Au Cameroun, le projet Cameroun Vert SA (Camvert) n’a pas fini de défrayer la chronique. Le projet d’aménagement de la plus grande palmeraie d’Afrique centrale étendu sur 60 000 hectares, soit six fois la superficie de la capitale sénégalaise Dakar, a encore été épinglé dans un nouveau rapport publié le 28 septembre par Greenpeace. Le rapport indique qu’en novembre 2019, le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute a retiré la zone de Camvert du domaine forestier permanent. C’est suite à ce déclassement, que le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, a approuvé le 6 avril 2020, le défrichage d’une zone initiale de 2 500 hectares (ha) sur les 60 000 hectares de forêt que Camvert cherche à convertir en plantation.
Pour Greenpeace, il s’agit là d’un cas emblématique de projets truffés d’illégalités et d’abus des droits autochtones qui exacerbent la crise climatique. L’ONG internationale de défense de l’environnement constate non seulement une violation des droits des populations autochtones, mais aussi le non-respect des deux conditions juridiques préalables au déclassement des forêts domaniales au Cameroun. Dans son article 28-alinéa 2, le régime des forêts au Cameroun précise que le déclassement total ou partiel d’une forêt domaniale ne peut intervenir qu’après classement d’une forêt de même catégorie et d’une superficie équivalente dans la même zone écologique.
Camvert a déjà amorcé le processus de défrichage
Le rapport de Greenpeace intervient deux semaines après le lancement des activités de Camvert. L’entreprise agro-industrielle a commencé la mise en terre des premiers plans de palmiers à huile le 12 septembre 2020. L’opération durera un mois, pour un total d’environ 236 mille plants, répartis sur 2600 hectares. En procédant à cette première étape, les responsables de Camvert croyaient avoir tourné définitivement la page des oppositions à leur projet, au vu des garanties environnementales et sociales qu’ils ont annoncées.
Il s’agit de la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus (8 000 emplois directs et 15 000 emplois indirects) ; la réduction du déficit structurel en produits gras (180 mille tonnes d’huile de palme et 18 mille tonnes d’huile de palmistes par an) ; l’appui à la mise en place de 5000 ha de plantations individuelles, collectives et communales, la construction des centrales d’énergies renouvelables, d’une centrale de traitement d’eaux usées pour produire des engrais biologiques et du méthane. « La mise en œuvre à court terme des mesures d’atténuation et de bonification est estimée pour les aspects que nous avons pu évaluer à 209 750 000 francs CFA (environs 319 761 euros) ces coûts ne tiennent pas compte des activités prévues dans le budget d’investissement du projet », indique l’entreprise.
Des garanties visiblement louables, mais qui demeurent aux yeux de Greenpeace comme étant le mythe de la conversion durable des forêts. Dans son élan de dénonciation, le rapport de l’ONG se rapproche de celui publié en août 2020 par Green Development Advocates (GDA), intitulé « les petites illégalités du processus de déclassement et de concession de 60 000 ha de forêt au profit d’une agro-industrie à Campo et Nyété ». Dans leurs rapports respectifs, Greenpeace et GDA demandent l’arrêt du projet, et que les ministères impliqués dans ledit projet fassent « immédiatement » l’objet d’une enquête.
« Le projet Camvert doit être purement et simplement stoppé et les autorités chargées du contrôle de ce type d’activité sanctionnées. Ces dernières ont permis l’implémentation d’un projet qui non seulement viole les dispositions nationales et internationales pertinentes en la matière, mais entrave aussi l’accès des communautés à leurs besoins en produits forestiers non ligneux (PFNL) alimentaires et médicinaux sur leur terre. Ce faisant, ces autorités menacent le mode de vie des communautés forestières » relève Aristide Chacgom, le coordinateur de GDA.
L’organisation de la société civile Environment Gouvernance Issue (EGI), basée au sud-ouest du Cameroun, a rappelé que de grands mammifères tels que des éléphants, des buffles, de grands singes vivaient sur le territoire de 60 000 hectares de terres que le projet Camvert entend annexer. Un espace qui abrite également une flore riche et qui compte des espèces semi-aquatiques rares.
Boris Ngounou