La zone pétrolière d’Étimboué à l’ouest du Gabon est l’objet d’un désastre écologique. Dans une alerte lancée sur internet il y a quelques semaines, les habitants de cette localité présentent la marée noire et les écoulements d’hydrocarbures, qui ont pollué eaux et terres, rendant l’agriculture et la pêche, quasi impraticable.
« Étimboué ou la dictature du pétrole », c’est le titre d’une vidéo de 46 minutes publiée le 7 novembre 2020 sur Facebook par les habitants d’Étimboué. Dans cette presqu’ile d’environ 5700 âmes, située à l’ouest du Gabon, une pollution pétrolière à grande échelle inquiète. « Depuis des années, il y a des fuites de pétrole un peu partout. Elles se répandent dans toute la zone au moment de la saison des pluies, quand les zones polluées sont inondées et que l’eau transporte les matières toxiques un peu partout. Mes cultures perdent progressivement en rendement : j’ai ainsi besoin de plus d’eau pour les faire pousser, environ 50 % de plus par rapport à il y a deux ans » déclare Lydie Rebela, une agricultrice de 55 ans qui réside dans la région depuis 30 ans.
Dans cette vidéo, les plaintes des pêcheurs sont également formulées. L’eau a été polluée par des fuites de pétrole brut. « En 2012, il y a eu une grande pollution dans la lagune Nkomi, et on avait retrouvé beaucoup de poissons morts, flottant à la surface de l’eau. Depuis, c’est comme si les poissons avaient fui la zone. Auparavant, on pouvait pêcher facilement huit kilos en une journée, aujourd’hui, on peine à ramener deux ou trois kilos. » déplore le pêcheur Yves Onanga, fondateur de Brainforest and président de Gabon Environnement.
Perenco n’a pas toujours répondu aux accusations portées contre lui
Les dégâts que dénonce l’alerte à la pollution pétrolière lancée par les habitants d’Étimboué, sont attribués à la compagnie pétrolière Perenco qui extrai près de 95 000 barils de pétrole par jour dans cette zone. Et ce à travers des installations vétustes, comme l’indique Lydie Rebela : « Ces fuites sont surtout le fait des vieux pipelines installés il y a une quarantaine d’années, qui se percent régulièrement. Certains pipelines sont situés au fond de l’eau, d’autres enterrés, d’autres encore posés à même le sol. Il y a aussi des puits très vieux, en mauvais état, qui fuient et créent des épandages ».
Rejointes dans leur combat par plusieurs organisations de protection de l’environnement à l’instar du Réseau libre des organisations pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG) et Brainforest, les populations demandent réparation. « Nous irons jusqu’au niveau international pour les contraindre à respecter les droits des populations et surtout les droits de l’environnement », a garanti l’environnementaliste Marc Ona Essangui.
Des revendications et des accusations qui se heurtent à un bloc de silence. Jusqu’ici, ni Perenco ni les autorités gouvernementales n’ont répondu aux préoccupations des populations et encore moins aux questions des médias.
La zone pétrolière d’Étimboué est exploitée par le Franco-Britannique Perenco depuis 2018, année à laquelle elle a racheté les parts du français Total. La société s’est spécialisée depuis plus de quarante ans dans l’exploitation à moindre coût des puits en fin de vie…
Et la fin de ses activités en ces lieux n’est pas pour demain. En février 2020 le gouvernement gabonais a attribué à Perenco trois licences d’exploitation pétrolières couvrant une superficie totale de 5 161 km2 à Étimboué, pour une durée de 8 ans. Détenu à 100 % par la famille Perrodo, la société Perenco est présidée par François Perrodo, l’un des plus jeunes milliardaires français.
Boris Ngounou