Développement durable, énergies renouvelables, économie bleue, ville intelligente… Plus que jamais, l’Union des Comores veut exploiter son potentiel naturel pour développer son économie. C’est d’ailleurs le but du Plan Comores émergent (PCE) à l’horizon 2030 qui figure parmi les priorités de Raheem Attoumane, le représentant résident du Bureau de représentation de l’Agence africaine de coopération économique internationale (ACEI). Pour ce responsable, il faut intégrer l’économie bleue dans le PCE.
Jean Marie Takouleu : Quel est le rôle de l’Agence africaine de coopération économique (ACEI) auprès du gouvernement de l’Union des Comores ?
Raheem Attoumane : L’ACEI est une organisation internationale non gouvernementale (OING) qui intervient dans la mobilisation de partenaires techniques et financiers en appui aux plans stratégiques des pays hôtes, dans le cadre d’accord de siège conclu auprès de leurs gouvernements.
En Union des Comores, nous avons conclu avec le gouvernement un accord de siège le 26 août 2021, dans le cadre de ses activités sur le territoire en conformité avec le Décret présidentiel N° 20-101/PR du 30 juillet 2020 portant sur les modalités d’agrément et d’intervention des organisations non gouvernementales (ONG) en Union des Comores.
Conformément aux engagements pris dans le cadre des procédures et en conformité avec les politiques mises en œuvre par le gouvernement de l’Union des Comores, nous contribuons aux efforts de promotion et de réalisation des six projets phares du Plan Comores Emergent (PCE) à l’horizon 2030.
Justement, parmi les ambitions phares du gouvernement comorien figure la mise en œuvre du PCE. Il vise l’émergence à l’horizon 2030. Nous sommes à sept ans de cette échéance. Où en est l’Union des Comores ?
Le Plan Comores émergent est une initiative de développement économique et social à long terme. Et sa mise en œuvre nécessite une coordination efficace et une implication effective. Le gouvernement a fixé des objectifs et a commencé des chantiers dans plusieurs secteurs, notamment la santé, avec la construction d’un hôpital universitaire de référence, dans l’aménagement des routes, dans la lutte contre le chômage avec un appui direct aux financements pour l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, dans le renforcement des institutions pour la lutte contre la corruption et l’amélioration du climat des affaires. Il convient de noter que la réalisation du Plan Comores émergent nécessite l’implication de tout le monde pour assurer son succès et atteindre les objectifs de développement fixés. Il nous reste encore sept ans de plus pour faire des Comores un pays émergent. C’est possible et c’est atteignable. C’est pourquoi nous appelons tous les acteurs de notre société et les partenaires au développement à redoubler d’efforts pour continuer à réaliser les projets phares du Plan Comores émergent.
Selon la Banque mondiale, l’Union des Comores affiche une capacité électrique installée de 19,4 MW. Cette électricité est davantage produite par à partir de combustibles fossiles. Où en est les Comores en matière de diversification de son mix électrique, sachant que ses voisins de l’océan indien, notamment les Seychelles misent sur l’énergie solaire par exemple ?
Comme de nombreux pays insulaires, les Comores dépendent principalement des sources d’énergie importée telles que les combustibles fossiles pour répondre à ses besoins énergétiques. Cependant, le gouvernement entreprend diverses initiatives pour diversifier les sources d’énergie afin de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et de promouvoir le développement durable. Le Centrale solaire de Foumbouni dans la région de Mbadjini à Ngazidja a augmenté la capacité de production d’électricité de 13,5 %. Cette même initiative est en étude pour être reproduite dans la région de Mitsamiouli et dans les autres îles. Le pays explore la possibilité de développer la géothermie. Ce projet en cours va permettre de soulager les contraintes énergétiques et mettre notre pays dans une trajectoire de développement durable.
Parmi les projets structurants du PCE figure la construction d’un quartier administratif et commercial moderne dans la capitale Moroni. Que devient ce projet de ville intelligente ? Quid de son financement ?
Ce projet structurant vise à renforcer l’efficacité et l’efficience de partage d’informations par l’accroissement de la communication et la collaboration entre services du gouvernement pour une plus grande efficacité de l’administration publique et de meilleurs services. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons farouchement défendu la participation des Comores pour la première fois dans le salon du Comité de illes africaines, pour permettre aux ministères porteurs des projets phares du Plan Comores émergent, de s’entretenir avec leurs homologues qui ont des projets similaires.
Et c’est notre engagement de faciliter le réseautage et mobiliser des partenaires techniques pour les six projets phares du Plan Comores émergent. Nous croyons que la participation des Comores à cet évènement sera bénéfique à ce projet de ville intelligente en gestation. Le salon du Comité des villes africaines est une opportunité pour s’imprégner des expériences africaines. Pour mobiliser des partenaires techniques et financières et pour présenter ce projet phare afin d’attirer des bailleurs potentiels.
Les Comores viennent d’accueillir une Conférence ministérielle sur le thème : « L’économie bleue et l’action climatique en Afrique : les petits États insulaires en développement (PIED) », à laquelle vous avez pris part récemment à Moroni. Quel peut être la contribution de l’économie bleue aux objectifs de développement durable des Comores ?
Notre pays est situé dans une zone stratégique aux fortes potentialités et aux enjeux multiples. Notre caractère insulaire fait de la pêche et des activités portuaires des secteurs à fort potentiel pour le développement durable des Comores. La déclaration de Moroni du 14 juin 2023 pour une action en faveur de l’océan et du climat en Afrique a souligné la nécessité de mettre en place des processus de développement de l’économie bleue inclusifs et durables qui favorisent le développement de petites et moyennes entreprises (PME), l’innovation et l’esprit d’entreprise.
L’économie bleue peut contribuer à l’autosuffisance alimentaire et de manière significative à la promotion de la croissance économique en créant des emplois et des opportunités économiques dans les secteurs de la pêche, de l’aquaculture, du tourisme côtier et de la navigation. Elle peut hisser notre pays au rang des destinations touristiques. Cela peut contribuer à réduire la pauvreté et à améliorer les conditions de vie des populations des États insulaires africains. Comme il a été stipulé dans la déclaration de Moroni, nous avons le potentiel de générer au moins 2 millions d’emplois bleus qui bénéficiera à un minimum de 70 millions de personnes dans les communautés insulaires et côtières d’ici à 2030 dans l’océan indien occidental.
D’autres États de l’océan indien misent sur l’écotourisme, avec des plages de sable fin et des eaux turquoise. C’est le cas des Seychelles ou encore Zanzibar en Tanzanie. On a l’impression que la destination Comores n’est pas assez vendue à l’internationale. Pourquoi cela ?
On peut trouver tous les segments des produits touristiques aux Comores, notamment l’écotourisme, le tourisme culturel, l’agrotourisme, entre autres. Effectivement, nous accusons du retard par rapport à nos voisins parce que notre tourisme est dans un état embryonnaire tant au niveau des infrastructures, des formations, de la visibilité que des fréquentations touristiques. Les prix coûteux des vols constituent aussi un obstacle pour notre diaspora et pour les touristes.
La Conférence des partenaires au développement des Comores nous a permis de faire une rétrospection et de comprendre notre potentialité touristique afin de faire de notre pays une destination touristique de premier choix, en particulier pour les touristes en quête de nature.
Le Plan Comores émergent a décrit le tourisme comme l’un de ses projets phares pour l’émergence des Comores d’ici à 2030. Des initiatives sont en cours, notamment la construction des infrastructures routières, des hôtels, des aéroports, l’aménagement et la gestion du parc national Karthala.
L’opérationnalisation de l’Office national du tourisme et la mise à disposition du Fonds spécial pour la promotion et le développement du tourisme permettent de multiplier les efforts pour rendre notre tourisme très attractif. De janvier à avril 2023, nous avons accueilli deux bateaux de croisières dans nos ports. Nous restons confiants que notre pays sera prochainement le nouveau pôle touristique de l’Océan indien.
Vous allez prendre part au Comité des villes africaines du 19 au 25 septembre 2023 à Paris en France. L’évènement abordera les problématiques actuelles des villes, notamment l’accès à l’eau, la gestion des déchets, l’énergie et la mobilité, les villes intelligentes et les infrastructures numériques, la formation, l’assistance technique et le financement. Quel est le but de la présence des Comores à ce salon ?
C’est la première fois que les Comores vont participer à cet évènement. Notre objectif pour cette édition est de favoriser une coopération économique des acteurs étatiques et du secteur privé comorien avec les autres acteurs africains et internationaux. Ce sera l’occasion de présenter les six projets phares du Plan Comores émergents afin d’attirer des investisseurs.
L’objectif est de permettre aux représentants des Comores d’établir et de signer des conventions de partenariats avec d’autres acteurs. Nous allons aussi faciliter le jumelage d’une ville des Comores avec une ville de l’outre-mer pour faciliter le partage des bonnes pratiques entre elles, ainsi que le développement des projets bilatéraux.
Des propos recueillis par Jean Marie Takouleu