L’Europe continue de produire des pesticides toxiques qu’elle exporte hors de son territoire, notamment en Afrique. C'est ce que révèle une enquête de Public Eye et Unearthed, parue le jeudi 18 novembre 2021. L’Union européenne (UE) a autorisé l’exportation d’environ 4000 tonnes de pesticides de la famille des néonicotinoïdes, en quatre mois seulement.
Les entreprises agrochimiques de l’Union européenne (UE) continuent d’exporter des pesticides dont l’Europe a pourtant voté l’interdiction d’utilisation dans ses cultures en avril 2018. Dans une nouvelle enquête publiée le 18 novembre 2021 par les organisations non gouvernementales (ONG) Public Eye et Unearthed, la cellule enquête de Greenpeace Grande-Bretagne, il ressort qu’entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020, l’Agence européenne des produits chimiques a approuvé 300 notifications d’exportations à destination de 65 pays différents, dont une très large majorité à faible ou moyen revenus, situés en Afrique.
Les notifications d’exportation proviennent de neuf pays européens, avec en tête la Belgique, la France et l’Allemagne. Syngenta est l’un des géants de l’agrochimie qui se cache derrière ces exportations, avec plus de trois quarts des volumes exportés (3 426 tonnes dont 551 tonnes de substances actives). L’ex-firme suisse, désormais sous pavillon chinois, a soumis plus de 150 notifications d’exportations au cours des quatre mois d’étude.
Jusqu’à 100 millions de milliards d’abeilles tuées
Selon l’enquête, les près de 4000 tonnes de pesticides exportées par les firmes agrochimiques de l’UE contiennent plus de 700 tonnes de substances actives d’imidaclopride, de thiaméthoxame et de clothianidine. Suffisant pour traiter 20 millions d’hectares de cultures. « Cela représente une surface équivalente à l’ensemble des terres arables de la France. Et on voit aussi que plus de 90% de ces exportations vont vers des pays à faibles ou moyens revenus, et des pays qui sont pour beaucoup des zones qui sont centrales pour la biodiversité, comme le Brésil qui est le principal marché, » explique Géraldine Viret, la porte-parole de l’ONG Public Eye.
Une analyse des valeurs de toxicité de référence des pesticides exportés par l’UE, permet aux ONG de déterminer le nombre d’abeilles tuées, soit près de 100 millions de milliards d’abeilles. Et pourtant trois cultures sur quatre dans le monde dépendent des abeilles et autres insectes pollinisateurs ainsi qu’un tiers de la production alimentaire mondiale.
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Dans une précédente enquête publiée le 10 septembre 2020, Public Eye indique qu’en 2018, 7 500 tonnes de 25 substances différentes jugées trop dangereuses pour l’Europe, ont été exportées vers le continent africain. En Afrique du Nord, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont signé différents accords et codes de gestion de ces substances, afin de prévenir les risques. C’est le cas de l’Approche stratégique de gestion internationale des produits chimiques (SAICM, élaborée en 2020 sous la tutelle des Nations unies), mais dont la mise en œuvre laisse encore à désirer.
Boris Ngounou