Au Burkina Faso, l’opposition s’élargit face au projet de construction d’un centre hospitalier universitaire (CHU) dans la forêt classée de Kua, située dans la commune de Bobo-Dioulasso, à l’ouest du pays.
Dans le cadre de la coopération Chine-Burkina Faso, qui a été reprise en mai 2018, la Chine veut entièrement financer la construction du CHU de Bobo-Dioulasso, sous la forme d’un don de 91, 5 millions d’euros, soit 60 milliards de francs CFA. Pour mettre en œuvre le projet, le conseil municipal de la commune de Bobo-Dioulasso a adopté, le 19 avril 2019, une délibération portant sur le déclassement partiel d’une superficie de 160 000 m2 de la forêt classée de Kua. Si le caractère social de ce projet, qui va donner accès aux soins de santé, est unanimement salué dans la région, son emplacement constitue une véritable pomme de discorde.
Populations riveraines, chefs traditionnels, et écologistes sont très remontés contre le choix de l’emplacement du projet de construction du CHU de Bobo-Dioulasso. Ces derniers l’ont encore fait savoir le 26 mai dernier au cours d’une conférence de presse organisée au nom du Mouvement pour la protection de la Forêt classée de Kua.
La déclassification partielle de la forêt de Kua est une violation de la loi
L’Association des juristes environnementalistes du Burkina Faso (AJE/BF) est elle aussi montée au créneau pour défendre la forêt classée de Kua. Selon ces hommes de loi, la délibération adoptée par le conseil municipal de Bobo-Dioulasso est frappée d’irrégularité. Elle est prise en totale violation de la loi N° 003-2011/AN portant sur le code forestier au Burkina Faso. L’article 30 du Code forestier précise que le déclassement d’une forêt de l’État résulte d’un décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé des forêts. Par ailleurs, le même code dispose que toute procédure de déclassement doit respecter les procédures de réalisation et de validation de l’évaluation environnementale stratégique, ainsi que celles de l’étude et de la notice d’impact environnemental et social.
L’AJE/BF a promis d’engager d’ester en justice contre les auteurs et les commanditaires des travaux en cours au sein de la forêt. Elle a aussi félicité le ministre de l’Environnement, de l’Économie verte et du changement climatique pour sa prompte réaction par correspondance en date du 29 avril 2019, dans laquelle il déclarait l’irrégularité de la déclassification partielle adoptée par le conseil municipal.
Le domaine forestier classé de l’État couvre une superficie totale estimée à 3, 9 millions d’hectares, soit environ 14 % de la superficie du territoire national. Il est composé de 77 aires classées, dont 65 forêts toutes classées depuis l’époque coloniale. La forêt de Kua, classée le 27 avril 1936 avec une superficie de 350 hectares, constitue un véritable patrimoine forestier pour le pays. Elle recèle la deuxième réserve d’eau d’Afrique de l’Ouest, et son domaine est resté inviolé, dans un pays où 4 % de la forêt disparait tous les ans. Cette forêt est donc un capital écologique de haute valeur pour le Burkina Faso, pays sahélien au climat désertique.
Boris Ngounou