Pays le plus peuplé du continent africain avec plus de 218 millions d’habitants, le Nigeria est encore loin d’atteindre l’accès universel à l’électricité, surtout en zone rurale. Ces dernières années, les autorités ont misé sur les systèmes solaires autonomes. Cette politique meublera les échanges cette semaine lors du Forum d’investissement pour l’accès à l’énergie (EAIF 2024) à Lagos.
Le 3 avril dernier, l’Agence d’électrification rurale (REA) a annoncé la mise en service d’un mini-réseau électrique alimenté par une centrale solaire photovoltaïque de 352 kWc dans la communauté de Toto, dans l’État de Nasarawa situé dans le sud du Nigeria. Ces équipements fournissent de l’électricité aux populations et alimentent leurs activités génératrices de revenus. Comme Toto, plusieurs localités du Nigeria ont été électrifiées ces dernières années avec des systèmes solaires autonomes, notamment les mini-réseaux et les systèmes solaires domestiques.
C’est une retombée directe du Projet d’électrification du Nigeria (NEP) mis en œuvre par la REA. Depuis son lancement officiel en 2019, le NEP a déjà permis l’électrification d’au moins 118 000 ménages via les mini-réseaux et jusqu’à 1,4 million de foyers avec les systèmes solaires domestiques. À en croire la REA, ce sont près de 6 000 micro, petites et moyennes entreprises (MPME) qui ont désormais accès à l’électrifié grâce à ces systèmes solaires décentralisés.
Des subventions aux entreprises privées
Le Nigeria doit ce progrès significatif à une panoplie d’entreprises qui se sont lancées dans le business de l’électrification. C’est le cas de la société française Engie Energy Acces, la britannique Bboxx, les américaines d.light et Husk Power, ou encore l’hollandaise Zola Electric. Dans le cadre du NEP, la plupart des fournisseurs de systèmes solaires domestiques reçoivent des Fonds basés sur les résultats (OBF).
La REA fournit également des subventions basées sur la performance (PBG) aux entreprises de mini-réseaux solaires hybrides. Ce soutien est apporté aux professionnels grâce à des financements initiaux apportés par des bailleurs de fonds internationaux à l’instar de la Banque mondiale (350 millions de dollars en 2018) et de la Banque africaine de développement (BAD, 200 millions de dollars en 2028).
Un secteur en pleine croissance
Plusieurs autres institutions financières soutiennent l’électrification rurale via les systèmes solaires autonomes au Nigeria. C’est le cas de la société d’investissement All On entièrement détenue par le géant anglo-néerlandais des hydrocarbures Shell. En juin 2023, All On a accordé 11 millions de dollars aux côtés de l’Alliance mondiale de l’énergie pour les peuples et la planète (GEAPP) pour l’installation de 25 mini-réseaux solaires à travers le Nigeria.
Il y a également la Banque européenne d’investissement (BEI) qui vient d’accorder un financement de 20 millions de dollars dans le cadre de la stratégie Global Gateway de l’Union européenne (UE) visant à « établir des liens durables et fiables avec les pays partenaires ». Ce financement est destiné à l’entreprise américaine Husk Power qui veut électrifier 500 communautés rurales au cours des prochaines.
Plus de 85 millions de Nigérians n’ont pas encore accès à l’électricité
Malgré ces investissements dans l’énergie solaire pour l’électrification, le défi reste immense pour le Nigeria. Selon la Banque mondiale, 85 millions de Nigérians n’avaient pas encore accès à l’électricité en 2021. Cette situation concerne 66 % de sa population rurale, précise Power Africa. Dans le même temps, l’accès à l’électricité qui atteint les 86 % dans les villes n’est pas sécurisé.
Les ménages et les entreprises font encore face à des délestages. Comme solution à ce problème, certaines entreprises se tournent vers les groupes électrogènes qui accentuent la pollution atmosphérique et sonore dans les grandes villes telles que la capitale économique Lagos, peuplée de plus de 22 millions d’habitants. Quoiqu’il en soit, le choix des mini-réseaux pour l’électrification dans ce pays d’Afrique de l’Ouest a eu un impact positif sur son développement socio-économique. D’autres pays subsahariens suivent la même voie. C’est le cas du Niger voisin, du Kenya, de la Somalie ou encore de la République démocratique du Congo (RDC).
Jean Marie Takouleu