On assiste depuis quelques années à la montée en puissance des cryptomonnaies. Il s’agit de monnaies virtuelles qu’il faut « produire » en faisant tourner 24 h/24 des serveurs surpuissants qui permettent de valider par des calculs complexes la blockchain, propre aux cryptomonnaies comme le bitcoin et qui permet de garantir les transactions. Pour tourner, la monnaie électronique a donc besoin de mines. Une mine de cryptomonnaie est dirigée par une société qui connecte, sur des réseaux, de bitcoins par exemple, une ou plusieurs machines équipées pour participer à cette activité. L’équipement consiste essentiellement en une carte graphique ou des circuits spécialisés associés à un logiciel de minage. Cette mine de cryptomonnaie a besoin d’énergie pour faire fonctionner ses nombreux serveurs et machines. Dans les faits ces datacenters nécessitent même énormément d’énergie. Et plus les monnaies circulent, plus il y a de transactions à valider via les blockchains, et plus les calculs sont lourds, de sorte que l’ensemble du système devient de plus en plus gourmand en énergie… Verte de préférence, comme Islande où tournent nombre de ces datacenters qui profitent de la géothermie locale.
Saluna Technologies, une société américaine spécialisée dans le minage et l’exploitation de cryptomonnaies (Bitcoin, Ripple, Ethereum, Dash, Litecoin…) a annoncé qu’elle allait construire un parc éolien à Dakhla, une ville située au Sahara occidental, un territoire contesté et sous administration marocaine. C’est d’ailleurs le royaume chérifien qui a délivré l’autorisation pour la construction de cette infrastructure d’énergie renouvelable qui va permettre de produire à terme 900 MW d’électricité.
Si la région de Dakhla est réputée pour la force et la régularité du vent, y compris chez les kite surfeurs, les détails techniques du projet ne sont pas encore connus. On sait simplement que la construction d’une première tranche commencera en 2019 et qu’elle devrait être achevée d’ici cinq ans. La capacité de production de 900 MW sera donc mise en place progressivement. Dans un premier temps, l’investissement portera sur 50 MW, qui devraient être produits d’ici 2020.
Des interrogations économiques
L’entreprise américaine Saluna devrait débourser entre 1,4 et 2,5 milliards de dollars pour cet important projet. Le site d’implantation du parc éolien s’étend sur environ 15 000 hectares. Les premières levées de fonds portant sur 100 millions de dollars se feront en cryptomonnaies (Initial Coin Offering, ICO), mais les services fournis par le centre informatique prévu au Maroc seront payés en devises étrangères ; les autorités financières du royaume n’ayant pas encore adopté les cryptomonnaies. Or des doutes se font jour quant au pari économique d’un tel mégaprojet qui repose sur des cryptomonnaies, dont le cours était en hausse constante il y a encore quelques années, mais qui sont devenues très volatiles. À moins que le gouvernement marocain n’ait garanti en sous-main le rachat de l’énergie ainsi produite en cas de baisse trop sensible du cours des monnaies virtuelles… Sans cela, l’énergie produite ne bénéficiera d’ailleurs pas du tout aux populations locales. Et les retombées ne seraient favorables qu’au niveau de l’emploi puisque, d’après le site d’information marocain, Médias 24, mille deux cents postes d’ingénieurs pourraient être créés sur place.
Un problème politique
Par ailleurs, ce projet est sujet à quelques controverses politiques à cause du statut spécifique du Sahara Occidental, où il est localisé. L’Observatoire pour la protection des ressources naturelles du Sahara occidental (WSRW) basé à Laâyoune (la capitale) a appelé à l’annulation du contrat signé entre les autorités marocaines et l’entreprise américaine Saluna Technologies. Cette organisation parle « d’une atteinte au droit du peuple sahraoui ». Depuis la proclamation de l’indépendance en 1976 par le Front Polisario, cette ancienne colonie espagnole est revendiquée à la fois par le Maroc et par la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Jean Marie Takouleu