Alors que le monde célébrait ce 22 avril 2024, la Journée de la terre, les populations du Burkina Faso, du Niger et du Mali vivaient au rythme d’une chaleur extrême avec le mercure qui affichait jusqu’à 42 °C dans la ville de Niamey. Pourtant, le Sahel a frôlé le pire à la fin du mois de Ramadan. Pour les scientifiques, cette situation qui devrait s’intensifier au cours des prochaines années est liée au changement climatique.
Avec 42 °C enregistré par endroit en août 2023, Météo France a estimé qu’il s’agissait du 4e été le plus chaud jamais enregistré en France. Une explication logique lorsqu’on vit dans une zone de climat tempéré. Pourtant, c’est une température quasiment normale en ce moment au Sahel, principalement au Burkina Faso, au Mali et au Niger, même si les experts estiment qu’il s’agit ni plus ni moins d’une canicule. Mais, les populations de cette partie de l’Afrique de l’Ouest ont connu pire ces dernières semaines.
En effet, entre fin mars et début avril 2024, le Sahel a connu des chaleurs extrêmes avec des températures maximales de plus de 45 °C et des températures minimales de 32 °C au Burkina Faso selon l’Agence nationale de la météorologie (Anam). Au Mali, la ville de Kayes a même enregistré un record de température de 48,5 °C le 3 avril 2024. Cette montée inédite du mercure a eu de sérieuses répercussions sur le plan sanitaire, principalement au Mali.
Des cas de décès au Mali
Selon le réseau scientifique international World Weather Attribution (WWA), qui se base sur des sources médiatiques, « une augmentation des admissions à l’hôpital et des décès a été signalée au Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré de Bamako au Mali, entre le 1er et le 4 avril. L’hôpital a enregistré 102 décès sur la période de quatre jours, ce qui est nettement plus que prévu — en avril 2023, l’hôpital avait enregistré 130 décès sur l’ensemble du mois ».
Par ailleurs, « bien que les statistiques relatives à la cause des décès n’aient pas été communiquées, environ la moitié des personnes concernées avaient plus de 60 ans, et l’hôpital indique que la chaleur a probablement joué un rôle dans un grand nombre de ces décès. En outre, 44 corps ont été enterrés dans un cimetière de Bamako le vendredi 5 avril après l’office hebdomadaire », peut-on lire dans son analyse publiée le 18 avril 2024.
Une manifestation du changement climatique
Pour les scientifiques, cette vague de chaleur inédite qui touche également le Sénégal, la Guinée, le Nigeria et le Tchad, est imputable au changement climatique. « Pour estimer l’influence que le changement climatique d’origine humaine a eue sur les chaleurs extrêmes depuis que le climat était plus froid de 1,2 °C, nous combinons les modèles climatiques et les observations. Les observations et les modèles montrent tous deux que des vagues de chaleur de l’ampleur de celles observées en mars et avril 2024 dans la région n’auraient pas pu se produire sans le réchauffement climatique de 1,2 °C à ce jour », analyse le WWA.
De tels événements climatiques extrêmes « se poursuivront avec le réchauffement futur. Sur le Mali et le Burkina Faso, une vague de chaleur comme celle qui a été observée serait encore plus chaude de 1 °C dans un monde plus chaud de 0,8 °C (2 °C de réchauffement global depuis l’ère préindustrielle). Un événement de même ampleur que celui observé en 2024 ne serait alors plus très rare, mais se produirait 10 fois plus souvent que dans le climat actuel », prédisent les scientifiques du WWA.
Quelles solutions dans l’immédiat ?
Dans les villes du Sahel et même au-delà, les chaleurs extrêmes sont accentuées par l’urbanisation rapide et la perte d’espaces verts. L’absence de végétation favorise la formation d’îlots de chaleur urbains dans des villes telles que Ouagadougou au Burkina Faso et Bamako au Mali. Outre la plantation d’arbres, il faudra, dans le cadre d’une planification urbaine durable, concevoir des bâtiments qui tiennent compte des températures élevées.
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Dans le même temps, il faudra renforcer les systèmes électriques qui se sont montrés défaillants lors de la grande canule en début avril, principalement au Mali où les délestages se sont accentués, en partie à cause de la crise de la dette au sein de l’entreprise publique Électricité du Mali (EDM). Dans l’urgence, le Mali s’est tourné la semaine dernière vers son voisin nigérien qui a promis de fournir 150 millions de litres de gasoil au prix compétitif de 328 francs CFA le litre (0,5 euro) sur douze mois. Ce carburant d’origine fossile alimentera les centrales thermiques maliennes afin de répondre à la demande en électricité de la capitale Bamako et d’autres grandes villes du pays.
Jean Marie Takouleu