LIBYA: le vandalisme menace la grande rivière artificielle qui approvisionne le pays

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LIBYA: le vandalisme menace la grande rivière artificielle qui approvisionne le pays © Darren J. Bradley/Shutterstock

L’Organisation des Nations unies (ONU) et d’autres organisations internationales qui interviennent dans le processus de stabilisation de la Libye demandent la protection des installations de production et de distribution d’eau potable. Cet appel intervient alors que les autorités assistent impuissantes au vandalisme des installations d’eau potable, notamment la grande rivière artificielle de Libye.

Un problème majeur menace l’approvisionnement en eau en Libye. Il s’agit du vandalisme des installations qui prend une ampleur inquiétante depuis quelques jours. L’attaque la plus récente s’est produite sur le système Hassawna qui fournit de l’eau dans les villes de Bani Walid, Misrata, Al-Khums, Zliten et les localités environnantes. Il s’agit d’une partie de la grande rivière artificielle de Libye, fruit d’un projet pharaonique engagé par l’ancien président libyen Mouammar Kadhafi.

Aujourd’hui à l’arrêt, ce projet était considéré comme le plus important en matière d’approvisionnement en eau dans le monde. L’objectif des autorités libyennes était d’exploiter l’acquière du Sahara. Cette nappe est formée de quatre grands bassins d’eau douce piégée sous le désert du Sahara depuis 38 000, 14 000 et 7000 ans ; et découvert dans le cadre d’une exploration pétrolière en 1953. Mouammar Kadhafi, alors au pouvoir, avait entrepris d’exploiter cette immense réserve d’eau douce estimée à plus de 30 000 km3 dès les années 60, avec des travaux en plusieurs phases.

La première a permis la création du champ de pompage de Tazerbo qui se compose de puits de production et de puits d’observation piézométrique, fournissant environ un million de m3 d’eau par jour. Seuls 98 des 108 puits de production du champ de Tazerbo sont utilisés en 1991, les autres étant en réserve.

La chute du projet

La deuxième phase du mégaprojet d’exploitation de l’acquière du Sahara a permis d’acheminer un million de m3 par jour de la région du Fezzan au sud-ouest vers la plaine fertile de la Jeffara au nord-ouest, sur la ceinture côtière occidentale, et d’alimenter la capitale Tripoli. Le système part d’un champ de forage à Sarir Qattusah, composé de 127 puits répartis le long de trois canalisations collectrices, et alimente un réservoir terminal situé à Souk El Ahad, affichant une capacité de 28 millions de m3.

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Pour accélérer la mise en œuvre de ce mégaprojet, le gouvernement libyen a choisi très tôt de se doter d’une usine de fabrication de canalisations à Brega, dans le golfe de Syrte. Le but de la troisième phase lancée au début des années 2000 était de fournir de l’eau à la ville de Tobrouk, à partir d’un nouveau champ de captage à Al Jaghboub. Cela a nécessité la construction d’un réservoir au sud de Tobrouk et la pose de 500 km de canalisations supplémentaires.

Les deux dernières phases du mégaprojet comprenaient également l’extension du réseau de distribution ainsi que la construction d’une conduite reliant le réservoir d’Ajdabiya à Tobrouk, ainsi que la connexion à Syrte des systèmes est et ouest en un seul réseau. Les deux dernières phases du projet devaient permettre le développement de l’agriculture en plein désert. Mouammar Kadhafi estimait que l’eau de la grande rivière artificielle devait permettre de restaurer 155 000 hectares de terres agricoles, rendant « le désert aussi vert que le drapeau du pays ».

L’impact de la crise libyenne

Mais le 22 juillet 2011, des avions de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) ont bombardé l’usine de production de canalisation de Brega. L’Otan a indiqué que le bâtiment avait été utilisé comme entrepôt militaire et que des roquettes avaient été lancées de là par les troupes pro-Kadhafi. La crise libyenne a ainsi stoppé de façon durable ce projet de développement qui devait permettre à ce pays d’Afrique du Nord de devenir autosuffisant en eau, tout en restant à l’abri du stress hydrique qui frappe actuellement plusieurs pays de la sous-région.

L’insécurité qui secoue la Libye depuis la chute de Kadhafi est à l’origine de la destruction des canalisations du système Hassawna, qui fournit 60 % de l’eau consommée dans tout le pays. Selon l’Onu, au cours des deux dernières semaines, l’un des puits du système d’approvisionnement en eau d’Al-Hasawna, Al-Juffra, qui dispose d’une station de pompage d’une capacité de production quotidienne de plus de 5 000 m3 a été détruit et mis hors service.

Le manque d’eau en pleine canicule

Cette situation intervient alors que l’Afrique du Nord, et plusieurs régions du monde font face à une vague de chaleur, dont les scientifiques attribuent la responsabilité au dérèglement climatique. Le mercure a frôlé les 50 °C en mi-juillet 2021, dans certaines parties du Maroc. Et cette vague de chaleur progresse vers l’Est, en provoquant des incendies dans les pays relativement proches de la Libye, notamment la Grèce et la Turquie.

Le vandalisme des canalisations de la grande rivière artificielle intervient aussi dans un contexte de crise sanitaire due à la Covid-19 dont l’un des gestes barrières consiste à se laver fréquemment les mains. Cette situation aura incontestablement des répercussions sur la santé des Libyens.

Jean Marie Takouleu

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