Le Parlement européen vient d’adopter une nouvelle législation qui interdira de vendre dans les États membres des marchandises issues de la déforestation. Cependant, des chercheurs et spécialistes africains doutent de l’efficacité d’une telle mesure européenne.
Après plusieurs années de lobbying, le parlement européen a finalement adopté le mercredi 19 avril 2023, une loi qui interdit l’importation dans l’Union européenne (UE) de produits issus de la déforestation. Voté à une très large majorité, le texte a pour objectif de lutter contre le changement climatique et de préserver la biodiversité. L’importation dans l’UE de produits provenant du bétail, du cacao, du café, de l’huile de palme, du soja, du bois, du caoutchouc, du charbon de bois et du papier imprimé sera interdite si ces produits sont issus de terres dont le déboisement a eu lieu après décembre 2020.
« Nous perdons chaque année environ 10 millions d’hectares de forêts dans le monde et cet instrument va mettre un terme à cela, du moins à notre complicité dans cette déforestation, car nos étagères sont actuellement remplies de chocolat, de café, etc., de produits à base de soja qui contribuent massivement à la destruction des forêts », explique l’eurodéputé Christophe Hansen, par ailleurs rapporteur de cette nouvelle législation. À l’origine de 16% de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme, chiffres de 2017), l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).
La Côte d’Ivoire s’y est déjà engagée
Une fois le texte en vigueur, les entreprises auront 18 mois pour mettre en œuvre cette mesure. Les plus petites disposeront d’un délai plus long. Il s’agira notamment de fournir aux autorités compétentes des informations pertinentes telles que les coordonnées de géolocalisation. Ces vérifications seront menées à partir d’outils de surveillance satellitaire. En cas de non-respect des règles, les sociétés pourront se voir infliger des amendes qui pourront atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel réalisé par leurs fournisseurs sur le marché de l’UE.
Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire estime avoir devancé cette loi en mettant justement en place un système de géolocalisation de la production. Dans le pays d’Afrique de l’Ouest, plus d’un million de producteurs de cacao ont été recensés. Des cartes nominatives leur ont été délivrées, ainsi que les coordonnées de géolocalisation de leurs parcelles. « Si vous n’êtes pas recensé, vos produits ne peuvent pas faire l’objet de commercialisation. Si vous produisez d’ordinaire cinq tonnes de cacao, mais qu’on constate que, pour cette campagne-ci, vous êtes allé au-delà, cela veut dire que vous êtes fautif et vous serez poursuivi », explique Kobenan Kouassi Adjoumani, le ministre ivoirien de l’Agriculture.
Le texte demeure critiqué
Pour beaucoup d’observateurs, la loi de l’UE sur la déforestation importée n’est qu’un premier pas vers les objectifs visés. « La démarche européenne est bonne, mais comment l’appliquer ? » s’interroge Bakary Traoré de l’association Initiatives pour le Développement communautaire et la conservation de la Forêt (IDEF). « Comment vérifier ? Avec quels moyens contrôler les fèves sur place et justifier leurs provenances ? », poursuit-il.
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Pour l’organisation de défense de la nature Greenpeace, ce règlement présente des «failles», par exemple en excluant des écosystèmes tels que la savane et en omettant de viser les banques européennes qui financent des projets destructeurs de forêts.
Lors des débats, le rapporteur Christophe Hansen, a reconnu que le texte n’était «pas parfait», expliquant que c’était la raison pour laquelle trois révisions étaient prévues: après 1 an, 2 ans et 5 ans. «La perfection, ce sera pour demain», a-t-il annoncé.
Boris Ngounou