Tous les yeux sont actuellement rivés sur le Niger après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Au-delà de l’incompréhension suscitée par le choix de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de recourir à la force pour restaurer le pouvoir du président déchu, ce coup de force remet au goût du jour la très curieuse question de la dépendance énergétique du Niger.
Soixante-cinq ans après son indépendance et malgré la diversité des ressources énergétiques dont il dispose, le Niger n’arrive toujours pas à produire l’électricité dont a besoin sa population. Le pays du Sahel peuplé de plus de 25 millions d’habitants dépend à 75 % de son voisin, le Nigeria d’où il a importé 1 450 gigawattheures (GWh) en 2020 selon l’Institut français des relations internationales (Ifri). Mais à la suite du coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, le Nigeria a riposté en coupant son courant.
Au-delà de la stupéfaction suscitée par la volonté de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’intervenir militairement pour essayer de restaurer le pouvoir du président déchu, ce coup de force rappel non sans brutalité, la situation énergétique du Niger. Le pays d’Afrique de l’Ouest dispose pourtant de toutes les ressources pour devenir une véritable puissance énergétique dans la sous-région.
L’épineuse question de l’uranium
Le Niger est ensoleillé par excellence à près de 300 jours par an. Le rayonnement solaire varie environ de 5 à 7 kWh/m2/jour et se trouve bien reparti sur le territoire national, selon le Conseil des relations économiques extérieures de Turquie (DEİK). À l’en croire, le rayonnement direct est élevé, plus de 65 % de l’ensoleillement total. Le potentiel hydroélectrique quant à lui, est estimé à environ 280,5 MW, dont 130 MW à Kandadji, 122,5 MW à Gambou sur le fleuve Niger et 26 MW à Dyondyonga.
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Il y a également l’uranium, un minerai stratégique dans l’industrie nucléaire. Il est exploité depuis 50 ans par Orano (l’ancienne Areva), mais aussi par la Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC) qui s’est associée à l’État nigérien pour exploiter l’uranium dans la région d’Azelik depuis 2010. Mais pour Alain Antil, le directeur du centre Afrique subsaharienne à l’Ifri, le Niger « n’est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l’être dans les années 1960-70 », contrairement aux discours relayés largement sur les réseaux sociaux sur la dépendance de l’industrie nucléaire française vis-à-vis du Niger. À l’en croire, le Niger est le troisième fournisseur d’uranium de la France, derrière le Kazakhstan et le Canada.
L’absence d’une stratégie de développement
Depuis quelques années, le pays s’est également lancé dans la production du pétrole avec des concessions accordées à la China National Petroleum Corporation (CNPC), notamment à Agadem dans le nord-est du Niger. Actuellement, le pays du Sahel affiche une capacité électrique installée de 272 MW, dont 266 MW de source fossile en 2019 selon le Programme des nations unies pour le développement (Pnud). Pour certains observateurs, cette situation est due à l’absence d’une stratégie globale de développement couplée à l’insécurité qui se généralise au Sahel malgré la présence de troupes étrangères depuis plusieurs années.
Mais l’espoir subsiste puisque le Niger s’est doté il y a quelques semaines de sa plus grande centrale solaire photovoltaïque. D’une capacité de 30 MWc, le parc solaire de Gorou Banda est situé à 12 km de la capitale Niamey. Afin de contribuer au développement de la capacité installée du pays, la Société financière internationale (SFI) a lancé en juin 2021 son programme « Scaling Solar » au Niger avec pour objectif de produire 50 MW dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP). Depuis, le projet n’a pas connu une avancée majeure, malgré un appel d’offres lancé en septembre 2021. En attendant, 81 % de Nigériens n’ont pas encore accès à l’électricité selon le rapport 2020 de la Banque mondiale.
Jean Marie Takouleu