Le « Projet d’appui au développement des zones vertes », financé par la Banque africaine de développement, a permis de sauver plus de 50 % du couvert végétal. Trois mille riverains ont multiplié leurs revenus par dix en protégeant la forêt.
L’état actuel des forêts kényanes a presque totalement effacé des mémoires le triste décor que servait le couvert végétal, il y a près de deux décennies encore. Entre 1980 et 2000, le Kenya avait perdu près de 50 % de son couvert forestier. Environ 300 000 hectares de forêt avaient été anéantis en raison d’une exploitation forestière intensive, de la production de charbon et de la conversion à grande échelle de zones boisées en plantations de thé. Des années de surexploitation des ressources forestières pratiquée sans aucun respect des écosystèmes avaient laissé à nu les collines. Le déboisement avait même provoqué l’étranglement d’une rivière locale dans la vallée du Rift, à l’ouest du pays.
Sur ces territoires défrichés, menacés par la sècheresse et la famine, les personnes vivant à proximité de la forêt, en majorité des agriculteurs et des bucherons, abattaient malgré tous les arbres, qu’ils destinaient au bois de chauffe pour la cuisine et au charbon de bois pour la commercialisation.
La situation était devenue critique. Non seulement des milliers d’espèces animales, végétales et les populations autochtones ont souffert de la sècheresse et de la famine, mais de nombreuses inquiétudes pesaient aussi quant à l’avenir économique du pays, dans la mesure où des secteurs vitaux, notamment l’agriculture, le tourisme et l’énergie, dépendent de l’environnement naturel.
Inverser la tendance en moins de 10 ans
Ne pouvant plus rester impuissantes face à la montée galopante et désastreuse de la déforestation, les autorités kényanes lancent en 2007, le « Projet d’appui au développement des zones vertes ». Financé à hauteur de 38,8 millions de dollars par la Banque africaine de développement (BAD), le programme poursuit deux objectifs : promouvoir la régénération et la conservation de la forêt pour protéger l’environnement et améliorer les moyens de subsistance en milieu rural et les revenus des communautés riveraines des espaces forestiers.
Le succès est dû à la création d’un Service forestier du Kenya, dont la tâche consiste à travailler en étroite collaboration avec les agriculteurs pour reconstruire le manteau végétal du pays, couvrant une superficie de 7 000 km2. Des formations dans les domaines de l’apiculture et de la pisciculture ont également été dispensées aux paysans. Des aptitudes leur permettant de développer une activité tout autre, mettant ainsi un terme à leur dépendance économique envers la forêt.
En moins de dix ans, les résultats sont spectaculaires : travaillant main dans la main, agriculteurs et forestiers reboisent 14 300 hectares de forêts dégradées. Pour mieux sanctuariser le « poumon vert » du pays, des zones tampons sont créées, avec la plantation de 1 500 hectares de thé et de 5 700 hectares de bois dédié au chauffage, qui s’accompagne de l’amélioration de 342 km de routes rurales. Les retombées du projet sont également positives sur le plan économique puisque 3 000 emplois durables sont créés dans les communautés situées aux abords des forêts. Au total, ce sont 17 100 ménages, dont 40 % dirigés par des femmes, qui ont vu leurs revenus s’accroitre.
Boris Ngounou