Alors que plusieurs pays africains envisagent sérieusement de signer le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), le Royaume-Uni décide de se retirer de ce mécanisme mis en place pour sanctuariser les investissements dans l’énergie. Ce traité est vivement contesté et accusé de protéger les investissements dans les énergies fossiles.
Un nouveau pays européen se retire du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Il s’agit du Royaume-Uni qui rejoint d’autres pays européens à l’instar de l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Espagne ou encore de l’Italie qui ont tous claqué la porte du traité qu’ils jugent obsolète et pas du tout adapté à l’urgence climatique qui veut que chaque État investisse dans la décarbonation. Ce qui implique la sortie progressive des énergies fossiles.
Today I am confirming that we are leaving the Energy Charter Treaty.
Talks with other nations for crucial reforms have reached a stalemate and staying in could undermine the UK’s world-leading clean energy sector. https://t.co/WINgHi7XaD— Claire Coutinho MP (@ClaireCoutinho) February 22, 2024
Le TCE a été signé dans le contexte géopolitique de l’après-guerre froide en 1994 et est entré en vigueur en 1998, dans l’optique de promouvoir et de protéger l’investissement entre les pays producteurs et consommateurs d’énergie, notamment en Europe et en Asie centrale. Avec ce traité, les compagnies énergétiques, notamment celle exerçant dans les secteurs pétrolier et gazier peuvent poursuivre un État en justice si sa politique climatique est susceptible de nuire à leurs investissements.
La difficile réforme du TCE
« Le fait de rester membre ne favoriserait pas notre transition vers une énergie plus propre et moins chère, et pourrait même nous pénaliser pour les efforts de premier plan que nous déployons en vue d’atteindre l’objectif de neutralité carbone », a expliqué Graham Stuart, le ministre d’État britannique au Climat. Et d’ajouter que « le traité sur la charte de l’énergie est dépassé et doit être réformé de toute urgence, mais les négociations sont dans l’impasse et un renouvellement raisonnable semble de plus en plus improbable ».
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Toutes les tentatives de réforme de ce traité ont débouché sur une impasse. C’est notamment le cas lors des dernières négociations qui se sont achevées en novembre 2022 sans aucun résultat. Selon le gouvernement britannique, « les élections du Parlement européen en 2024 signifient que la modernisation pourrait maintenant être reportée indéfiniment ». Pour Lukas Schaugg, analyste en droit international à l’Institut international du développement durable (IISD), la complexité de la réforme du TCE remonte à ses origines.
Le risque d’extension vers l’Afrique
« Une réforme ambitieuse du TCE aurait pu être possible si les parties contractantes avaient convenu dès le départ d’un mandat de réforme ambitieux. Ce ne fut pas le cas, puisque certaines questions cruciales, notamment le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) et la clause dite de survie, ont été exclues du mandat de réforme dès le début », a expliqué Lukas Schaugg il y a quelques mois, dans une interview accordée à Afrik 21.
Alors que plusieurs pays européens ont été condamnés plusieurs fois dans des procédures engagées par les compagnies pétrolières et gazières, le Traité sur la charte de l’énergie menace de s’étendre en Afrique. D’ailleurs le Burundi, le Niger, le Maroc et le Burkina Faso ont entamé le processus d’adhésion au TCE.
Pourtant, l’extension du TCE représente une menace pour les pays en développement. Car, « le RDIE remet en question la souveraineté juridique et règlementaire des États accueillants des investissements et peut donc même entraver une exploitation de ces ressources de manière à garantir une valeur ajoutée locale et le respect de normes environnementales », explique l’analyste Lukas Schaugg. Cette tentative d’extension orchestrée par le secrétariat du traité intervient au moment où plusieurs pays africains se lancent dans l’exploitation de leurs gisements d’énergies fossiles. C’est le cas du Sénégal, de l’Ouganda ou encore du Mozambique.
Jean Marie Takouleu