Hro Abro, le directeur de l’Office régional de mise en valeur agricole du Souss-Massa (Ormvasm), a annoncé récemment que le chantier de la station de dessalement de l’eau de mer de Chtouka était en cours depuis juillet. Les travaux sont menés par Aman El Baraka, une filiale du groupe espagnol Abengoa. Le PPP qui a permis de financer le projet est un modèle du genre. Il a a été élaboré en amont par le bureau d’études français BRL Ingénierie et son partenaire marocain Agro Concept.
Depuis le 18 juillet 2018, les premiers coups de pioche résonnent dans la province de Chtouka-Aït Baha. C’est ici que l’entreprise Aman El Baraka, une filiale du groupe espagnol Abengoa, a démarré la construction d’une station de dessalement de l’eau de mer, comme l’a récemment annoncé Hro Abro, le directeur de l’Office régional de mise en valeur agricole du Souss-Massa (Ormvasm). L’entreprise s’appuiera sur des sous-traitants marocains, notamment pour les travaux de terrassement et de génie civil.
La station de dessalement de l’eau de mer de Chtouka est dimensionnée pour une capacité de production de 275 000 m3 par jour, avec un débit de 125 000 m3 par jour. Deux prises dans l’océan amèneront l’eau de mer au bassin de captage, à partir duquel elle sera pompée, à l’issue d’un prétraitement, vers la station de dessalement. Ici, l’eau sera traitée suivant le procédé d’osmose inverse. Cette technologie est utilisée par l’entreprise française Mascara Renewable Water pour la station de dessalement de l’eau de mer de Hessequa, près de la ville du Cap en Afrique du Sud. Il en est de même pour une station de dessalement à l’énergie solaire, construite par l’entreprise française Quadran, à Caverne Bouteille, à Maurice.
Une eau destinée à l’irrigation
Aman El Baraka, concessionnaire de ce projet, construira, exploitera et assurera la maintenance de la station de dessalement sur une période de 20 ans. Les premiers mètres cubes d’eau dessalée sortiront de la station à partir de 2020. Cette eau sera destinée à l’irrigation. Car la province de Chtouka-Aït Baha est très rurale. Formée de grandes plaines, la région de Souss-Massa (dont fait partie la province de Chtouka-Aït Baha) est réputée pour sa production d’agrumes, de primeurs et de légumes. Des cultures qui nécessitent beaucoup d’eau, dans une région aride, marquée par l’avancée du désert.
Sauver la nappe phréatique
L’agriculture à beaucoup prospéré dans cette partie du Maroc, non seulement grâce au relief et la fertilité du sol, mais aussi, et surtout grâce à la présence d’une nappe phréatique. L’eau de la nappe sert à irriguer des milliers d’hectares de plantation. Et sa surexploitation a causé aujourd’hui un déficit annuel de 60 millions de m3 d’eau. C’est donc pour remédier à cette situation que les acteurs politiques, économiques ainsi que les agriculteurs ont décidé de se tourner vers le dessalement de l’eau de mer. Ce sursaut fait suite à une étude préalable de faisabilité, menée par le département de l’Agriculture avec le soutien de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elle a été suivie par une autre, menée par l’Agence du bassin hydraulique du Souss-Massa.
Un PPP exemplaire élaboré par BRL Ingénierie et Agro Concept
Pour un coût total estimé à 3,8 milliards de dirhams (plus de 345 millions d’euros), l’eau de la station de dessalement de l’eau de mer de Chtouka viendra en complément de l’approvisionnement issu du barrage Youssef Ibn Tachfine, dédié lui aussi à l’irrigation. Reste désormais à déterminer si ces deux infrastructures permettront l’exploitation vraiment durable de la nappe phréatique de Souss-Massa, prévue d’ici cinq ou six ans.
L’enjeu est de taille, puisque la nappe fournit une eau de très grande qualité, mais qui se recharge lentement. Aujourd’hui, la multitude de forages privés sur les exploitations agricoles, d’une quinzaine d’hectares en moyenne, pompe environ 90 millions de mètres cubes par an, tandis que la nappe ne se recharge qu’à hauteur de 30 millions de mètres cubes chaque année. Tout l’enjeu du projet était donc de convaincre les agriculteurs de payer l’approvisionnement en eau dessalée et d’accepter de se soumettre à des quotas de prélèvement concernant l’eau de la nappe, en apparence gratuite… Le bureau d’études français BRL Ingénierie et son partenaire marocain Agro Concept, qui ont établi le PPP (partenariat public privé) et réalisé l’assistance à la passation du contrat de gestion déléguée de l’unité de dessalement, ont trouvé le dénominateur commun entre la demande des agriculteurs, l’offre d’Aman El Baraka et l’implication de l’État, afin de dégager un modèle économique soutenable dans la durée.
Ces deux bureaux d’études ont tout d’abord réussi à démontrer qu’entre le coût de l’installation de forage, de sa maintenance et de l’électricité consommée pour la faire fonctionner, l’eau de la nappe, apparemment gratuite, avait d’ores et déjà un coût moyen de 3,5 dirhams par mètre cube. Et que ce coût-là allait s’envoler dans les prochaines années au fur et à mesure de l’amenuisement de la nappe. Ils ont ensuite pu négocier un tarif d’approvisionnement en eau salée de 5 dirhams le mètre cube, rendu également possible grâce à une subvention de l’État qui a financé environ la moitié des investissements. Le reste a été essentiellement apporté par les banques et les fonds propres du constructeur.
Impliquer les agriculteurs
Mais une campagne de souscription a néanmoins été lancée auprès des agriculteurs afin de garantir dès le départ leur implication. Pour faciliter la communication et sensibiliser tout le monde, un site a été mis en ligne. Il permet également aux agriculteurs de s’identifier et de souscrire en direct au projet. Or le succès de l’opération de souscription a été tel, qu’il a donc permis de lancer les travaux dès juillet 2018.
Cela augure bien de la suite, puisque les agriculteurs s’approprient ainsi le projet, démontrent leur adhésion au coût prochain de la redevance, s’engagent sur le respect des futurs quotas de prélèvement à partir de la nappe phréatique et acceptent les contrôles sur le terrain qui en découleront.
Comme le résume bien Hassan Benabderrazik, directeur général d’Agro Concept et partenaire de BRL Ingénierie, « Il ne faut pas que ce soit le projet de l’État, ni de la société privée, il faut que ce soit le projet de tout le monde, y compris des agriculteurs, pour que tout le monde contribue, chacun à la mesure de ses moyens, à sauver la nappe, à sauver l’agriculture et donc à pérenniser la prospérité de cette région».
Jean Marie Takouleu
Pour plus d’informations, BRL Ingénierie sera présent à Pollutec Maroc du 2 au 5 octobre 2018 à Casablanca.
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