L’exportation du bois camerounais vers le Vietnam recèle des dérives environnementales et fiscales énormes. Selon un rapport publié par deux organisations non gouvernementales (ONG) locales, ces échanges sont marqués par la coupe illégale d’essences protégées et l’établissement de fausses factures. Le manque à gagner dû à ce flux illicite est estimé à 58 millions de dollars, sur la période allant de janvier 2016 à juillet 2020.
Le dernier rapport d’enquête publié par l’Environmental Investigation Agency (EIA) et le Centre pour l’Environnement et le développement (CED), fait des révélations choquantes au sujet du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam. Avec un peu plus de 22,5 millions d’hectares de forêts représentant 48 % de son territoire, le Cameroun est devenu le premier fournisseur de grumes tropicales du Vietnam, soit 25 % des grumes importées entre 2016 et 2019. Cependant la chaîne d’approvisionnement est truffée de pratiques illégales, qui dégradent les forêts et expliquent la faible contribution du secteur forestier aux recettes budgétaires du Cameroun, soit 2,4 % en 2019, selon la Direction générale des Impôts.
Après trois ans d’enquête sur le trajet du bois entre le pays d’Afrique centrale et le pays d’Asie du Sud-est, l’EIA et le CED déplorent un trafic illicite, marqué par la corruption, les fausses facturations et les coupes illégales du bois. Selon le rapport, au moins 132 000 m3 de grumes ont été exportés du Cameroun vers le Vietnam en violation de la loi forestière entre janvier 2016 et juillet 2020. Pour protéger la biodiversité de sa forêt, le Cameroun a adopté en 1999, une loi qui proscrit strictement l’exportation de certaines essences de bois sous forme de grumes. Les essences concernées sont : doussie, mukulungu, sapelliv, padouk et movingui.
Près de 58 millions de dollars, détournés des caisses de l’État
Le trafic illégal du bois entre le Cameroun et le Vietnam a surtout de graves répercussions économiques. Sur sa période d’étude, le rapport de l’EIA et le CED estime à 58 millions de dollars, soit 32 milliards de FCFA la fuite des recettes publiques due aux fausses factures et à la coupe illégale des essences protégées par la loi. « Des sources ont confié aux enquêteurs de l’EIA que les scieries mises en place par les sociétés vietnamiennes leur permettent de blanchir rapidement le bois illégal en le transformant de façon approximative, en effaçant les marques ou en cachant l’absence de marques requises », indique Samuel Nguiffo, responsable CED Cameroun.
Le gouvernement camerounais n’a pas encore réagi aux accusations portées contre lui dans ce rapport. Selon les enquêteurs les agents de l’État jouent un rôle de couverture et d’entretien du trafic illicite du bois vers le Vietnam. Des accusations qui contrastent avec un récent engagement pris par le Cameroun et les autres pays de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Lors d’une réunion virtuelle tenue le 18 septembre 2020, les ministres en charge des Forêts, de l’Industrie et de l’Environnement d’Afrique centrale ont adopté la décision portant interdiction d’exportation de bois sous forme de grumes, à compter du 1er janvier 2022. Le but étant de préserver le bassin du Congo à travers une exploitation forestière transparente et durable.
Boris Ngounou