La diversité biologique regroupe les différentes espèces et formes de vie (animales, végétales, entomologique et autre), leur évolution ainsi que les interactions qu’elles peuvent entretenir au sein de l’écosystème où elles se développent. L’Afrique abrite l’une des biodiversités les plus diversifiées au monde, avec des animaux et des végétaux qui évoluent dans des forêts, des savanes, des montages, des mangroves et d’autres zones humides.
Dans un rapport publié en 2018 sur l’impact induit par le changement climatique sur la biodiversité, l’écologiste Dejene W. Sintayehu indique que l’Afrique abrite près d’un cinquième de toutes les espèces connues de mammifères, d’oiseaux et de plantes. Pour Al-Hamndou Dorsouma, le chef de la division climat et croissance verte du groupe de la Banque africaine de développement (BAD), la biodiversité a toujours joué un rôle essentiel dans le développement humain et le bien-être en Afrique grâce aux services écosystémiques qu’elle nous rend. « En fournissant de la nourriture, des services de santé, d’approvisionnement en eau et de qualité, ainsi que de nombreux autres services, elle constitue le moteur du développement socio-économique », explique ce spécialiste de l’environnement.
La diversité floristique en l’Afrique
L’Afrique abrite l’une des diversités floristiques les plus vastes au monde. À ce jour, plus de 62 000 espèces ont été recensées sur l’ensemble du continent. Selon les experts scientifiques, 200 nouvelles espèces végétales y sont découvertes en moyennes par an. La diversité floristique du continent africain peut être répartie en plusieurs sous-régions. L’Afrique tropicale recèle par exemple autour de 30 000 espèces recensées à ce jour, tandis que la diversité biologique est plus largement épuisée en Afrique du Nord, même si plus de 7 000 espèces y subsistent.
La corne de l’Afrique est présentée comme la sous-région la plus pauvre en biodiversité en raison de son climat essentiellement aride et semi-aride. Néanmoins, de plus en plus d’espèces y sont découvertes, notamment en Éthiopie et en Somalie.
Les îles de l’océan indien, à l’instar de Madagascar, sont des grands foyers de diversité floristique endémique. Les scientifiques estiment à 10 000 le nombre d’espèces de plante sur la grande d’île, dont 80 % sont endémiques. En revanche, sur d’autres îles comme Zanzibar, dans l’océan indien, ou encore São Tomé et Principe, dans l’océan atlantique, la diversité floristique est très dégradé avec une dominance d’espèces introduites du continent.
Une diversité faunique à préserver
Sur le continent, dans les mers et les îles entourant l’Afrique, la faune s’est abondamment développée. La nature a été particulièrement généreuse dans l’écozone afrotropicale, certainement grâce à son climat. La diversité faunique de l’Afrique est formée d’invertébrés, dont les scientifiques ont déjà découvert des centaines d’espèces à ce jour. Ces animaux dépourvus de colonnes vertébrales doivent coexister avec plus de 100 000 espèces d’insectes, qui eux-mêmes partagent le même écosystème avec pas moins 2 600 espèces d’oiseaux qui sont souvent rejoints par d’autres congénères, migrateurs qui partent des régions tempérées pour passer l’hiver en Afrique.
La faune africaine est également riche de nombreuses espèces de mammifères dont les lions, les éléphants, les rhinocéros, des gazelles, les singes… De nombreuses espèces de reptiles contribuent également au maintien de l’équilibre fragile des écosystèmes en Afrique.
L’accélération de la destruction de la biodiversité
Si la sauvegarde de l’environnement semble déterminante pour la sauvegarde de la vie humaine sur la planète, il convient de signaler que la diversité biologique est sérieusement bousculée par l’homme qui asservit souvent la nature pour son développement économique. Or, la situation a désormais atteint un stade alarmant. Selon une étude publiée 15 avril 2021 dans la revue Frontiers in Forests and Global Change, 97 % des habitats terrestres ont perdu leur intégrité écologique. Si quelques territoires résistent encore aux assauts de l’activité humaine notamment dans le bassin du Congo, l’actualité laisse perplexes beaucoup de scientifiques et de défenseurs de l’environnement.
En Afrique centrale, très exactement au sud du Cameroun, la production de l’huile de palme est sur le point de produire la destruction de 60 000 hectares de forêts dans la localité de Campo. Ces forêts disparaîtront avec l’ensemble des espèces vivantes autour. Selon le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), la surexploitation et la dégradation de la biodiversité entraîneront la perte de 50 % d’espèces d’oiseaux et de mammifères d’Afrique. Dans Protected Planet Report publié en 2016, le PNUE estime que la perte de la biodiversité devrait entraîner la chute de 20 à 30 % de la productivité des lacs d’ici la fin du siècle, ainsi que le déclin de la faune sauvage et de la pêche en Afrique.
La déforestation, accélératrice de la destruction de la biodiversité
Les organisations de défense de l’environnement tirent la sonnette d’alarme sur la déforestation qui s’accélère en Afrique. Cette situation est causée par le développement des cultures de rente (café, cacao, arachide, riz, huile de palme, etc.) qui aiguisent autant l’appétit des petits exploitants que des grands groupes agro-industriels. La Côte d’Ivoire est devenue le premier pays producteur de cacao, grâce aux petits exploitants qui produisent en moyenne 1,4 million de tonnes de fèves chaque année. Tandis que le couvert forestier du pays est passé de 16 millions à 2,5 millions d’hectares entre 1900 et 2020, selon le chercheur Traoré Kassoum de l’université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo.
L’huile de palme, dont les rendements sont exceptionnels par rapport aux autres oléagineux, figure parmi les produits les plus dévastateurs pour la biodiversité. La déforestation est également causée par l’exploitation industrielle des grumes, principalement en Afrique centrale, et par le développement urbain. D’ailleurs dans son rapport 2019, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) fait savoir que l’Afrique est l’un des continents qui s’urbanisent le plus rapidement et de manière non planifiée. La population actuelle de l’Afrique, estimée à 1,25 milliard, devrait doubler d’ici 2050, mettant à rude épreuve la biodiversité du continent et les contributions de la nature aux populations.
Les conflits armés
L’un des grands obstacles à la préservation de la biodiversité en Afrique est la recrudescence des conflits armés et l’insécurité en général. Le cas le plus palpable est illustré par la situation du parc national des Virunga, un grand foyer de biodiversité. Située à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), cette réserve est devenue la base arrière des miliciens Maï-Maï. En janvier 2021, six éco-gardes ont été abattues par ces rebelles qui sèment la terreur à l’est de la RDC. Outre le massacre des rangers, ces rebelles participent au braconnage d’espèces sauvages dans les Virunga.
Comme la RDC, beaucoup de pays africains, à un moment donné de leur existence, ont dû faire face à des conflits armés qui ont décimé leur faune sauvage. Au Rwanda voisin, le parc national de l’Akagera a retrouvé sa tranquillité après une guerre civile qui a conduit au génocide des Tutsi en 1994. À l’époque, les populations qui fuyaient les massacres se sont réfugiées dans le parc national de l’Akagera. Les animaux ont dû quitter leur espace naturel, et se sont dispersés dans la région des Grands Lacs.
L’Angola a connu une situation similaire pendant la guerre civile qu’a connue le pays entre 1991 et 2002. Selon les autorités angolaises, avant ce conflit, l’Angola détenait une population d’éléphants de 100 000 individus. Aujourd’hui, le pays n’en compte que 10 000 pachydermes. Si le calme est depuis revenu dans les réserves angolaises, les éléphants rechignent toujours à retourner dans leurs espaces naturels d’origine. Car, leur couloir migratoire continue d’être parsemé de mines posées lors de la guerre civile.
L’épineuse question du conflit homme-faune
Parmi les problèmes les plus difficiles à résoudre dans la préservation de la biodiversité figure le conflit homme-faune qui fait de nombreuses victimes en Afrique. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un conflit humains-faune survient lorsque les besoins vitaux de la faune interfèrent avec ceux des populations humaines, en générant des conséquences négatives à la fois pour les communautés locales et les animaux sauvages. De ce fait, les conflits homme-faune existent depuis la nuit des temps, alors que les humains et la faune sauvage partagent les mêmes territoires et les mêmes ressources.
Au Gabon par exemple, certaines populations font face aux éléphants de forêt qui font des incursions sur leurs plantations. Récemment, les populations de Mékambo dans la province de Ogooué-Ivindo ont manifesté leur mécontentement face aux désastres causés par ces animaux. Le cri de colère des populations du département de la Zadié était adressé à Lee White. Le ministre gabonais des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan Climat et du Plan d’Affectation des Terres a opté pour la construction de clôtures électriques afin d’éloigner les éléphants. Mais les populations observent des lenteurs dans le déploiement de cette solution.
En Afrique de l’Est, les populations Maasaï, composées presque exclusivement d’éleveurs doivent s’accommoder des lions qui sortent des parcs nationaux pendant la saison humide, suivant la migration des herbivores. Selon les scientifiques, dans cette partie de l’Afrique, un homme meurt chaque semaine, victime de l’attaque d’un félin. Et chaque jour, lorsque les hommes se défendent ou se vengent, un lion est tué. Dans le parc national du Tarangiré en Tanzanie, la présence humaine est strictement limitée. Mais au-delà de la frontière de la réserve, marquée par un simple trait sur la carte, de vastes étendues de brousses abritent une population traditionnellement hostile à la présence des fauves. Cette situation met en mal la protection de cette « espèce parapluie » vitale pour le maintien de l’équilibre des écosystèmes. Pour faire face à cette situation, les Maasaï construisent des Boma, sortes d’enclos en cercle faits de branches d’épines empilées qui offrent une protection dérisoire contre les attaques des lions dans la nuit noire.
Les affres du changement climatique
L’Afrique fait partie des régions du monde les plus touchées par le changement climatique. Ce phénomène se manifeste par la montée des eaux à certains endroits, et la recrudescence des épisodes de sécheresse en Afrique australe, au sahel et dans la corne de l’Afrique. Dans ces régions, l’assèchement des points d’eau et des végétations pousse les herbivores à se déplacer. Car les félins sont obligés de suivre leurs proies. Cette problématique sera au cœur des échanges lors de la 15e conférence des parties à la convention (COP 15) sur la diversité biologique qui se tient du 11 au 24 octobre 2021 à Kunming dans la province du Yunnan au sud-ouest de la Chine.
Jean Marie Takouleu