L’assainissement urbain, défi majeur de la ville durable en Afrique

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L’assainissement urbain, défi majeur de la ville durable en Afrique©zstock/Shutterstock

Parler de l’eau sans l’assainissement en Afrique serait occulter la moitié de l’enjeu. Aussi, dans notre dossier relatif à la journée mondiale de l’eau 2021, nous soulignons l’importance de l’eau pour un assainissement durable sur le continent. L’accès des populations à une source d’eau sûre dans les latrines permettrait par exemple de réduire la défécation en plein air. Des boues fécales qui se retrouvent généralement dans les cours d’eau jonchés d’autres déchets. Les questions de gestion des eaux usées et des déchets solides seront également abordées.

À l’occasion de la journée mondiale de l’eau, Afrik 21 soulève cette problématique. « Pourquoi un assainissement durable des villes africaines est-il important » ? Trois réponses : la préservation de la santé des populations, la préservation de l’environnement et de la ressource, et la prévention des catastrophes naturelles telles que les inondations.

L’Afrique est encore très en retard sur tous ces tableaux. Dans l’ensemble des pays situés au sud du Sahara, par exemple, à peine 28 % de la population a accès à des installations sanitaires de base et 32 % pratiquent encore la défécation à l’air libre. Ces boues fécales vont se retrouver dans les cours d’eau, où ces mêmes populations vont s’approvisionner, entraînant la propagation des pathologies telles que les maladies tropicales négligées (diarrhée, choléra, typhoïde, etc.). « Au Nigeria par exemple, la diarrhée provoque chaque année le décès de plus de 70 000 enfants de moins de cinq ans », indique le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef). Avec 36 % de la population qui se laisse aller sans retenue, le Mozambique fait également partie des pays d’Afrique subsaharienne où la défécation en plein air reste très élevée.

Le Sénégal figure parmi les rares pays du sud du Sahara, qui ont pris conscience de l’urgence de la situation, encore accentuée par la crise sanitaire due à la Covid-19. L’accès à l’assainissement est une réalité pour 67,4 % de la population urbaine de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Le Sénégal a atteint ce niveau grâce à l’application des normes ISO 30500, ISO 24521 et ISO 31800. « L’ISO 30500 établit des spécifications pour les nouvelles toilettes domestiques qui traitent les déchets sur place, et ISO 24521 quant à elle propose des recommandations pour améliorer la qualité des services et la gestion en toute sécurité des services d’assainissement. La norme ISO 31800, elle, spécifie les exigences permettant de garantir les performances, la sécurité, l’exploitabilité et la facilité d’entretien des unités de traitement de boues de vidange », affirmait El Hadji Abdourahmane Ndione dans une tribune signée sur Afrik 21 en novembre 2020. Toutes ces normes visent à introduire les exigences nécessaires relatives à la qualité et à la sécurité des infrastructures et des systèmes d’assainissement.

Avec les difficultés d’accès à une source d’eau sûre pour les sanitaires, certains pays d’Afrique misent sur des solutions plus écologiques. En Ouganda notamment, l’Association des professionnels de l’urbanisme d’Afrique de l’Est (Pupaea) prévoit d’installer un million de toilettes écologiques dans les zones rurales et les banlieues d’ici à 2030.

L’assainissement urbain, défi majeur de la ville durable en Afrique©Predrag Milosavljevic/Shutterstock

Des toilettes à compost©Predrag Milosavljevic/Shutterstock

Pour stopper la défécation en plein air, qui concerne 29 % de la population à Kinshasa, la capitale de République démocratique du Congo (RDC) et l’association suisse Stay Clean, en collaboration avec le gouvernement, ont également lancé en novembre 2020, la construction des toilettes à compost. Ces installations de Stay Clean n’utilisent pas d’eau pour la chasse des matières fécales. L’usage de ces toilettes sèches permet également de simplifier le traitement des eaux dans les stations d’épuration, car les bactéries et substances chimiques présentes dans les excréments nécessitent un traitement plus long pour être aussi inoffensives que l’eau grise (eau de lavage).

La gestion des eaux usées

En dehors des boues fécales, d’autres déchets comme les boues de vidange, les déchets pétroliers, les bouteilles plastiques (…) se retrouvent aussi dans les cours d’eau en Afrique, bouchant ainsi les drains. Ce qui empêche les eaux de pluie de s’écouler normalement, d’où certaines inondations.

En Côte d’Ivoire, le gouvernement met par exemple en œuvre le Projet d’assainissement et de résilience urbaine (Paru). Il permettra la construction ou la réhabilitation de systèmes de drainage pour une meilleure canalisation des eaux pluviales dans les quartiers les plus exposés comme Yopougon et Abobo, les deux quartiers les plus peuplés d’Abidjan, ainsi que Grand Bassam.

Le déversement d’effluents industriels non traités dans les rivières à Kano au Nigeria cause également d’importants dommages sur les lits de ses cours d’eau, sur les terres agricoles adjacentes, ainsi que sur la contamination des eaux souterraines et des réservoirs d’eau de barrage. Pour permettre la dépollution des rivières de Kano, trois usines de traitement des eaux usées sont actuellement en construction dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

La municipalité de Walvis Bay en Namibie construit actuellement une usine pour traiter ses eaux usées. L’installation sera la deuxième du genre dans le pays, après celle inaugurée à Windhoek en 2002.

Comme la Namibie et le Nigeria, le Ghana, l’Angola, l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Zimbabwe, l’Éthiopie et le Kenya se lancent déjà dans le traitement de leurs eaux usées via des usines, même si la pratique y reste encore embryonnaire. Pourtant la situation est objectivement urgente. Le lac Victoria par exemple se dégrade inexorablement, jour après jour, à cause de la pollution issue des eaux usées provenant des industries et des ménages des grandes villes des pays qui bordent cette belle et grande étendue d’eau douce, notamment le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda.

Si les stations d’épuration sont paradoxalement encore très peu présentes dans les pays d’Afrique subsaharienne, eu égard aux risques encourus par les populations, la situation est tout autre en Afrique du Nord.

La multiplication des stations d’épuration au nord

L’Égypte met en œuvre une politique stricte de préservation de sa ressource. Le pays a su améliorer la gestion de ses eaux usées à travers la multiplication de stations d’épuration. Son usine de traitement des eaux usées d’Al Mahsamma a d’ailleurs reçu le prix du « meilleur projet de recyclage et de réutilisation de l’eau à l’échelle mondiale en 2020 », décerné par la revue Capital Finance Internationa. Située dans le gouvernorat d’Ismaïlia, dans le Sinaï, l’installation couvre une superficie de 42 000 m2, avec une capacité d’un million de m3 par jour.

L’assainissement urbain, défi majeur de la ville durable en Afrique©Aleksandr Kurganov/Shutterstock

Sortie des eaux usées de deux canalisations©Aleksandr Kurganov/Shutterstock

Le gouvernement égyptien met actuellement en œuvre le projet d’extension et de modernisation de la station de traitement des eaux usées d’Alexandrie Ouest. Dotée d’une capacité de 460 000 m3 par jour, elle n’effectue le traitement des eaux usées qu’en une seule étape : la décantation avec une sédimentation primaire. L’eau est ensuite évacuée

Dans sa stratégie, l’Égypte bénéficie du partenariat avec plusieurs acteurs, notamment avec Suez. Depuis le 1er mars 2021, le géant français de l’environnement exploite et assure la maintenance de la station de traitement des eaux usées de Gabal El Asfar, d’une capacité de 2,5 millions de m3 par jour au Caire. Ce contrat, dans le cadre duquel Suez collabore avec l’entreprise locale Arab Contractors (ArabCo) pour une durée de quatre ans, permettra également le traitement des boues produites par l’usine qui serviront à produire du biogaz qui sera destiné à la générer de l’électricité, qui alimentera à son tour l’usine elle-même.

Situés dans la même sous-région que l’Égypte, le Maroc et la Tunisie ont aussi une politique volontariste en matière de gestion des eaux usées. Le gouvernement tunisien, à travers l’Office national de l’assainissement (Onas), projette d’ailleurs de déléguer le service public de gestion des eaux usées dans le grand Tunis et les gouvernorats de Gabès, Médenine, Sfax et Tataouine. À ce jour, l’Onas gère 17 500 km de réseau de collecte des eaux usées reliées à 795 stations de pompage et 122 stations d’épuration en Tunisie.

Les autres pays d’Afrique du Nord, notamment l’Algérie, la Libye, la Mauritanie et le Soudan sont encore peu actifs ou pas du tout en matière de traitement des eaux usées, pourtant l’urgence aujourd’hui est à la préservation de l’environnement sur tous les plans.

Réduire la pollution du sol

La préservation de l’environnement en Afrique passera aussi par la collecte des déchets solides (plastiques, électroniques, de cacao, de palmiers, d’ananas, etc.), car certains de ces détritus polluent les rues et les quartiers et se retrouvent en bout de course dans les cours d’eau, ou en train de boucher les évacuations des eaux pluviales, provoquant ainsi des inondations.

Parmi les pays les plus touchés par ce phénomène d’insalubrité sur le continent, figurent le Mali, le Niger, l’Éthiopie, le Congo, le Tchad, la Tanzanie, le Burkina Faso, le Mozambique et le Nigéria. Et en matière de traitement des déchets, ces pays ne sont pas plus avancés.

L’urgence aujourd’hui est véritablement de construire une filière intégrée de gestion des déchets. Pour chaque projet d’assainissement, il faudra mettre l’accent aussi bien sur la collecte que sur le traitement des déchets. Cela permettra d’éviter des drames comme des explosions dans les décharges, les effondrements de dépotoirs ou encore les éboulements comme cela s’est produit  à la décharge de Koshe, à Addis-Abeba en Éthiopie en 2017. Cela permettra également de lutter contre le réchauffement climatique en limitant l’accumulation de rebuts organiques dans les décharges émettrices de méthane.

Et comment on procède ?

La création de la filière intégrée de gestion des déchets se fera avec tous les maillons de la chaîne. Si dans les années antérieures il était surtout question de gestion des déchets par les entreprises gouvernementales, il faudra davantage déléguer, notamment au secteur privé. Les activités informelles devraient aussi être encouragées à l’échelle des quartiers.

Un État comme Maroc produit six millions de tonnes de déchets par an, soit une moyenne d’environ 250 kg par habitant. Ce royaume d’Afrique du nord décentralise la gestion de ses déchets. En février 2019 par exemple, Averda Maroc a été choisie par la municipalité de Tanger pour la gestion de ses déchets pour une durée de 20 ans. La filiale d’Averda, basée aux Émirats arabes unis a récemment inauguré dans la municipalité une unité de traitement des déchets.

L’assainissement urbain, défi majeur de la ville durable en Afrique©moxumbic/ Shutterstock

Une usine de traitement des déchets solides©moxumbic/ Shutterstock             

Le Ghana se démarque également dans la collecte et le traitement des déchets. Depuis de nombreuses années, Zoomlion fournit le service public de gestion des déchets dans plusieurs villes de ce pays d’Afrique de l’ouest. La filiale du groupe Jospong collabore par exemple avec le gouvernement du Ghana pour des projets de construction d’usines traitement de déchets, notamment à Sefwi Wiawso. L’usine située dans la région du Nord-ouest sera capable de traiter 200 tonnes de déchets solides par jour.

Le Bénin investit également pour améliorer la collecte des déchets solides. Le gouvernement de ce pays d’Afrique de l’ouest vient d’équiper la Société de gestion des déchets solides et de la salubrité du grand Nokoué (SGDS-GN) de 20 camions pour améliorer la collecte et le transport des déchets solides dans le grand Nokoué. Selon la SGDS-GN, 358 000 tonnes de déchets sont produites chaque année dans le Grand Nokoué. Cependant, seulement 10 % de ces déchets sont collectés. Les 90 % restant sont déversés dans la nature, causant la pollution des terres et des cours d’eau. Cependant, le Bénin doit encore travailler sur le volet traitement des déchets.

Inès Magoum

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