Dans une interview publiée le 2 avril 2024 par le tabloïd allemand Bild, le président du Botswana, Mokgweetsi Masisi promet de transférer jusqu’à 20 000 éléphants à Berlin, la capitale allemande. Pour le dirigeant botswanais, cette action permettrait aux Allemands de comprendre les défis auxquels les Botswanais sont confrontés en matière de cohabitation avec une population d’éléphants en augmentation. Avec environ 130 000 éléphants, le Botswana abrite la plus grande population de pachydermes au monde.
Le président Masisi soutient que la chasse est nécessaire pour réguler la population d’éléphants, qui entraîne des conflits avec les populations locales, endommage les cultures et menace la sécurité des habitants. Malgré les critiques des défenseurs des animaux, le Botswana a rouvert la chasse aux éléphants en 2019, affirmant que c’était un moyen de contrôler les populations et de protéger les moyens de subsistance des communautés locales.
Cependant, l’Allemagne envisage désormais d’imposer des restrictions plus strictes à l’importation de trophées de chasse, ce qui pourrait avoir un impact financier sur le Botswana, qui tire des revenus importants de cette activité. Le ministère allemand de l’Environnement a souligné la nécessité de protéger la biodiversité et de lutter contre le braconnage, justifiant ainsi les restrictions proposées sur l’importation de trophées de chasse.
Une blague qui traduit un mal profond
Malgré la menace de Masisi d’envoyer des dizaines de milliers d’éléphants en Allemagne, Berlin a déclaré qu’aucune demande officielle de transfert n’avait été reçue à cet effet. Toute chose qui laisse penser que les propos du chef d’État botswanais s’inscrivent dans le cadre d’un buzz, c’est-à-dire un retentissement médiatique, car Gaborone n’en est pas à sa première promesse du genre.
En mars dernier, le ministre botswanais de la Faune et de la Flore a menacé d’envoyer 10000 éléphants à Hyde Park, à Londres, afin que le Royaume-Uni puisse « goûter à la vie à leurs côtés ». Le gouvernement britannique avait alors évoqué la possibilité d’empêcher les chasseurs de safari en provenance de son territoire d’importer leurs trophées.
Les tensions entre les pays africains riches en faune sauvage et les nations occidentales concernant la gestion de la chasse et de la conservation des espèces menacées ont atteint un niveau critique ces dernières années. Les divergences d’opinions et les intérêts économiques en jeu continuent d’alimenter un débat complexe et souvent passionné.
La question de la chasse aux trophées
La chasse aux trophées est l’un des points les plus controversés de ce débat. Les pays africains, tels que le Botswana, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, affirment que la chasse contrôlée est nécessaire pour la gestion des populations d’animaux sauvages et pour générer des revenus qui bénéficient aux communautés locales.
Selon une étude publiée en 2018 par l’Association nationale de taxidermie et de tannerie (ANTT) en Afrique du Sud, la chasse au trophée contribue pour plus de 340 millions de dollars par an à l’économie sud-africaine et représente 17 000 emplois. Les butins (peaux, crânes, cornes et os) ramenés par les chasseurs, la plupart du temps étrangers, sont conditionnés par des taxidermistes qui perpétuent un art vieux de plusieurs siècles. Le secteur emploie 6 000 personnes en Afrique du Sud.
Des permis de chasse vendus parfois à des prix très élevés constituent la principale mamelle à sous du secteur. Par exemple, un permis de chasse à l’éléphant au Botswana peut coûter jusqu’à 35 000 euros par tête, et des sommes encore plus élevées peuvent être dépensées pour des espèces rares ou prisées.
Ces revenus contribuent non seulement à la conservation de la faune et à la lutte contre le braconnage, mais aussi au développement économique des régions rurales et à la création d’emplois. Cependant, les critiques affirment que les bénéfices de cette industrie ne bénéficient pas toujours équitablement aux populations locales et que le tourisme photographique pourrait être une alternative plus durable sur le plan éthique et économique.
Défis environnementaux et sociaux
Les défis environnementaux et sociaux auxquels sont confrontés les pays africains riches en faune sauvage sont nombreux. La surpopulation d’éléphants au Botswana, par exemple, a entraîné des conflits croissants avec les populations locales, des dégâts sur les cultures et des menaces pour la sécurité humaine.
« Comme les éléphants sont de plus en plus nombreux, ils se dispersent vers le sud, où ils rencontrent des communautés qui ne sont pas coutumières du comportement de ces animaux », explique, Mmadi Reuben, officier vétérinaire principal, dans une vidéo relayée par le gouvernement face à la polémique. Au terme d’une période d’étude environnementale et de consultation des populations locales, le Comité de l’interdiction de la chasse et du dialogue social botswanais indique qu’environ 200 Botswanais ont été tués par des éléphants ces cinq dernières années.
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Face à ces tensions persistantes, il est impératif d’engager un dialogue constructif entre les pays africains et les nations occidentales afin de trouver des solutions durables et équilibrées pour la gestion de la faune sauvage. Cela implique de reconnaître et de respecter les différentes perspectives et priorités, tout en travaillant ensemble pour promouvoir la conservation de la biodiversité et le bien-être des communautés locales.
Boris Ngounou