Site icon Afrik 21

Murielle Elouga : « Les femmes doivent être au cœur de la gestion intégrée de l’eau »

Murielle Elouga : « Les femmes doivent être au cœur de la gestion intégrée de l’eau »

Le programme dont vous avez la charge milite depuis trois ans pour l’implication de la femme dans la gestion intégrée des ressources en eau au Cameroun. Quelles avancées pouvez-vous énumérer dans ce sens ? 

Le programme « Eau, Climat Développement Genre », est mis en œuvre par le Partenariat mondial de l’eau en Afrique (GWP-Caf) et a pour objectif la prise en compte du genre dans la planification, la mise en œuvre et le suivi évaluation des projets du secteur de l’eau et la résilience au climat. Durant sa mise en œuvre pendant ces trois dernières années, nous avons accompagné le ministère de l’Eau et de l’Énergie dans la prise en compte du genre dans la loi portant régime de l’eau qui est en cours de révision.

En effet à l’issue d’une analyse de cette loi on s’est rendu compte qu’elle parle plus de la population en général, sans tenir compte des catégories sociales spécifiques, c’est-à-dire les jeunes, les femmes, les hommes, les personnes handicapées, et bien d’autres.  Nous croyons que l’intégration de la question genre dans cette loi conditionnera l’élaboration des politiques de façon à améliorer l’accès à l’eau de manière globale pour la population. Une autre avancée en ce qui concerne le programme, c’est que  nous avons contribué à lever les barrières autour d’une maladie liée à la consommation d’une eau de boisson à forte teneur en fluor. La Fluorose dentaire. En menant des études scientifiques et sociologiques dans le nord Cameroun on s’est rendu compte que cette maladie qui donne une certaine coloration jaunâtre aux dents, n’est pas liée à l’hygiène, ni même à une malédiction quelconque. Il s’agit bel et bien d’une maladie liée à la consommation d’une eau ayant une forte teneur en fluor. Une pathologie qui affecte les femmes sur le plan social.

L’accès à l’eau demeure malgré tout un défi  pour les populations du Grand Nord Cameroun, et particulièrement pour les femmes. Quelles améliorations préconisez-vous dans cette partie du pays?

Ce que nous préconisons, c’est déjà de faire participer les femmes à tous les niveaux de prise de décision, qu’elles soient au cœur des activités liées à l’eau et qu’elle soit davantage outillé et formé sur les questions de l’eau et le changement climatique. Étant donné que le cycle de l’eau tant de plus en plus à être modifié à cause des aléas des impacts du changement climatique.

Lire aussi- CAMEROUN : la marginalisation des femmes, un obstacle à l’accès à l’eau

Au-delà de ça, il est intéressant d’écouter ces femmes. D’avoir leurs connaissances endogènes et traditionnelles afin de mieux les faire participer à toutes les questions liées à la gestion de l’eau, sa conservation et son approvisionnement. Aussi pour faciliter l’accès de la femme à l’eau il est important de développer ou alors de promouvoir les technologies endogènes qui sont déjà mises en œuvre dans les localités, mais qui ont besoin d’appui financier ou alors d’accompagnement de l’État et des partenaires au développement.

La Journée mondiale de l’eau 2023 se célèbre sur le thème « accélérer le changement ». Que doivent comprendre les paysans et communautés rurales du Cameroun et d’ailleurs ?

Ce thème interpelle les paysans et communautés rurales du Cameroun et   d’ailleurs sur leurs capacités à s’adapter au changement lié à la ressource   en   eau. Un changement induit par les impacts du changement climatique. Alors s’il   faut s’adapter à ce changement-là, il faut davantage être informé, et outillé, connaître l’importance de la ressource en eau et développer des techniques endogènes pour sa conservation. Aussi, les femmes rurales doivent savoir qu’elles sont au cœur même de l’action de gestion et de conservation de ressource en eau, bien qu’il faille l’appui des   pouvoirs   publics, que ce soit en termes techniques ou financiers. Elles ont besoin aussi de l’appui des partenaires au développement, que ce soit en termes de logistique, de technique, ou de finance, pour pouvoir mener à bien leurs initiatives locales   de gestion des ressources en eau et d’amélioration de l’accès ou encore de la   sécurité de l’eau.

 La Journée mondiale de l’eau est une journée de sensibilisation à une gestion durable des ressources en eau. Quel commentaire faites-vous en ce qui concerne le Cameroun ?

En ce qui concerne le Cameroun, je conseille aux autorités d’appliquer la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE). Parce qu’on a besoin de l’eau dans tous les domaines d’activité économique. On en a besoin pour l’électricité,  dans le secteur de la santé, le secteur   agricole, et le secteur industriel. Donc, l’eau interpelle tous les   acteurs, les décideurs, les planificateurs, les usagers. Et tous doivent contribuer d’une façon ou d’une autre, selon leur rôle, selon leurs responsabilités, à l’élaboration des lois, au développement des politiques, à la planification et à la mise en œuvre au niveau opérationnel. Au-delà de la gestion sectorielle de cette ressource, il faut une collaboration qui permettra de créer un équilibre dans la  gestion de la ressource en eau, dans la rationalisation même de cette eau, selon les priorités économiques et même sociales. Les femmes ont un rôle principal à jouer en matière de promotion de la gestion intégrée des ressources en eau. Il est important que les femmes soient davantage des leaders et agissent même au nouveau local et opérationnel. Elles doivent être des actrices plutôt que de simples bénéficiaires.

Propos recueillis par Boris Ngounou

Quitter la version mobile