Avec une population de 1,4 milliards d’habitants, et une superficie de plus de 30 millions de km2 ainsi qu’une couverture de 6% de la surface de la terre, l’Afrique est la région la plus vulnérable au changement climatique. Les phénomènes météorologiques extrêmes dégradent les sols et accélèrent l’avancée du désert, avec 319 millions d'hectares menacés de désertification selon l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Pour endiguer le phénomène, gouvernements, entreprises et société civile mettent sur pied une batterie de projets de reboisement. Mais alors, planter des arbres permet-il véritablement de lutter contre le réchauffement climatique ?
En Afrique, la dégradation des sols touche 74% des personnes en situation de pauvreté. Cette conséquence du changement climatique occasionne par ailleurs la perte annuelle de 12 millions d’hectares de terres, des suites de la désertification, soit l’équivalent de 23 hectares par minute. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui publie ces données, ajoute que 319 millions d’hectares de terres sont menacés de désertification sur le continent. Il faut aussi rappeler que l’Afrique abrite le plus vaste désert chaud situé dans sa partie septentrionale. Le Sahara couvre 8,5 millions km2, soit 30% de la surface totale du continent.
Dès lors, tous les moyens sont déployés pour faire face à l’avancée de la désertification, et par ricochet, lutter contre les effets du changement climatique. Le reboisement apparait comme l’une des solutions les plus sollicitées. Selon les experts, le fait de planter les arbres protège généralement le sol et l’aide à conserver durablement ses eaux. Il n’y a pas que le sol qui bénéficiera des avantages de la végétation, le bétail en profitera également des herbes qui résulteraient de cette végétation. Aussi et surtout, des études démontrent que la photosynthèse pratiquée par les feuilles des arbres permet de stocker le CO2 atmosphérique, contribuant ainsi à la diminution des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère.
Le Sénégal plante 20 millions d’arbres en un an
Pour lutter contre le changement climatique et ses différents corolaires que sont la déforestation, la désertification et autres, les États africains mettent en œuvre des plans de reboisement. Et le Sénégal fait partie des bons élèves dans ce domaine. En septembre 2020, le pays d’Afrique de l’Ouest a lancé une nouvelle opération spéciale de reboisement qui a permis de planter près de 20 millions d’arbres à travers le pays. L’opération consistait à mettre gratuitement à la disposition des populations rurales, des plants de baobabs ou des caïlcédrats qui résistent mieux aux sols pauvres. Il revenait par la suite aux habitants d’en prendre soin. Cette opération a contribué à la réduction du nombre d’hectares de forêt perdus chaque année, de 80 000 à 40 000 hectares en moins de dix ans.
En Afrique, il y a surtout l’initiative de la Grande muraille verte (GMV), qui est au centre de toutes les attentions.. Lancée en 2007 par l’Union africaine (UA), le projet visait au départ la plantation continue de millions d’arbres sur une bande de 15 km de large allant du Sénégal à Djibouti. Mais seulement 4 % de l’objectif prévu pour 2030 a été atteint, soit 4 millions d’hectares de terres aménagées sur les 100 millions d’hectares.
Un retard en partie causé par les problèmes d’insécurité rencontrés dans de nombreux pays du Sahel, la zone initiale du projet. Selon Elvis Paul Tangem, le coordinateur du projet de la GMV pour l’UA, il est presque impossible de continuer à planter des arbres et de restaurer les terres dégradées au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Tchad, au Nigeria, en Érythrée et dans le nord du Cameroun à cause de l’insécurité et de la réaffectation des fonds à l’aide humanitaire. Pour contourner cet obstacle, l’UA a décidé en février 2023, d’étendre le projet de la Grande muraille verte à l’Afrique australe.
À côté de la GMV, l’initiative pour la restauration des paysages forestiers africains (AFR100) compte également parmi les projets de reboisement d’envergure en Afrique. Lancée en 2015 par plusieurs pays africains, l’AFR100 est un effort panafricain mené à l’échelle nationale et dont l’objectif est de restaurer 100 millions d’hectares (soit 1 million de km2) de paysages déboisés et dégradés d’ici à 2030. À ce jour, l’initiative a été rejointe par 34 Pays, lesquels ont promis de mettre à disposition 130 millions d’hectares de terrains qui seront restaurés d’ici à 2030. Il s’agit par exemple du Togo, du Ghana et du Zimbabwe.
Le reboisement, une solution de decarbonation parmi d’autres
Le recours au reboisement comme solution face au changement climatique n’est pas une exclusivité africaine. Il est également à la mode dans le reste du monde. Plusieurs multinationales en ont d’ailleurs recours pour compenser leur empreinte carbone. Mais ces dernières années, des études démontrent que la plantation d’arbres, est loin d’être la solution face au réchauffement de la planète.
Dans l’une de ses publications sur la question, le journaliste scientifique français Clément Fournier fait constater qu’aujourd’hui, les activités humaines émettent environ 55 milliards de tonnes de CO2 par an, alors que les capacités floristiques d’absorption de ce CO2 ne sont que d’une douzaine de milliard de tonnes par an. Cela signifie que les humains émettent 40 à 45 milliards de tonnes de CO2 en trop. Pour atteindre la neutralité carbone, il faudrait planter 1500 milliards d’arbres. En termes de surface, cela équivaudrait plus ou moins à un milliard d’hectares de forêts à planter, soit la surface des États-Unis d’Amérique, ou celle de la Chine.
Ce niveau de reboisement n’est cependant pas réalisable. Une partie significative de la surface terrestre est constituée d’écosystèmes où les arbres poussent peu, ou mal. Il s’agit des savanes, des toundras, des fruticées, des prairies permanentes ou encore des zones de montagnes, des littoraux, et zones désertiques. À cela il faut ajouter les espaces consacrés aux activités humaines, telles que l’agriculture, les infrastructures et l’habitat.
La prise en compte de ces paramètres ne devrait pour autant pas laisser croire que les actions de reboisement resteront stériles face à la crise climatique. Le planting des arbres n’est qu’une solution parmi tant d’autres, notamment l’efficacité énergétique, la transition vers les énergies renouvelables, la décarbonatation des industries et des transports via l’usage de l’électricité verte et des bio-carburants. C’est dans cette synergie de solutions que le reboisement peut contribuer efficacement à atténuer le réchauffement de la température à la surface de la planète.
Boris Ngounou
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