Un air pur pour toutes les villes africaines. Tel est le leitmotiv du logiciel d’intelligence artificielle (IA) AirQo développé par la start-up éponyme en Ouganda. « Nous fournissons aux communautés des données précises, hyper locales et actuelles sur la qualité de l’air pour piloter les actions d’atténuation. Nous leur fournissons notamment des preuves de l’ampleur et de l’échelle de la pollution atmosphérique à travers le continent auxquelles elles peuvent accéder en temps réel via notre tableau de bord d’analyse ou notre application mobile facile à utiliser», indiquent les chercheurs basés à Kampala. Munis de capteurs et de leur témérité, ils suivent l’évolution des particules dans les sols et ne jurent que par la dépollution de l’Afrique .
La start-up AirQo est composée d’une vingtaine de jeunes encadrés par l’universitaire Bainomugisha. Il s’agit de Joël Ssematimba, le responsable du Développement et de la fabrication du matériel, Déo Okure, gestionnaire de programme, Dora Bampangana, administrateur de projet, Martin Babale, le responsable du Génie logiciel, ainsi que Richard Sserunjogi, le responsable de la Science des données qui collabore avec les scientifiques Priscilla Adong, Usman Abdul-Ganiy, Wabinyai Fidel Raja, Noble Mutabazi et Daniel Ogenrwot. Il y a aussi les designers Benjamin Ssempala et Hakim Luyima qui ont développé l’interface informatique conçue par l’ingénieur Paul Zana.
Comment ça marche ?
Concrètement, l’équipe installe des capteurs de surveillance sur les toits des bâtiments (écoles, bureaux, maisons) et même à l’arrière des bodas bodas (nom donné aux mototaxis en l’Afrique de l’Est) pour pouvoir collecter des données sur la qualité de l’air, notamment dans les sols. C’est grâce à une option digitale qui suit la diffusion des polluants depuis leur source émettrice jusqu’à leur propagation par le vent. Ensuite, ces données sont traitées et téléchargées sur le cloud (serveur virtuel en informatique, Ndlr). Les experts procèdent donc à l’analyse des particules fines par catégories et par tailles.
D’abord, les plus petites comme les « PM2.5 » qui sont des particules d’un diamètre de 2,5 microns, l’équivalent de 0,002 5 millimètres. Par la suite, les plus grosses particules baptisées « PM10 » avec un diamètre plus important. C’est à ce niveau qu’AirQo peut évaluer les effets des fumées générées par le tabac, la combustion de bougies ou de lampes à huile, ainsi que les foyers de cuisson et appareils de chauffage à combustible (bois, mazout, charbon). Il y a également des particules fines dites « secondaires » qui se forment dans l’air à partir d’autres polluants, notamment des gaz comme le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d’azotes (NOx), l’ammoniac (NH3). Une étude française confirme que ces réactions chimiques issues parfois des éruptions volcaniques et des incendies de forêt sont nocives pour l’environnement.
Une fois fixés sur les concentrations des particules, la dernière étape pour les analystes d’AirQo consiste à traduire et insérer les renseignements obtenus dans l’application mobile destinée aux populations et aux fonctionnaires de l’État. Ces derniers peuvent donc télécharger et consulter au quotidien sur leurs smartphones ou ordinateurs, les informations sur la qualité de l’air dans les différents quartiers. Objectif, permettre aux citadins de prendre conscience des risques et dans le même temps inciter les autorités à agir pour éviter les pics de pollution qui ont un impact tant sur la santé humaine (irritation des yeux, écoulement nasal, asthme et surtout cancer du poumon) que sur la biodiversité, selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF). L’ensemble de ce dispositif qui « résiste à la poussière et aux chaleurs extrêmes » est alimenté par l’énergie solaire notamment, en cas de coupure d’électricité.
Le financement
L’initiative est rapidement devenue une alternative aux moniteurs énergivores, coûteux (30 000 dollars par pièce importée des États-Unis d’Amérique) et défectueux dont sont dotées les municipalités. En effet, chaque capteur du réseau déployé par AirQo vaut seulement 150 dollars. L’idée à terme serait de répandre l’utilisation de ces équipements pour permettre également aux gouvernements de faire des économies et de maximiser les mesures de résilience.
La start-up est soutenue par plusieurs partenaires, notamment l’Autorité nationale de gestion de l’environnement (Nema), le géant américain des technologies Google dont AirQo est lauréate de l’initiative Google AI Impact Challenge sur l’intelligence artificielle, la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), l’Autorité de la capitale Kampala (KCCA), le Département d’État américain, et bien sûr l’université de Makere au sein de laquelle AirQo a vu le jour en 2015.
Une bouffée d’air frais à l’horizon…
Kampala affiche certes un record de pollution (indice de 57 μg. /m3, soit sept fois supérieure aux normes internationales, Ndlr) mais n’est pas la seule cible des chercheurs ougandais. D’autres villes, notamment d’Afrique centrale et de l’Ouest où les appareils de surveillance ne sont pas à la hauteur suivront. C’est le cas notamment du Caire en Égypte où sont installées les industries de plusieurs multinationales pharmaceutiques et agroalimentaires, de Lagos au Nigeria qui affiche l’un des taux de croissance démographique les plus élevés sur le continent (21 millions d’habitants) et Nairobi. Au premier semestre 2023, la capitale du Kenya a été classée 5e par la plateforme serbe Numbeo dans son Top10 des métropoles africaines polluées.
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Pour inverser la tendance, l’université de Makere à travers l’expertise d’AirQo collabore en ce moment avec le laboratoire d’innovation UrbanBetter de l’université sud-africaine de Pretoria et le Groupe de recherche sur la surveillance de la qualité de l’air (AQMRG) de l’université de Lagos au Nigeria. C’est précisément dans le cadre d’un comité interrégional sur la purification de l’air dans les villes de Kampala, Lagos, Bujumbura au Burundi, Yaoundé au Cameroun et Accra au Ghana.
À noter qu’il existe sur d’autres continents des solutions similaires à AirQo. L’agence spatiale américaine Nasa a par exemple développé son nouvel instrument « Tempo ». Lancé en avril 2023 à bord d’un satellite parti de Floride, il devrait permettre de détecter les particules fines émises dans l’atmosphère au-dessus des océans Atlantique et Pacifique.
Benoit-Ivan Wansi