Climat : la longue course vers la décarbonation des industries en Afrique

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Climate: the long race to decarbonise industries in Africa © kamilpetran/Shutterstock

Le dérèglement climatique qui s’accélère partout dans le monde impose la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement de la planète. Au niveau mondial, l’industrie occupe la troisième place dans les secteurs les plus émetteurs de dioxyde de carbone (CO2). À l’occasion de la Semaine africaine du climat (ACW) qui s’ouvre ce 4 septembre 2023, Afrik 21 revient sur les enjeux et les efforts en faveur de la décarbonation des industries en Afrique.

L’Afrique ne contribue qu’à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). C’est pourtant le continent le plus affecté par le dérèglement climatique qui menace les moyens de subsistance et entrave le développement de son économie. Cette situation ne doit toutefois pas occulter la nécessité pour le continent de s’orienter vers une croissance économie durable. Et cela passe par plusieurs secteurs clés, notamment l’industrie.

Au niveau mondial, ce secteur contribue à 21 % des émissions de GES, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Même si la part de l’Afrique dans la manufacture mondiale n’est que de 1,9 %, l’industrialisation de l’Afrique s’accélère. Ces dernières années, la contribution du secteur industriel au produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble du continent africain a bondi de 130 %, selon la Banque africaine de développement (BAD).

La décarbonation des industries extractives

Cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines années, avec la décision de plusieurs pays et grands ensembles sous régionaux de transformer leurs ressources naturelles sur place. C’est notamment le cas de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) qui a finalement fait machine arrière après la décision de ses États membres visant l’interdiction de l’exportation du bois en grume. Une politique qui devrait favoriser la transformation locale du bois. Le Gabon s’est déjà mis à la transformation du bois avec l’installation d’usine dans la zone économique spéciale (ZES) de Nkok à 27 km de Libreville.

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En Afrique de l’Ouest, la Guinée veut également transformer sa bauxite sur place, dont les réserves sont estimées à 40 milliards de tonnes. C’est une industrie lourde qui nécessitera une importante quantité d’énergies. Riche en ressources naturelles et en terres rares, la République démocratique du Congo (RDC) veut aussi transformer ses ressources localement, afin de profiter du marché des voitures électriques qui devrait encore se développer au cours des prochaines années. C’est d’ailleurs dans l’industrie extractive que s’observe un certain dynamisme dans la transition énergétique. Dans plusieurs pays du continent, des exploitants dotent leurs mines et usines de traitement de minéraux de centrales à énergies renouvelables.

La transition énergétique à marche forcée en Afrique du Sud

Il est vrai que certaines sources d’énergie, notamment le solaire, permettent surtout la réduction des factures d’électricité. Mais cette démarche permet également de réduire les émissions de GES liées aux activités minières. C’est dans cette optique que Tharisa a signé un accord il y a quelques mois avec l’entreprise française Total Eren et la britannique Chariot pour doter sa mine de platine de Karo au Zimbabwe d’une centrale solaire photovoltaïque de 30 MWc.

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Comme elle, plusieurs entreprises minières se sont lancées dans le solaire ces dernières années. C’est le cas des canadiennes Robex Resources et Syrah Resources au Mali et au Mozambique, l’anglo-australienne Rio Tinto à Madagascar, ou encore la britannique Anglo American en Afrique du Sud. Dans ce pays d’Afrique australe, et par ailleurs premier pays le plus industrialisé du continent, les entreprises sont contraintes d’accélérer leur transition écologique à cause des délestages électriques liés en partie à la vétusté des centrales à charbon. Afin d’accompagner l’autonomisation des entreprises vis-à-vis du réseau de l’entreprise publique Eskom, le gouvernement sud-africain autorise désormais les entreprises à produire jusqu’à 100 MW d’énergie propre sans l’aval préalable du Régulateur national de l’énergie d’Afrique du Sud (Nersa).

L’hydrogène vert ou l’espoir de la décarbonation

En Afrique du Sud, certaines entreprises explorent la piste de l’hydrogène vert. C’est le cas du géant de la chimie Sasol qui veut développer le marché sud-africain de l’hydrogène vert aux côtés de la Société de développement industriel d’Afrique du Sud (IDC). Selon certains experts, dans le secteur industriel, l’hydrogène vert pourrait remplacer le gaz et les d’autres énergies fossiles dans les industries lourdes.

« Le continent africain tout comme l’Amérique latine a un potentiel extrêmement important en termes de production hydrogène. Il a des ressources renouvelables, notamment l’éolien, le solaire, la biomasse et l’hydraulique. Ces ressources sont largement supérieures à ses besoins. Évidemment, cette production d’électricité et d’hydrogène servira d’abord pour satisfaire les besoins internes de ces pays qui ont besoin de se développer », explique Paul Lucchese, le directeur adjoint de Capénergies. Pour cet expert, cette énergie sera un allié de poids pour la décarbonation de l’industrie métallurgique très gourmande en énergie.

Le premier camion minier fonctionnant à l’hydrogène en Afrique du Sud

Mais il faudra être un peu patient car, « c’est probablement l’hydrogène après-demain, c’est-à-dire entre 2030 et 2040. En fait, l’hydrogène c’est un couteau suisse. Donc, il faut étudier la totalité des nouvelles technologies et c’est un chantier passionnant et porteur d’espoir », explique Marc Guillaume, professeur à l’École polytechnique et à l’université Paris-Dauphine. Toutefois, les premières applications de l’hydrogène sont déjà visibles dans l’industrie minière en Afrique.

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Il s’agit du premier camion minier fonctionnant à l’hydrogène. C’est un véhicule hybride équipé d’un parc de batteries de 1,2 MWh, ainsi que des piles combustibles qui fournissent jusqu’à 800 kW de puissance, se combinant pour fournir un total de 2 MW de puissance. Ce modèle est l’aboutissement du projet nuGen développé par la compagnie minière Anglo American afin de mettre en place un système d’hydrogène vert entièrement intégré, composé d’équipements de production, de ravitaillement et de transport. Le camion est opérationnel dans la mine de Mogalakwena dans la province du Limpopo en Afrique du Sud. De quoi susciter de l’espoir dans un secteur dominé par le diesel.

Jean Marie Takouleu

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