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EAU POTABLE : ces grands programmes africains qui changent la donne localement

EAU POTABLE : ces grands programmes africains qui changent la donne localement© serato/Shutterstock

La crise de sanitaire due à la Covid-19 a rappelé l’importance du lavage des mains en Afrique. Encore fallait-il disposer d’une eau propre pour répéter ce geste barrière… Paradoxalement, la lutte contre le coronavirus a ainsi permis d’accélérer l’accès à l’eau potable dans plusieurs régions d’Afrique, surtout au sud du Sahara. Malgré ces récentes avancées, l’Organisation des Nations unies (ONU) estime qu’un Africain sur quatre ne dispose toujours pas d’une source sûre d’eau potable. Par ailleurs, l’organisation internationale fait remarquer dans son rapport sur la mise en valeur des ressources en eau (2019) que les inégalités d’accès en Afrique se traduisent en définitive par une inégalité entre les sexes. Ce sont très majoritairement les femmes et les filles qui supportent l’essentiel de la charge liée à la collecte de l’eau, à laquelle elles consacrent plus de 30 minutes par jour (en moyenne) au détriment de leur éducation.

Si le tableau ainsi brossé peut prêter au pessimisme, il convient de noter quelques initiatives majeures lancées dans certains pays du continent pour améliorer ou sécuriser l’accès à l’eau potable. En Côte d’Ivoire, par exemple, le gouvernement met en œuvre depuis 2019 le programme « Eau pour tous », qui doit aboutir, selon les autorités, à l’autosuffisance des populations en eau potable.

Un investissement de plus de 2 milliards d’euros

Dans le cadre du programme « Eau pour tous », le gouvernement ivoirien investira en tout 1 320 milliards de francs (plus de 2 milliards d’euros), soit l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) du Cap-Vert (1,99 milliard de dollars en 2020). Avec ces fonds, le gouvernement ivoirien, par le biais de nombreuses entreprises privées, construit de nouvelles usines d’eau potable pour approvisionner les grandes villes du pays.

Pour la capitale économique Abidjan, une station en construction exploitera la lagune Aghien, plus grande réserve d’eau douce de Côte d’Ivoire, pour fournir jusqu’à 150 000 m3 d’eau potable par jour. À Bouaké, une ville peuplée de plus 1,5 million d’habitants, le gouvernement a commandé une usine d’eau potable de 240 000 m3 à partir de la rivière Mé. Une partie de la production sera distribuée dans les autres communes du grand Abidjan.

Des adductions d’eau potable en zone rurale

Avec un investissement de 4,5 milliards de francs CFA (près de 7 millions d’euros), le gouvernement ivoirien a renforcé l’approvisionnement en eau potable à Tiassalé, à 123 km au nord d’Abidjan, grâce à une nouvelle usine d’eau potable, affichant une capacité de 12 000 m3 par jour. Les zones rurales du pays ne sont pas non plus négligées, car plusieurs projets d’adduction d’eau potable (AEP) sont en cours de réalisation ou ont déjà été inaugurés. C’est le cas d’un vaste projet qui permettra la construction de 6 000 forages à motricité solaire dans les 31 régions que compte ce pays d’Afrique de l’Ouest.

Pour permettre l’accès à l’eau potable à toutes les couches de la population, le gouvernement ivoirien a sérieusement diminué le coût d’un branchement domestique. Depuis le 1er janvier 2019, l’abonnement au réseau d’eau potable ou à un système d’AEP coûte 10 000 francs CFA (moins de 16 euros). Il y a de cela 2 ans, le même service coûtait 160 000 francs CFA (244 euros). Avec le programme « Eau pour tous », le gouvernement ivoirien espère atteindre l’accès universel à l’eau potable. À ce jour, 83 % de la population ivoirienne a accès à l’eau potable dans les zones urbaines contre 73 % en milieu rural.

L’approvisionnement en eau en Ouganda grâce au lac Victoria

Ces dernières années, l’Ouganda a également engagé de gros projets pour renforcer l’approvisionnement en eau potable et l’accès de sa population aux services d’assainissement. Le plus emblématique est le projet d’eau et d’assainissement dans la région de Kampala et du lac Victoria mis en œuvre par la National Water and Sewerage Corporation (NWSC). Selon la Banque européenne d’investissement (BEI), le projet en cours permettra à terme d’accroître la couverture et la fiabilité des services d’approvisionnement en eau et de renforcer l’accès pour les habitants de l’agglomération de Kampala, notamment les populations des zones de peuplement informel dans les districts de Wasiko et Mukono, ainsi que dans les villes de Nansana et Kira.

Globalement, le projet porte sur la modernisation et la réhabilitation de la station d’épuration de Gaba, l’extension du réseau d’adduction d’eau aux zones densément de peuplée et sur la construction d’une nouvelle unité d’assainissement à l’est de Kampala. L’une des composantes majeures du projet d’eau et d’assainissement dans la région de Kampala et du lac Victoria reste la construction de l’usine d’eau potable de Katosi.

L’installation, dont les travaux de construction sont déjà achevés à 95 %, affichera une capacité de 160 000 m3 par jour, extensible à 240 000 m3 par jour. Le projet est mis en œuvre par un consortium formé du géant français de l’eau Suez, et de Sogea-Satom, la filiale du groupe Vinci, basé à Paris en France. Le coût de l’usine de Katosi qui traitera l’eau du lac Victoria est de 212 millions d’euros, financés par le Trésor public ougandais, la BEI, l’Agence française de développement (AFD), la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), l’agence allemande de développement ; ainsi que par le Fonds fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures (FFUEAI). Ces institutions financières se mobilisent également pour l’approvisionnement en eau en Égypte.

Le dessalement pour renforcer l’approvisionnement en eau potable en Égypte

L’Égypte est d’ailleurs aussi engagée dans une politique de renforcement de l’approvisionnement en eau. À la différence d’autres initiatives majeures mises en œuvre en Afrique, le gouvernement égyptien propose un plan visant à doter le pays de 19 usines de dessalement de l’eau de mer d’ici à 2022. Le Caire mise sur les partenariats public-privé (PPP) pour accélérer le déploiement de ces installations dans les gouvernorats côtiers.

Le plan vise à sécuriser l’approvisionnement, en vue de satisfaire à la demande en eau potable, eu égard à la croissance démographique de l’Égypte. Cette stratégie est également mise en place dans un contexte marqué par un stress hydrique persistant, et la volonté des autorités de préserver les ressources en eau douce du pays. Dans les cinq années à venir, ce programme permettra de livrer 47 usines de dessalement pour un investissement de 45,18 milliards de livres (2,8 milliards de dollars). Le gouvernement égyptien envisage même de construire 67 usines de dessalement d’ici à 2050 ; un ambitieux plan qui nécessitera quand même un investissement global de 435 milliards de livres égyptiennes (27,4 milliards de dollars).

La Namibie mise gros sur le dessalement de l’eau de mer

La solution du dessalement est également envisagée par la Namibie. Le gouvernement de ce pays d’Afrique australe travaille depuis plusieurs années, avec le Botswana sur un grand projet devant aboutir à la construction d’une usine de dessalement à Walvis Bay pour approvisionner les villes de Windhoek (Namibie) et de Gaborone (Botswana). Ce projet sera coûteux pour les deux pays, puisqu’il faudra une grande usine de dessalement pour approvisionner les deux villes, ainsi que la pose d’au moins 1 490 km de canalisation, avec les risques de fuites que l’on connaît.

Même si aucune avancée notable n’est observée sur le plan technique, les autorités des deux pays multiplient les signaux tendant à accélérer la mise en œuvre de ce projet. La Namibie est connue pour son climat désertique, avec des ressources d’eau de surface qui se concentrent dans le bassin de l’Okavango, au nord-est du pays. Son voisin botswanais est couvert à 68 % par le désert du Kalahari. C’est dire l’importance du projet de dessalement de Walvis Bay qui soulagerait les populations des deux pays.

Jean Marie Takouleu

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