Le chantier du plus grand parc solaire de la Tunisie vient d’être lancé dans le gouvernorat de Kairouan. Développer dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) par l’entreprise émirienne Amea Power, ce projet devrait permettre à la Tunisie de rattraper son retard en matière de déploiement des énergies renouvelables.
En 2021, les énergies renouvelables ne représentaient que 3 % du mix électrique de la Tunisie. Cette part pourrait augmenter d’ici à 2025 avec la mise en service prévue de la centrale solaire de Kairouan. Son chantier a été lancé récemment par le producteur indépendant d’électricité (IPP) émirien Amea Power lors d’une cérémonie à laquelle a pris part Fatma Thabet Chiboub, la ministre tunisienne de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie.
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« Il s’agit d’une étape importante pour Amea Power, puisque nous posons la première pierre du premier projet solaire à financement privé du pays, ouvrant ainsi la voie à une Tunisie plus verte », a déclaré Hussain Al Nowais, le président d’Amea Power qui développe le projet solaire de Kairouan dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP), en vertu duquel l’électricité produite sera vendue à la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg).
Le soutien des banques de développement
La centrale solaire construite à Metbassta affichera une capacité de 120 MWc, soit la plus grande centrale solaire de la Tunisie. Après le développement, la mobilisation financière et la construction, la centrale sera exploitée par le véhicule spécial Kairouan Solar Plant entièrement détenu par Amea Power. L’entreprise basée à Dubaï aux Émirats arabes unis construit cette infrastructure électrique grâce à une dette de 86 millions de dollars financée par la Banque africaine de développement (BAD) et la Société financière internationale (SFI), la filiale du groupe de la Banque mondiale en charge du financement du secteur privé.
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Outre la fourniture d’une électricité propre à la Steg pendant 20 ans, la centrale permettra de compenser les émissions de 117 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2). Sa production annuelle est estimée à 222 GWh, de quoi alimenter 43 000 foyers tunisiens en électricité. Il faudra toutefois attendre le quatrième trimestre 2025 avant la production des premiers MW.
Les raisons du retard tunisien
La construction de cette centrale permettra à la Tunisie d’amorcer sa transition énergétique. Le pays est considéré à juste titre (avec la Libye comme) comme le mauvais élevé en matière de développement des énergies renouvelables, malgré la volonté politique affichée ces dernières années. Par exemple, le projet de Kairouan a été confié à Amea Power en 2020. Il entre dans sa phase de construction après 4 ans de développement.
Un temps long quand on sait que la Tunisie dépend à 97 % (chiffre officiel pour l’année 2021) du gaz naturel pour la production de son électricité. Pour Mohamed Chorfi, spécialiste en droit des affaires, le retard observé depuis le lancement du Plan solaire tunisien (PST) en 2015 est dû au « cadre réglementaire régissant le développement des énergies renouvelables qui manque de clarté et de transparence pour les acteurs nationaux et internationaux. De plus, le blocage du raccordement des centrales de production d’énergie renouvelable par la Steg a fait perdre à la Tunisie des millions de dollars d’investissements non réalisés, pour l’essentiel en devises pour l’État, et a largement entamé la confiance des investisseurs et des développeurs ».
Et « pour toutes ces difficultés, les projets lancés dans le cadre de contrats conclus par la Steg sont jugés à risques par les banques et sont difficilement finançables », explique l’avocat. La Tunisie était pourtant bien partie pour devenir une puissance énergétique de la sous-région Afrique du Nord, avec un potentiel solaire exploitable estimé par l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) entre 340 et 844 GW. Pour l’heure, Tunis veut produire 35 % de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici à 2030.
Jean Marie Takouleu