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Ces politiques financières sur mesure pour garantir l’accès à l’eau en Afrique

Ces politiques financières sur mesure pour garantir l’accès à l’eau en Afrique ©AFD

Un accès à l’eau sans financement est-il possible ? La question ne se pose plus aujourd’hui, l’ensemble de la communauté mondiale ayant finalement compris la nécessité du financement pour l’exploitation, la production, le traitement et la distribution de l’eau. Cette prise de conscience se matérialise notamment par l’augmentation des budgets des pays alloués au secteur de l’eau, soit de 5,8 % au Togo en 2024, portant le budget à 27,5 millions d’euros cette année contre 26 millions d’euros en 2023. Au niveau des partenaires au développement, on constate également des mouvements dans les portefeuilles annuels en faveur du secteur de l’eau.

En 2021 et 2022, l’Agence française de développement (AFD) a par exemple soutenu les projets d’eau dans le monde à hauteur de 1 milliard d’euros et 1,2 milliard d’euros respectivement. Sur les 1,2 milliard accordés (sous forme de prêts ou de subventions) en 2022, un montant de 610 millions d’euros a été débloqué à destination de l’Afrique, où le taux d’accès à l’eau potable demeure tres bas. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) révèle que 418 millions de personnes sur 1,3 milliard qui n’ont toujours pas accès à l’eau potable en l’occurrence.

Face à cette crise, l’AFD accorde « différents types de prêts (aux États, aux entreprises et collectivités locales). Leurs conditions sont déterminées en fonction de la nature du projet et de son environnement (impact et contexte politique, économique, social, environnemental) et de la qualité de l’emprunteur (secteur d’activité, notation, garanties), ou encore selon que ces prêts soient concessionnels ou non concessionnels », indique l’agence dirigée par Rémy Rioux. L’institution financière utilise également les subventions pour financer les projets en faveur du sixième objectif de développement durable (ODD6) qui vise l’accès à l’eau potable pour tous d’ici à 2030.

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Comme l’AFD, plusieurs partenaires au développement, mais pas que, contribuent au dynamisme du secteur de l’eau en Afrique. C’est le cas de la Banque africaine de développement (BAD) qui a inauguré son premier bureau en Afrique centrale en avril 2024 au Cameroun, à partir duquel elle assurera le suivi de tous les projets qu’elle finance dans le pays des lions indomptables, en Guinée Équatoriale, en République centrafricaine (RCA), au Congo, en République démocratique du Congo (RDC), au Gabon et au Tchad.

Que vise la nouvelle stratégie sectorielle de la BOAD ?

Il y a également la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), le Fonds saoudien pour le développement (SFD), la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), la Banque islamique de développement (BID) et la Banque d’exportation et d’importation de Hongrie (Exim Hungary), Exim Bank of India, Exim Bank of China, le Fonds de l’Opep pour le développement international (Ofid), le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement (AFDF), le Fonds climatique Canada-Banque africaine de développement (CACF), le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), ou encore la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) qui a mis sur pied un nouvelle stratégie sectorielle 2024-2028 dans le domaine et l’assainissement, l’assainissement ne pouvant se faire sans une eau salubre. Cette stratégie repose sur quatre piliers : l’amélioration de l’accès universel, durable et abordable à l’eau potable, de l’accès aux services d’assainissement à l’ensemble des populations en tenant compte des disparités régionales, améliorer la connaissance, du suivi et de l’optimisation des ressources, et le renforcement de la gouvernance du secteur.

L’institution commune de financement du développement des États de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) accorde essentiellement des prêts. Pour obtenir un financement, l’État doit transmettre une requête de financement signée par l’Autorité habilitée en l’occurrence le ministre de l’Économie et des Finances. Cette requête devra être accompagnée d’études techniques détaillées, d’études économiques et financières et d’études d’impact environnemental et social. Concernant les avances de fonds pour études (fonds d’amorçage), la requête est soumise par l’autorité habilitée (ministère en charge des Finances, par exemple), accompagnée de la fiche du projet, des termes de références et du budget estimatif de l’étude.

« Aussi, les ressources d’avances de fonds pour études sont destinées aux États et donc ne sont pas, à date, étendues au secteur privé. Le montant maximal alloué à une opération est de 30 milliards francs CFA (près de 180 millions d’euros), sauf autorisation contraire de la Haute direction de la banque. En ce qui concerne les avances de fonds pour les études opérationnelles, le montant alloué peut aller jusqu’à un milliard francs CFA (un peu moins de 6 millions d’euros) », indique la BOAD.

Un accent mis sur les projets portés par les start-up et les PME

Outre les banques, les agences gouvernementales, les organisations et les associations financent également les projets hydrauliques. C’est le cas de l’Agence allemande pour le développement (KfW), l’Agence allemande de coopération internationale pour le développement (GIZ), l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica), l’Agence coréenne de coopération internationale (Koica). Il y a également des organisations telles que  le King Salman Humanitarian Aid and Relief Centre (KSrelief), l’Organisation des Nations unies (ONU), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), etc.

Bien que l’État soit le garant de la sécurité hydrique d’une nation, il n’est pas le seul à pouvoir œuvrer à l’atteinte de l’ODD6. Les petites et moyennes entreprises (PME) et les start-up constituant également de puissants outils de développement. Mais, « l’accès au financement demeure un problème majeur pour la start-up, surtout africaine. Souvent créées en réponse à des besoins locaux peu ou pas desservies, elles sont pourtant génératrices d’emplois, créatrices de valeur et porteuses de nombreux impacts », indique l’AFD, qui a créée la filiale Proparco dédiée au secteur privé.

Depuis 45 ans, cette filiale de l’AFD promeut un développement durable en matière économique, sociale et environnementale, à travers des investissements de pré-amorçage et amorçage des start-up au travers de digital Africa, des investissements en direct de la pré-série A à la série D pour des montants compris entre 0,5  et 5 M€, le financement « bridge » entre deux levées de fonds au travers du Bridge Fund by Digital Africa ou encore des investissements indirects via des fonds d’investissement d’amorçage et de capital-risque, dans lesquels, Proparco peut investir entre 5 et 15 M€.

Des financements importants, mais qui restent insuffisants en 2024

« Alors que les mécanismes de financement classiques profitent aux entreprises plus stables, c’est le financement innovant qui peut s’adapter aux conditions et aux besoins des start-up agiles », a expliqué Hamed Beheshti, le cofondateur de la jeune pousse Boreal Light, dans une interview accordée à Afrik 21 en juillet 2023. Le fournisseur allemand de solutions de traitement de l’eau fait partie des nombreuses start-up qui soutiennent les politiques gouvernementales, avec ses solutions conteneurisées de dessalement alimentée à l’énergie solaire.

Lors de la 78e Assemblée générale des Nations unies (ONU) en septembre 2023, la communauté internationale s’est engagé à mobiliser 30 milliards de dollars par an d’ici à 2030 pour l’eau, contre 10 et 19 milliards de dollars par an actuellement. Les fonds seront réunis dans le cadre de la campagne « Mind the Gap – Invest in Water » lancée par la Commission de l’Union africaine (CUA). L’atteinte de cet objectif de financement  accélèrera le développement durable selon Amina J. Mohammed, la vice-secrétaire générale de l’ONU et la présidente du groupe de l’ONU pour le développement durable.

Alors que le 10e Forum mondial de l’eau se poursuit à Bali en Indonésie, les acteurs du secteur de l’eau espèrent également des engagements financiers forts, notamment de la part des partenaires au développement afin que plus personne ne soit laissé pour compte, qu’il y’ait égalité et non-discrimination dans la fourniture des services d’eau.

Inès Magoum

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