Les forêts tropicales couvrent 65% du territoire de la République du Congo. Elles participent à notre bien-être social, environnemental et économique.
Nos forêts fournissent aux communautés locales de la nourriture, des médicaments et des revenus. Elles contribuent pour environ 6% à notre PIB, le secteur forestier étant le deuxième plus gros pourvoyeur d’emploi après le pétrole et le gaz. Elles constituent également un instrument essentiel dans la lutte contre les changements climatiques : le Bassin du Congo, dont elles font partie, est le deuxième plus grand « poumon écologique » de la planète, c’est un vaste réservoir de dioxyde de carbone et de biodiversité.
La santé de nos forêts et le bien-être de notre nation sont donc inextricablement liés. Leur destruction, qu’elle soit du fait de l’exploitation illégale des forêts ou encore des feux de brousse toujours plus importants à cause du réchauffement global, aura des répercussions bien au-delà de nos frontières.
En 2008, nous avons commencé à négocier un accord de partenariat volontaire (APV) sur le commerce du bois avec l’Union européenne (UE). Ratifié en 2013, il s’inscrit dans le cadre du plan d’action de l’UE relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (FLEGT), qui encourage les pays producteurs de bois à améliorer la gouvernance forestière et à renforcer leurs lois contre l’exploitation illégale des forêts, dans la perspective d’un accès privilégié aux marchés de l’UE.
Le processus amorcé a été long et ardu. Mais ses avantages ont été considérables. L’accord a permis à notre gouvernement de traduire en actions concrètes sa volonté de lutter contre le commerce illégal du bois. La République du Congo s’est de ce fait dotée d’outils visant à mieux protéger ses forêts et à améliorer la collecte des revenus du secteur forestier.
Nous avons ainsi créé un système de traçabilité du bois qui nous permet de suivre et de découvrir le bois illégal ; une base de données informatisée qui vérifie la légalité et la transparence des chaînes d’approvisionnement en bois ; des obligations sociales qui obligent les entreprises ayant des concessions forestières à verser des fonds aux communautés locales (ce qui permet de construire des routes, des écoles et d’autres services publics pour les populations rurales pauvres et éloignées) ; ou encore l’octroi à la société civile d’un rôle dans les décisions relatives à l’exploitation forestière. Beaucoup de ces dispositions ainsi que des principes de l’APV ont été entérinés dans le nouveau code forestier du pays, adopté en juillet 2020.
En dépit de toutes ces avancées, la dynamique que nous avons patiemment construite communément avec l’UE pendant une décennie est désormais en danger.
Au début de l’année, la Commission européenne a en effet procédé à une évaluation du règlement FLEGT. Bien que peu de personnes en dehors de l’UE aient été consultées, nous avons appris que la Commission envisage de supprimer les « licences » FLEGT, qui sont l’aboutissement des processus APV et la garantie que le bois est récolté, transformé et exporté légalement. Tout pays possédant cette licence peut ainsi plus facilement exporter son bois ainsi que ses produits dérivés du bois vers le marché européen.
Cette potentielle décision unilatérale nous déconcerte et suscite l’inquiétude de notre gouvernement. L’APV qui nous lie à l’UE est un accord bipartite : toute décision qui se prend dans ce cadre doit faire l’objet d’une consultation et d’un consentement mutuel.
Sans un conditionnement à une ouverture du marché européen pour le bois congolais et africain, l’APV deviendrait inutile. L’abandon des licences FLEGT, qui sont les piliers de l’approche légale pour laquelle nous avons tant œuvrée, consisterait une perte tant pour l’Union européenne que pour le Congo. Cela aurait de nombreuses conséquences sur notre capacité à renforcer la gouvernance forestière et à faire un suivi des progrès. Pour l’UE, cela marquerait un recul de son rôle de leader mondial dans la lutte contre le commerce illégal du bois.
L’UE et le Congo ont tous deux investi énormément de temps et d’argent dans les APV, et notre collaboration a produit des résultats tangibles qui ont inspiré des réformes au-delà du secteur forestier. C’est un partenariat que nous apprécions et sur lequel nous devons nous appuyer si nous voulons protéger la forêt tropicale du bassin du Congo, qui est si importante pour l’équilibre de notre planète.
En finir avec les licences FLEGT et renier nos engagements ne nous aidera pas à atteindre cet objectif commun.
Par Rosalie Matondo
Ministre de l’Économie forestière de la
République du Congo