entreprise française Areva, devenue Orano depuis janvier 2018 détient le monopole de l’eau au détriment des populations qui n’ont pour la plupart, pas accès à l’eau potable. Le peu d’eau qu’elle partage avec les animaux est radiologiquement contaminée.
D’après Bruno Chareyron, le responsable du laboratoire de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad), les ressources naturelles et les populations d’Akokan et d’Arlit, sont exposées à des radiations invisibles. « L’uranium et certains de ses descendants radioactifs émettent des radiations que l’on appelle les rayonnements gamma, qui sont des radiations invisibles, extrêmement puissantes, qui peuvent traverser le plomb et les murs. Par conséquent, les mineurs de l’uranium sont exposés en permanence à cette radiation dont on ne peut se protéger, car même des vêtements en plomb ne les arrêtent pas » explique l’expert.
Les cas de pollution minière sont légion en Afrique
Parmi les cas de pollution minière qui ont fait date en Afrique on trouve l’affaire Glencore et la production des pluies acide dans la région de Mufulira au nord-ouest de la Zambie. En 2005, la Banque européenne d’Investissement (BEI) accorde un prêt de 48 millions d’euros au consortium Mopani Copper Mine (MCM), plus importante compagnie minière de Zambie, dont l’actionnaire majoritaire est l’entreprise suisse Glencore. Le prêt était destiné entre autre à la diminution de la pollution due à l’extraction du cuivre dans la mine de Mopani, notamment les émissions de soufre. Mais 5 ans plus tard, une enquête réalisée par l’organisation non gouvernementale (ONG) les Amis de la Terre sur la mine de cuivre de Mopani, révèlera des effets à l’opposé des objectifs affichés par le financement de la BEI.
Le rapport d’enquête révèle que dans les environs de la mine de cuivre à Mufulira, l’air est lourd et métallique. Les émissions de soufre dépassent jusqu’à 72 fois les limites légales, celles de plomb atteignent 90 fois la norme. Les mesures effectuées révèlent aussi un taux d’arsenic jusqu’à 16 fois supérieur aux seuils limites. Les émissions de soufre provoquent des pluies acides, qui détériorent les sols. « Dans la ville de Kankoyo, il ne pousse que des cactus et des avocatiers. Impossible pour les autres semences de survivre », témoigne Anne-Sophie Simpere, qui a participé à la mission d’enquête de l’ONG les Amis de le Terre. « Du fait de l’acidité de l’air, la peinture ne tient pas trois mois. » ajoute-t-elle.
Des cas remarquables de pollution minière en Afrique s’illustrent surtout dans le secteur pétrolier. Et en cela, le Nigeria, premier producteur africain de pétrole, est l’un des pires territoires en termes de pollution pétrolière. Dans un rapport publié en 2011, le Programme des Nations Unies pour l’environnement dénonçait un désastre environnemental sans précédent. En l’espace de 6 ans, près de 18 millions de litres de pétrole brut ont contaminé les sols et les eaux de la plus importante mangrove d’Afrique, située dans la région du delta du Niger.
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Destruction des paysages et des écosystèmes
Les populations de Bétaré-Oya dans la région de l’Est Cameroun connaissent assez bien le calvaire des sites miniers abandonnés après exploitation. Dans cette région aurifère, des exploitants miniers creusent des puits dont la profondeur atteint parfois 5 mètres. Mais une fois l’exploitation des puits achevée, les exploitants miniers laissent derrière eux un paysage constitué d’immenses fosses béantes qui défigurent le paysage et qui, en saison des pluies, sont autant de petits lacs artificiels qui s’étendent à perte de vue, au péril des riverains. Dans un rapport publié le 18 mai 2021, l’organisation non gouvernementale (ONG) Forêts et Développement rural (Foder) affirme avoir recensé au total 157 décès sur les sites miniers du Cameroun entre 2013 et avril 2021.
Pourtant, le nouveau code minier du Cameroun, voté en décembre 2016, dispose bien en son article 136 que « les anciens sites miniers et de carrières doivent retrouver des conditions stables de sécurité, de productivité agro‐sylvo‐pastorale et d’aspects visuels proches de leur état d’origine ou propices à tout nouvel aménagement de façon durable ». Tout comme un arrêté, daté quant à lui de juillet 2016, interdit de mener des activités minières dans les lits des fleuves, dans leurs affluents et dans les plaines inondables.
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Le poids économique de l’extraction minière en Afrique
La plu part des États africains regorgent des sous-sols riches, hébergeant d’immenses ressources minérales, mais leurs secteurs miniers ne contribuent que faiblement à leurs économies. Les raisons varient entre un manque de volonté politique et des pratiques de corruption. En février 2020, la Commission européenne a révélé que les compagnies minières et les industries extractives en Afrique sont responsables de 65% de la fraude fiscale.
Il faut toutefois identifier des exceptions comme le Gabon, troisième économie d’Afrique centrale (13% du PIB régional en 2017), dont la contribution du secteur minier au PIB est passée de 2% à 6% entre 2016 et 2018. Selon le ministère gabonais des Mines, le pays a réalisé cette performance en restructurant l’exploitation du manganèse, son premier produit minier d’exploitation, avec une production de plus de 6 millions de tonnes en 2018. Les étapes de cette restructuration passent notamment par une législation fiscale attractive pour les investisseurs, un cadre réglementaire clair et détaillé, la collecte transparente et efficiente des taxes et redevances.
Réseau environnement bauxite (REB) en Guinée Conakry
Un modèle d’exploitation minière respectueuse de l’environnement a été lancé en Guinée Conakry en 2018. À l’occasion des activités marquant la célébration de la journée internationale de la biodiversité le 22 mai 2018 à Boké, cité minière située dans le nord-ouest de la Guinée, les plus gros exploitants de bauxite dans le pays d’Afrique de l’Ouest, Guinea Alumina Corporation (GAC), Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), Alliance Mining Comodities (AMC), Alliance Minière Responsable (AMR), Société Minière de Boké (SMB), et Alufer ont lancé leur initiative en faveur de la biodiversité.
Réunies au sein du réseau environnement bauxite (REB), ces exploitants miniers ont décidé de se coordonner pour mieux gérer leurs impacts sur leur environnement naturel. Le REB est doté d’un protocole qui précise l’obligation faite à ses membres de collaborer entre eux pour réduire les impacts cumulatifs de l’activité minière à Boké. Les membres du REB se sont également engagés à un changement de pratique au niveau de la planification communautaire de la gestion des terres et des ressources naturelles. Pour ce faire, les populations locales devraient à l’avenir être davantage consultées et impliquées au moment de la réalisation des études d’impact environnemental des activités minières.
Sous la double pression des agences de notations extra-financières et de la généralisation progressive du devoir de vigilance pour les maisons mères, les entreprises minières, inexorablement s’orientent vers une meilleure prise en compte de l’environnement, notamment en faisant appel à des fournisseurs de services environnementaux pour mieux gérer leurs effluents.
Boris Ngounou