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En Afrique, la biodiversité face au déficit mondial du financement de sa conservation

En Afrique, la biodiversité face au déficit mondial du financement de sa conservation©Freebird7977/Shutterstock

L’Afrique, berceau de certains des écosystèmes les plus riches et diversifiés de la planète, est confrontée à des défis sans précédent en matière de protection de la biodiversité. Le premier de ces défis est celui de la disponibilité des financements. « Au niveau mondial, nous avons catalysé 400 millions de dollars et débloqué 1 milliard de dollars de financement public à des fins de conservation. Nous collaborons avec les communautés locales, la société civile, les parcs nationaux, les entités privées et les organisations gouvernementales pour garantir le financement nécessaire à la réalisation des objectifs de biodiversité sur le terrain », explique Bruno Mweemba, conseiller technique de l’Initiative pour le financement de la biodiversité du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD-BIOFIN). Chaque année, le PNUD-BIOFIN organise des dialogues régionaux à travers le monde, afin d’échanger les meilleures pratiques et d’affiner les stratégies, les mécanismes et la méthodologie.

Au Malawi, par exemple, le programme BIOFIN a identifié un besoin de 93 millions de dollars pour atteindre les objectifs nationaux en matière de biodiversité pour la période 2020-2025. Grâce à des plans de financement élaborés, le pays a identifié des solutions prioritaires pour combler cet écart financier.

D’après Michael Bizwick Usi, le ministre malawien du Tourisme, de la Culture et de la Faune, la conservation a un coût énorme. Il faut de l’argent pour recruter de la ressource humaine qui protège la biodiversité, élimine les espèces exotiques envahissantes, réduit le braconnage, prévient la déforestation et maintient les services écosystémiques. Il a ajouté que « l’augmentation des dépenses budgétaires consacrées à la conservation de la biodiversité n’est pas seulement un impératif moral, mais aussi un investissement dans notre avenir collectif. Nous devons agir rapidement et de manière décisive pour donner la priorité à la conservation de la biodiversité dans le budget national et démontrer l’engagement de notre pays à préserver la richesse de la biodiversité pour un développement économique durable ».

Lors du 10e dialogue régional africain sur le financement de la biodiversité, les participants ont exploré diverses stratégies de financement, telles que la participation du secteur financier, les incitations positives, les investissements à impact et la réaffectation des subventions nuisibles. Ils ont également discuté des paiements pour les services écosystémiques et des solutions de financement numérique.

Il existe des acteurs, malgré tout

Malgré ces défis, plusieurs acteurs et mécanismes de financement jouent un rôle crucial dans la protection de la biodiversité en Afrique. C’est le cas du PNUD-BIOFIN. Depuis son lancement en 2012, cette initiative a aidé 41 pays à élaborer des plans de financement de la biodiversité et à mobiliser des ressources pour la conservation. En 2024, 91 pays supplémentaires se joignent à cette initiative, soutenue par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).

Pour ce qui est de l’Afrique, deux récentes initiatives en Ouganda et au Maroc mettant en lumière les opportunités qui s’offrent dans ce domaine crucial. D’une part, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé le 10 avril 2024 à Kampala en Ouganda, un projet de 15 millions d’euros. Financé par l’Union européenne (UE), ce projet quinquennal vise à promouvoir des chaînes de valeur durables basées sur le bois, en garantissant un approvisionnement durable en bois provenant de forêts plantées, en renforçant les capacités de transformation et en améliorant l’accès à un financement abordable.

D’autre part, l’Agence française de développement (AFD) et l’Agence nationale des eaux et forêts (Anef) ont signé une lettre d’intention pour soutenir la stratégie « forêt du Maroc 2020-2023 » et les efforts de reconstruction du parc national de Toubkal situé à 70 km au sud de Marrakech. Cette collaboration prévoit un prêt de 100 millions d’euros de la part de l’AFD pour reconstruire et développer le parc.

L’apport considérable des gouvernements

Les gouvernements nationaux détiennent une part importante dans les fluxes de financements destinés à la préservation de la nature. Selon le dernier rapport sur la Situation des financements pour la nature, publié novembre 2023 lors de la 28e Conférence des Nations unies sur le climat (COP28) par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et ses partenaires, les gouvernements ont fourni 82 % (soit 165 milliards de dollars) du financement, de 200 milliards de dollars mobilisés pour la biodiversité en 2022.

Et pour améliorer cette contribution du secteur public dans le financement de la biodiversité, la Banque africaine de développement (BAD) et le PNUE ont saisi l’occasion de la COP28 pour mettre sur pieds un groupe d’experts sur le financement de la biodiversité. Il fournira aux pays africains des connaissances et une assistance technique pour mobiliser davantage de financements en faveur de la biodiversité. Ce groupe d’experts offrira également aux décideurs et aux partenaires au développement une plateforme pour établir des liens, partager des connaissances, des approches, des opportunités et des solutions afin de mobiliser le financement de la biodiversité pour des voies de développement positives pour la nature en Afrique.

La part du secteur privé demeure insignifiante

Le secteur privé est à la traine dans le financement de la biodiversité en Afrique, loin derrière le secteur public. Pour le compte de l’année 2022, cette contribution était de 18 %, soit 35 milliards de dollars.

Bien que le changement climatique et la perte de la biodiversité soient étroitement liés, la plupart des entreprises se concentrent actuellement sur les enjeux climatiques, la majorité des chefs d’entreprises estiment que la biodiversité est moins prioritaire. Selon le dernier rapport du Capgemini Research Institute, actuellement, 16 % des entreprises ont déjà évalué l’impact de leur chaîne d’approvisionnement sur la biodiversité, et 20 % seulement celui de leurs activités.

La contribution des fondations

Dans ce désert de financements privés, les fondations s’illustrent en premier rôle. En juin 2021, la Fondation Wyss, une organisation fondée par le philanthrope américain Hansjörg Wyss, a alloué un financement record de 108 millions de dollars à African Parks, une organisation sud-africaine de protection de la nature qui assure la gestion déléguée de 15 parcs nationaux en Afrique. La subvention répartie sur cinq ans vise à soutenir près de la moitié des budgets annuels de neuf parcs gérés par African Parks en Angola, au Bénin, au Malawi, au Mozambique, au Rwanda et au Zimbabwe.

Pas plus de trois mois plus tard, African Parks annoncera une promesse d’un nouveau financement de 100 millions de dollars en faveur de la conservation de la faune sauvage en Afrique. Les fonds seront une fois de plus alloués par une fondation. Il s’agit de la Fondation Rob et Melani Walton, administré par le milliardaire américain Rob Walton, fondateur du géant de la grande distribution Walmart, et sa femme Melani Lowman-Walton.

Le Bezos Earth Fund fait également partie des fondations qui s’illustrent dans le financement de la biodiversité en Afrique. En décembre 2021, la fondation du milliardaire américain Jeff Bezos, patron d’Amazon, le géant mondial du commerce en ligne, a accordé 40 millions de dollars à la Wildlife Conservation Society (WCS), une organisation non gouvernementale (ONG) américaine dont l’objectif est la préservation de la nature dans le monde et particulièrement en Afrique. Le financement du Bezos Earth Fund cible les actions de conservation menées en partenariat avec les gouvernements, les communautés locales et les autres organisations de conservation de la nature, dans la région du bassin du Congo.

Le Bezos Earth Fund fait partie des 9 bailleurs de fonds privés ayant pris un engagement de 5 milliards de dollars pour protéger et conserver 30 % de la planète d’ici à 2030. Également connu sous le nom de « 30×30 », cet objectif a été débattu le 30 septembre 2020, dans le cadre de la 75e période de sessions ordinaires de l’Assemblée générale des Nations unies. Il ambitionne de convertir 30 % de la planète en zones protégées à l’horizon 2030.

 Boris Ngounou

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