Le ballet des chefs d’États africains à la tribune de la Conférence des partis des Nations unies sur le changement climatique (COP26) a clairement permis de définir la position du continent vis-à-vis de ce phénomène mondial. « Nous attendons que les règles et les procédures détaillées de mises en œuvre de l’Accord de Paris soient finalisées et qu’une voie claire soit tracée pour la résilience au changement climatique. Nous attendons également que les besoins et les priorités des pays en développement soient pris en compte », a affirmé Uhuru Muigai Kenyatta, le président de la République du Kenya le 2 novembre 2021. En 2020, à peine 79 milliards de dollars ont été mobilisés par les plus gros pollueurs à destination des pays vulnérables, au lieu des 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025, comme convenu lors de la COP15 à Paris en France. Ce constat a été dressé dans un rapport publié en août 2020 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
« Aujourd’hui il est à peu près certain que les pays d’Afrique, du pacifique, d’Amérique latine et du sud, et des Caraïbes qui ont le plus besoin de financements ne sont pas ceux qui le reçoivent », regrette Emmanuel Macron, le président français. Mais pour les dirigeants africains, les discours ne suffisent plus, surtout que le changement climatique est causé par les nations industrialisées qui « polluent sans réserve, contrairement à l’Afrique qui n’émet que 1,2 Gt de CO2, soit à peine 4 % du total mondial », a rappelé Wavel Ramkalawan, le président de la République des Seychelles à la COP26.
Lire aussi – AFRIQUE : quand le dérèglement climatique défie tous les pronostics
En République démocratique du Congo (RDC) par exemple, 30 % de la deuxième plus grande forêt tropicale au monde est en péril en raison de l’exploitation forestière. L’agriculture à petite échelle est en grande partie responsable de cette situation et dans une moindre mesure la coupe de bois pour le chauffage. Le président de la République de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui s’est exprimé à la COP26 prévoit « d’accroître la contribution déterminée nationale (CDN) du pays en l’apportant à 21 % de réduction de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030, planter 1 milliard d’arbres à l’horizon 2030 et élargir le mix énergétique de la RDC en combinant l’hydroélectricité, le solaire, la biomasse, etc. ».
Le gouvernement RD-congolais a commencé à implémenter cette politique, mais reste buté sur le financement qui lui permettrait d’atteindre les objectifs escomptés. Pourtant, ce pays d’Afrique centrale aide à la stabilisation du climat mondial grâce à ses forêts. La RDC participe également à la décarbonisation dans le secteur du transport grâce à ses minerais stratégiques et pourrait, selon Tosi Mpanu Mpanu, expert en développement durable et finance climatique, et ambassadeur de la RDC à la COP26, favoriser la décarbonisation sur l’ensemble du continent africain au vu de son potentiel renouvelable (100 000 MW d’hydroélectrique et 90 000 MW de solaire et d’éolien). Comme la RDC, plusieurs pays africains ont profité de ce grand rendez-vous sur le climat pour dévoiler leurs plans pour les prochaines années.
L’horizon 2030 a été choisi par le Togo pour réduire ses émissions de GES de 30,06 % . Pour atteindre cet objetif, le pays aura besoin de 2,6 milliards de dollars. Ce financement que le gouvernement togolais espère trouver auprès des partenaires au développement présents à la COP26 sera réparti entre les projets énergétiques, de gestion de déchets et de mobilité durable. « Plus de 300 mini-grids, disposant d’une capacité totale de 9 MW seront installés au Togo, ainsi que des kits solaires (85 MW) pour électrifier 555 000 ménages d’ici à 2030 », a annoncé Faure Gnassingbé, le président de la République du Togo. En Afrique du Nord, le Maroc, également de réduire ses émissions de GES de 45,5 % d’ici à 2030.
À côté de ces projets d’atténuation par pays, des objectifs plus globaux ont été annoncés par les négociateurs africains présents à la COP26, notamment la préservation des forêts qui sont des puits de carbone naturel, la sauvegarde des océans et la lutte contre la désertification. Le projet Grande muraille verte a particulièrement été défendu par le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Ghazouani. « Les négociateurs africains feront ensuite monter une stratégie commune au niveau de la Commission ministérielle africaine sur l’environnement et ensuite au niveau du Comité des chefs d’États et de gouvernements sur le climat (CAHOSCC) », explique le négociateur RD congolais Tosi Mpanu Mpanu.
Un financement en adéquation avec les besoins de l’Afrique
Si les pays africains négocient pour la mobilisation effective des 100 milliards de dollars annuels promis par les pays riches, les États espèrent qu’après 2025, le coût du financement climatique destiné aux pays en développement soit revu à la hausse sur la base d’une réévaluation des besoins.
Le Groupe africain de négociateurs la COP26 estime qu’il faudra entre 750 et 1 300 milliards de dollars par an pour financer l’action climatique dans les pays en développement. « On va essayer de pousser pour que ce financement soit mobilisé et nous voulons qu’il soit alloué sous diverses formes, dont des prêts hautement concessionnels parce que nous savons que le secteur privé malheureusement, s’il s’invite dans la danse, viendra avec des conditions qui ne sont pas très favorables pour les pays africains qui, pour la plupart doivent financer des projets d’adaptation qui n’ont aucune logique en termes de retour sur investissement », explique Tosi Mpanu Mpanu, négociateur pour la RDC à la COP26.
En attendant des engagements globaux, quelques pays ont déjà reçu des promesses de financement. L’Afrique du Sud, le plus gros pollueur du continent africain recevra 8,5 milliards de dollars pour financer sa transition énergétique. La promesse est faite par les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. L’objectif est de permettre à ce pays d’Afrique australe d’accélérer la fermeture de ses centrales à charbon, et d’ouvrir de nouvelles centrales électriques, mais à énergies renouvelables.
En Afrique centrale, une dizaine de pays (dont les États unis et le Royaume-Uni) et le Fonds Bezos ont annoncé une contribution collective d’au moins 1,5 milliard de dollars de financement entre 2021 et 2025 pour soutenir les efforts menés par les pays du bassin du Congo dans la mise en œuvre des activités REDD+ (Réduction des Émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière). Il s’agit de protéger et de maintenir les forêts de cette région, les tourbières et les autres réserves de carbone essentielles pour la planète. Le président de la RDC Félix Tshisekedi et le Premier ministre britannique Boris Johnson ont également signé un programme de financement sur 10 ans (2021-31) pour protéger la forêt de la RDC, à travers le changement des techniques d’agriculture traditionnelle qui détruisent la forêt, et le renforcement des mesures de résilience des populations rurales.
Lire également –
Outre l’adaptation et l’accès au financement, les négociateurs africains à la COP26 ont demandé une reconnaissance des circonstances particulières des besoins du continent. « Un point auquel se sont farouchement opposés les pays d’Amérique latine », a indiqué Tosi Mpanu Mpanu dans une interview accordée à nos confrères de TV5 Monde. L’ambassadeur climat de la RDC à la COP26 a ajouté qu’un processus a été mis en place pour voir comment tenir compte, malgré tout, de cette position prioritaire des pays africains.
Inès Magoum